Le président français effectue une visite d’Etat à Pékin au cours de laquelle il est rejoint par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne.
Contrairement à celle-ci qui, préalablement, a exprimé toute sa vigilance quant à une tentation chinoise de soutenir le potentiel de guerre de Moscou en Ukraine, il s’est fait très pondéré sur ce problème géopolitique majeur dont on peut subodorer qu’il ne sera pas le point le plus dense de l’ordre du jour. Peu réaliste, le paradigme serait d’attirer la diplomatie chinoise dans une sorte de médiation de paix plus ou moins neutre. Idéalement, de pousser Pékin à prendre langue avec Kiev pour entendre l’autre version du conflit. Un espoir sans doute assez vain.
D’abord, parce que, aux yeux des Chinois, la France n’est plus une puissance politiquement dominante au sein de l’UE, Union dont l’influence a progressivement décru dans le monde à la mesure de l’affirmation du »Sud global », de l’expansion du modèle politique et économique chinois mais aussi de la »reprise en main de l’Occident » par les Etats Unis. Ils connaissent trop bien la timidité politique des Européens à leur égard mais ne leur expriment aucune reconnaissance particulière de ne pas s’être alignés sur la posture conflictuelle qu’entretiennent Washington et Pékin. De plus, leurs exportations vers l’Europe ne représente que 15 % de leur commerce extérieur. La capacité de persuasion d’un dirigeant européen est à la mesure de cette taille modeste : Xi Jinping s’y montrera encore plus insensible que Poutine ne l’a été dans la poursuite de son plan guerrier.
Une visite d’Etat escortée par soixante hommes d’affaires représentant le fleuron du CAC 40 ou des PMI très performantes n’incite pas, de toute façon, à une confrontation de points de vue sur la Russie et l’Ukraine. Chacun connait l’inflexibilité des choix chinois comme la crainte des milieux d’affaires de voir leurs investissements et débouchés commerciaux ruinés par des sanctions, en raison de livraisons d’armes à la Russie. On avance donc sur des œufs. Pékin cherche toujours à enfoncer un coin entre Washington et ses alliés européens. L’élargissement de l’OTAN lui est une réminiscence de ce »vieux monde » dominé par l’Occident et qu’elle veut remplacer par le sien. Elle reproche à la France de ne plus être celle du général de Gaulle, »alliée mais non-alignée ».
Dans un monde qui n’est plus bipolaire mais éclaté ( »polycentré ») ce rappel du passé n’est plus justifié. Les Chinois ont surement bien noté les propos du président français invitant à ne pas humilier Moscou et ses appels à ouvrir des négociations (dès que Kiev en approuvera le principe, il est vrai). Sa préférence pour une »politiques d’équilibres » à leurs yeux penche plutôt du bon côté, même elle reste assujettie au leadership américain dans l’OTAN (livraisons d’armements, notamment).
Concernant la question de Taiwan, dans laquelle couve un prochain potentiel guerre majeure et peut-être éminente, la partie française voulait éviter d’avoir à traiter la chose trop au fond. Posture un peu naïve compte tenu de l’instance chinoise à faire réitérer sans cesse l’adhésion de tous ses partenaires au principe de l’unicité de la Chine. Au-delà, Pékin tente de faire reconnaitre son droit à intervenir. Le contexte entre les deux rives du détroit est affecté par une visite en Californie de la présidente Tsai Ying-wen, rencontre à la clé avec Kevin MacCarthy, le président de la Chambre des représentants américaine. Comme par le passé, Pékin réagit par des manoeuvres militaires dans le détroit, ce qui rend l’échange avec le président français sur ce point encore plus périlleux. Décemment, pourrait-il ne rien dire en défense des 24 millions de Taiwanais, pour défendre leur démocratie et pour mettre en garde contre une invasion chinoise ?
Bref, ils n’ont pas grand chose à craindre d’un hôte aux principes tempérés et aux attentes économiques élevées. Restera, au retour en France, à orchestrer pro domo les »avancées de la paix » issues de cette visite très fructueuse.