* 24 mai – L’Eurasie des trains cachés

En Eurasie, la guerre se décline le plus souvent au pluriel. Aujourd’hui, Taïwan ne serait elle pas l’Ukraine du Parti Communiste chinois ? En géopolitique, on s’attend toujours à ce qu’un train (visible) en cache un autre (qui surgit derrière). Souvenons nous des deux guerres d’annexion de la Pologne, en 1939, fruit du pacte Molotov-Ribbentrop ; de l’offensive de MacArthur sur l’archipel nippon provoquant l’entrée en guerre de la Russie contre le Japon et l’installation d’un régime stalinien à Pyongyang ; de la piteuse expédition de Suez, en 1956, ouvrant la voie à la ‘’normalisation’’ de la Hongrie par l’Armée rouge ; des crises simultanées du blocus de Berlin et du détroit de Taiwan ; enfin, de la guerre française d’Indochine, qui a vu la France incapable d’envoyer plus qu’un maigre bataillon en Corée, etc.

Dans cette logique, lors du lancement de ‘’l’opération militaire spéciale’’ contre l’Ukraine, les états-majors alliés se sont d’emblée inquiétés d’une possible connivence russo-chinoise autour d’une agression parallèle de leurs deux entités ‘’rebelles’’, soutenues par l’Occident. A l’image des grandes manœuvres russes autour de l’Ukraine (depuis novembre 2021), les incursions agressives, aériennes et maritimes, de l’Armée populaire de Libération dans l’espace de l’ancienne Formose portaient à craindre le pire : deux fronts simultanés, face à deux grandes puissances nucléaires !

La forte proximité de Xi Jinping avec Vladimir Poutine, affichée lors des Jeux olympiques d’hiver de Pékin, avait alimenté, au moment de l’attaque russe, la hantise d’un parallélisme de conflits taïwano-ukrainien. Pourtant, et alors qu’on n’y pensait plus guère, le président Joe Biden vient d’assurer que les États-Unis défendraient Taïwan si la Chine entreprenait d’aller plus loin que ‘’flirter avec le danger’’. Sortie de l’ambigüité stratégique, marge de souplesse préservée par Washington et alerte rouge dans l’antre électronique de l’Ours Géo ! Des cataclysmes nouveaux et imprévus sont-ils sur le point de surgir au 4ème mois de  »l’opération spéciale » (signée d’un Z : soit encore un parallèle et une oblique ) ?

Interrogé sur le sujet en octobre 2021, l’Oncle Joe Biden avait assumé ‘’un engagement américain en ce sens’’, ps une intervention, pour corriger, le lendemain, ‘’ne pas vouloir s’engager sur la voie d’une guerre froide avec Pékin’’ et ‘’ne pas croire qu’une telle guerre puisse éclater’’. D’ailleurs,  »il n’y aurait aucune raison pour que cela se produise ». Plus encore, son administration avait cru devoir rectifier le tir en recadrant cet engagement aux seuls moyens de défense requis par Taipeh, dans le droit fil du ‘’Taiwan Relation Act’’ de 1979. Donc, comme en Ukraine : ne pas intervenir directement mais armer son allié d’une capacité défensive suffisante pour tenir le coup. Revenant vingt jours plus tard sur le sujet – qui, visiblement, le travaille – le locataire de la Maison Blanche en a rajouté une couche, dans le souci d’apaiser l’Oncle XI : ‘’Nous n’encourageons pas l’indépendance. Nous les encourageons à faire exactement ce que prévoit le Taïwan Act’’. On ne saurait être plus clair, zigzags en plus.

Mais voilà qu’à l’issue d’un périple à Séoul et à Tokyo, Joe Biden prend tout le monde à rebrousse-poil, en affirmant mordicus que les États-Unis défendront Taïwan contre toute éventuelle attaque continentale : ‘’Nous étions d’accord avec la politique d’une seule Chine, nous l’avons signée’’ (de fait, elle n’implique pas nécessairement un régime politique unique, totalitaire)… ‘’L’idée que Taïwan puisse être prise par la force n’est tout simplement pas appropriée’’ a-t-il asséné, le 23 mai, au côté du premier ministre japonais Fumio Kishida. ‘’Ce serait = = une autre action similaire à ce qui s’est passé en Ukraine = =’’. Nous y sommes : c’est la théorie d’un train visible en cachant un autre, pas moins dangereux !

Ce revirement d’attitude n’est sans doute pas uniquement explicable par les manœuvres d’intimidation menées actuellement autour de l’île nationaliste par les militaires continentaux : incursions aériennes dans la zone d’identification de défense aérienne taïwanaise ou manœuvres aéronavales à portée de canon du littoral de l’Ile. Alors, par quoi d’autre expliquer le raidissement américain ? Tout d’abord, l’heure est à l’affirmation du leadership US en Asie orientale : le Japon est prié de protéger, avec sa flotte militaire, les arrières d’une intervention américaine ; l’Australie, d’armer des sous-marins nucléaires dans les détroits ; l’Inde de prendre ses distances avec la Russie, etc. On a dépassé le stade de la diplomatie ‘’molle’’ du soft power : le Chef prépare ses troupes. On pourrait aussi creuser du côté du déficit de consensus américain au sein du Congrès, l’option générale de fermeté envers la Chine contrastant avec la charge polémique d’une décision anticipée de la Cour suprême touchant au droit à l’avortement.

N’excluons pas qu’il y ait encore quelque autre motif, que nous ignorions. Xi Jinping aurait-il tiré des leçons de l’aventure russe et dans quel sens ? Celui de la modération de ses élans guerriers ou, au contraire, de l’incitation à passer à l’acte rapidement ? Il ne faut pas nécessairement privilégier l’option la plus noire. Attendons un peu, nous finirons par savoir…

* 5 mai – La face dépitée des mandarins chinois

Au temps où j’y travaillais, les magnifiques parterres fleuris des avenues de Canton m’avaient, un jour, inspiré un compliment. ‘’C’est agréable pour les Cantonais’’. Grand mal m’en a pris. Le mandarin de service qui m’accompagnait m’a vertement rabroué : ce beau paysage n’était pas destiné, comme je le pensais, à l’agrément des braves gens. Il était là pour ‘’glorifier les dirigeants (locaux) du Parti’’. En Chine, la gloire et la beauté ne sont pas destinés aux masses populaires. Elles servent exclusivement à promouvoir la face de ceux qui les dirigent, avec un grand souci de leur image (source d’autorité), sans surtout demander leur avis à ceux d’en bas. Peu de cas est fait de la dignité et des libertés des citoyens de base, seulement priés de servir de faire-valoir à leurs glorieux dirigeants.

Ainsi il en va de la politique zéro Covid adoptée par Pékin. Elle révèle les impasses d’un régime dont la légitimité n’est pas essentiellement fondée sur l’efficacité de ses dirigeants. Cette politique fonctionne jusqu’à ce qu’au sein du sommet, elle suscite des polémiques liées à sa brutalité. Les cris de rage et de désespoir des Shanghaiens enfermés dans leurs immeubles, mais aussi dans leurs bureaux et dans leurs usines, manifestent ainsi comme une velléité de révolte chez ce peuple pourtant habitué à subir en se taisant. Et le phénomène ne se limite pas à la capitale économique de la Chine : une quarantaine de grandes villes subissent les contraintes inhumaines du ‘’zéro Covid’’. Les comités de quartiers, composés de travailleurs de base peu éduqués, inféodés au Parti, s’habituent à œuvrer en garde-chiourmes, contenant dans un enfermement carcéral, dans l’angoisse et la famine des centaines de millions de citadins chinois. Investis d’un pouvoir tyrannique, ils se défoulent sur autrui et deviennent dangereux pour la société. A Canton, n’ont-ils pas entrepris de souder des barres de fer sur l’extérieur des portes d’entrée, transformant l’habitat en sarcophage cloué pour toute une population de malheureux. Si toute cette violence met en péril l’activité économique (un ciment de la société), il n’est pas dit que cela contribue à contenir le virus, loin s’en faut..

Certes, la Chine ne se sort pas trop mal de la pandémie, avec seulement quelque 4 600 morts ‘’officiels’’. La construction en un temps record d’hôpitaux de campagne et la livraison de masques chirurgicaux à des pays amis dresse une vitrine flatteuse de sa puissance. L’économie chinoise a tenu bon (8 % de croissance en 2021), les Jeux olympiques d’hiver se sont déroulés sans dégât sur le plan sanitaire. A quelque mois du congrès qui confirmera sa place au pinacle, Xi Jinping Xi Jinping n’est donc pas du tout d’humeur à ouvrir un débat sur sa politique sanitaire. Encore moins d’en changer. A l’origine de la maladie, à l’automne 2019, il a considéré, qu’il fallait escamoter tous les indices et données scientifiques sur le ‘’cas zéro’’ et les origines du Covid de Wuhan. L’OMS a été trompée dans ses tentatives d’enquête. La propagande a, contre toute évidence, imputé à l’ennemi américain la source initiale du virus. Aussi, loin d’avoir tardé à reconnaître l’épidémie de Shanghai, la Chine (= le Parti=) a campé en ‘’sauveur de l’humanité et vainqueur du Covid. Une sorte d’imposture, commise au nom de ‘’la face’’, en l’absence de tout contrôle international comme de contre-pouvoir médiatique.

La politique de confinement constituait la dure contrepartie, en interne, de ces fanfaronnades à l’international. Cette obstination à  »commander au virus » a généré un coût faramineux – économique tant qu’humain – dont le prix obérera l’avenir. S’ajoutant à la souffrance des gens, l’inefficacité n’est pas facilement pardonnée par les Chinois. Elle diminue leur tolérance naturelle à la langue de bois de la propagande : l’immense gloire du ‘’Centre’’ dirigeant pourrait subir le doute. On ne peut jauger l’effet de la folie carcérale du Parti sur la conscience politique des Chinois mais il existe, dans les grandes villes.

Le dispositif paraît vaciller du fait de la flambée du variant Omicron et de ses dérivés. Le PCC se trouve, à nouveau, exposé aux regards du monde extérieur, alors que les statistiques épidémiologiques se sont tues. Certes, la Chine limite encore raisonnablement la vague des contaminations, mais elle n’honore plus son mantra du zéro absolu. Même relative, la faillite de sa doctrine jette un soupçon sur l’infaillibilité dogmatique des dirigeants de Zhongnanhai (le quartier pékinois du cénacle du Parti).  Il n’existe aucune alternative politique au Parti Communiste Chinois, sauf à le militariser dans des guerres. Mais, d’ici au congrès d’octobre, une prise de conscience collective de ses failles et abus actuels pourrait faire émerger, en son sein, une ligne de (sourde) opposition à ‘’l’Oncle Xi’’. Elle peut aussi bien être  »éradiquée » par lui, préventivement au Congrès. Ainsi, il en va du Parti : Amen !

* 4 mai – Diversion extrême-orientale

Il y a un mois, plusieurs navires militaires russes avaient été repérés au sud-est du cap Soya, au nord d’Hokkaido. A l’issue d’exercices en mer d’Okhotsk, ces bâtiments lance-missiles et de transport de matériel militaire avaient franchi le détroit de Tsugaru entre Hokkaido et Honshu. Certains ont alors procédé à des tirs de missiles sur Etorofu et  Kunashiri, deux îles Kouriles du Sud occupées par la Russie en 1945, fermement  revendiquées par Tokyo. En plein conflit sur la Mer d’Azov, où elle a perdu un croiseur anti-aérien et un navire de transport, détruits par les forces ukrainiennes, la marine russe adopte une posture d’intimidation à l’égard du Japon. Comme pour signifier à Tokyo, qui s’est aligné sur les sanctions occidentales,  qu’elle est à même de mener bataille sur deux fronts, simultanément, aux antipodes. Déjà, au pic de la guerre froide (qui fut chaude dans cette région lors du conflit coréen), les Forces d’Auto-défense japonaises s’étaient trouvées confrontées à la perspective d’un débarquement de l’Armée rouge à Hokkaido (paradoxalement la  »bombe » d’Hiroshima et Nagasaki a levé cette hypothèque).

La 7e flotte américaine mène, certes, toujours  des exercices aux côtés des Forces maritimes japonaises d’autodéfense, mais Washington et Tokyo doivent compter, en plus, avec les provocations nucléaires et balistiques de la Corée du Nord. Pyongyang a procédé à 15 tirs de missiles depuis le début de l’année et un septième essai nucléaire pourrait intervenir bientôt. Les Etats Unis sont aussi confrontés aux prétentions de l’Armée populaire de Libération chinoise de faire de la mer du Japon, comme de celle de Chine du Sud, une mer fermée interdite aux marines occidentales. Tout cela fait déjà beaucoup.

L’USS Abraham Lincoln et son groupe aéronaval croisent dans ce théâtre de tensions. Escadres américaine et japonaise face à la flotte russe d’Extrême Orient : la mer du Japon pourrait devenir le front de diversion d’un conflit européen qui s’étendrait depuis la mer d’Azov et la Mer Noire jusqu’à celle du Japon.

Les tirs de missiles russes hypersoniques ‘’Kalibr’’ dans son environnement immédiat ont de quoi rendre l’archipel nippon nerveux. Pour rendre plus explicites encore ses intentions inamicales, Moscou a mis fin, depuis l’invasion de l’Ukraine, aux discussions bilatérales sur un Traité de paix entre les deux puissances visant à clore le passif de la seconde guerre mondiale. Le fond d’hostilité demeure. Tokyo n’a jamais été si proche de l’Alliance atlantique.

Palpable en Europe, en Afrique, dans le Pacifique, la menace russe n’est pas qu’une affaire régionale. De l’attitude de la Chine et de l’Inde peut dépendre que la guerre ne s’étende pas de l’Europe à l’Eurasie entière. Les offensives de diversion, d’ouverture d’un  »front secondaire » tournent souvent au pugilat général. Cette bonne vieille brute de Lavrov aime évoquer la  »troisième guerre mondiale » à nos portes. Alors, n’y croyons pas !

* 3 mai – Age d’or et gueule de bois

Adios, interdépendance ! Une lourde Interrogation plane sur l’avenir du XXIe siècle : la globalisation des marchés va-t-elle survivre aux antagonismes et conflits stratégiques qui surgissent un peu partout ? Pourra-t-elle résister à l’hostilité croissante entre la Chine et les Etats-Unis, dans leur quête du leadership/ de l’hégémonie, à la guerre en Europe et, plus généralement, au retour de l’ultranationalisme  et des protectionnismes ? La presse anglosaxonne – celle de la globalisation – ressasse son inquiétude. La réponse doit être prudente mais pessimiste : l’unité économique du Globe a vécu. Mais on n’a pas encore inventé le ‘’système d’après’’. On tâtonne, on s’énerve ….

Après la chute du mur de Berlin, on s’accordait à penser que liberté politique et libre-échange allaient en couple, se renforçant l’une l’autre. Pour un temps, ça a marché.  »Dans les années 1990, le nombre de pays convertis à la démocratie progressait, les barrières tarifaires diminuaient et les porte-conteneurs sillonnaient les océans » (dixit the Economist). Nostalgie, quand tu nous tiens…

Mais, depuis plus de dix ans, les chocs se sont multipliés. Crise financière de 2008 ; Brexit ; échecs enregistrés par Barack Obama dans la création de deux grands ensembles de libre-échange, l’un de part et d’autre de l’Atlantique Nord, l’autre dans le Pacifique ; élection de Donald Trump et début de bataille tarifaire entre Washington et Pékin ; pandémie ; guerre en Ukraine, s’ajoutant à l’épidémie de Covid-19. Les sociétés occidentales sont désormais vent debout contre le libre-échange, par vision écologique ou par chauvinisme. Retour dans son ‘’chez soi’’, rétrécissement du champ conscient, divergence des politiques étatiques, cet enchaînement infernal donne un coup d’arrêt à l’internationalisation des échanges : tant pis pour Ricardo et pour la théorie des avantages comparatifs : mieux vaut produire à la maison et consommer sur place, même si c’est plus cher.

En Asie, la plus vaste zone de libre-échange du monde, le Partenariat régional économique global (Regional Comprehensive Economic Partnership, RCEP) est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Celle-ci sonne le glas du système ‘’quasi-universel’’ construit autour du Gatt puis de l’OMC, dans ‘’l’esprit des institutions onusiennes’’. Pékin avait déjà créé une banque de refinancement réservée à l’Asie. Dans tous les cas, l’obsession américaine de ‘’contourner la Chine’’ possède sa part de responsabilité dans ce compartimentage en  »clusters » régionaux qui s’installe.

Avec la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, de nombreuses chaînes de fabrication en Europe de l’Est mais aussi à travers le monde se voient durablement perturbées. La raréfaction des énergies fossiles, du bois, du sable, le crack du colza, le renchérissement des céréales et de la plupart des matières premières, le désinvestissement occidental en Russie et même en Chine, l’étranglement des transports internationaux, se surajoutent aux stigmates du Covid, tels la ré-internalisation des productions stratégiques et pharmaceutiques, la pénurie en micro-processeurs, la crise du tourisme international, pourtant l’activité mondiale la plus évidente, et depuis février une guerre sur les devises et une forte dépression de l’investissement, du fait des sanctions ou du risque lié à la distance. Ajoutons y le  »bashing » de l’aviation civile. Funeste liste symptomatique d’une régression des échanges alors que nous voilà face à une perspective de stagflation… donc de tensions sociales …de pulsions populistes sur les thèmes de la souveraineté des peuples et de la préférence qu’ils s’arrogent… Halte au feu des égoïsmes !

Pour quelque temps encore, le commerce international s’alimentera à la relance post-Covid. Mais après ? The Economist, encore, s’interroge : ‘’ Est-il raisonnable pour les sociétés libres d’entretenir des relations économiques avec des autocraties qui, telles la Chine et la Russie, violent les droits de l’homme, font régner l’insécurité et s’avèrent plus menaçantes à mesure qu’elles s’enrichissent ? Quelque chose s’est brisé en route et on n’a plus confiance en personne. Le niveau d’hostilité entre les deux des grands blocs de puissance actuels – l’ensemble occidental et le couple sino-russe – va-t-il rester compatible avec la poursuite d’une politique d’échanges, même limités entre les continents ? L’Eurasie pourrait bien devenir un champ de mines hérissé de barbelés. La problématique ‘’guerre – commerce – rapport de force nucléaire donne le vertige. Alain Frachon en tire une leçon qui évite les hypothèses les plus extrêmes : ‘’ Nous allons vers un monde où les divisions économiques seront le reflet des divisions politiques’’. Ca va être sportif …

* 11 avril – Quel état du monde, demain ?

Comment décrire la possible débandade du monde de  »l’après-mondialisation » ? On ne pourra pas faire revivre les excellentes chroniques d’André Fontaine, reflets d’une autre époque. Essayons de taire nos sensibilités en prenant quelque distance d’avec la dramaturgie russe actuelle.

Dans quel état archaïque, néanmoins inédit et dangereux, le monde est-il désormais embarqué à notre cor défendant ? Est-ce une époque qui n’a pas encore de nom (Thanatocène) ? La question russe a toujours été source de tracas pour l’Occident. Le retour de Moscou à une posture agressive et même guerrière crée une lourde hypothèque sur l’avenir du régime Poutine comme sur celui du Nord de la planète. ‘’Cet homme ne peut pas rester au pouvoir !’’, la supposée gaffe de Joe Biden est en fait pétrie de bon sens. Plus qu’à la médiocre performance de la seconde armée du monde, l’incertitude tient surtout à l’apathie du peuple russe. Il se réveillera, mais pas nécessairement sous la bannière de la démocratie pacifique. La surenchère nationaliste pourrait tout aussi bien saisir la scène moscovite et conduire au rejet de l’Autocrate-Espion, dès  lors qu’il se révèlera perdant. L’instinct de vengeance de la base populaire et militaire pourrait lui survivre pour des décennies. A échéance perceptible, la cassure être les deux hémisphères du monde industrialisé s’en trouvera béante.

– L’offensive russe contre l’Ukraine réveille l’Occident de la torpeur qui l’engourdissait depuis vingt ans. Les vieilles démocraties réalisent être les cibles haïes du régime de Poutine, ce qu’elles avaient refusé de voir depuis la fin de la guerre froide. Elles perçoivent soudain un risque d’écroulement de tous les progrès du système international qu’avait engrangés les institutions multilatérales au cours de la seconde moitié du XXeme siècle : sortie du condominium bipolaire de la guerre froide; avancées du droit et de la justice internationaux; consolidation de l’Union européenne depuis la chute du Mur et le Traité de Lisbonne; expansion (modérée) du modèle démocratique et de l’Etat de droit; recul de la faim et de la maladie dans le monde émergent; mondialisation présumée porteuse de paix et de stabilité par la vertu des interdépendances liant les sociétés entre elles; révolution numérique censée éloigner les populations de l’ignorance et des théâtres de conflit.

La parenthèse de l’après-guerre froide s’était refermée le 11 septembre 2001. Vingt et un ans plus tard, les réminiscences de la seconde guerre mondiale ont fait fortement ébranlé les démocraties, mais elles seules. L’héroïsme des défenseurs de l’Ukraine et le charisme de V. Zelensky à plaider leur cause auprès des Occidentaux ont galvanisé les démocraties comme jamais par le passé. S’y est ajoutée la sidération face à la sauvagerie comportementale de la soldatesque russe, cause d’une tragédie humanitaire sans précédent. L’unité politique occidentale (européenne, transatlantique et bipartisane aux Etats-Unis) résistera-t-elle à l’épreuve du temps ?

– L’issue de la confrontation dépendra pour une grande part de l’attitude ambivalente  de la Chine, entre alliance idéologique avec Poutine et contre l’Occident et partenariat de raison avec l’Ouest, dans la sphère économique. Autre facteur à observer de près, la soudaine et impressionnante unité d’action de l’Union européenne (rejointe par le Royaume Uni) passera-t-elle le cap de la mobilisation sans retomber dans les anciennes ornières des chipoteries sur les accès nationaux aux énergies, le coût d’une défense collective, l’OTAN, la dette, les transitions, etc ? Ces choix pèseront sur l’issue du ’’conflit d’un autre âge’’ (le 19 ème siècle) déclenché autour de l’Ukraine. Dans la durée, on peut avoir quelques craintes. Cette guerre va durer, les Occidentaux y seront de plus en plus impliqués. La mondialisation cèdera-t-elle alors la place à un cloisonnement en blocs, hostiles sur fond de nouveau système mondial dégradé, qui ne sera en fait  »mondial » que par ses tensions et ses inégalités.

Le retour de la menace russe sur le continent n’a pourtant pas (encore) dissipé l’attrait de la dictature populiste ni les fantasmes xénophobes et autarciques. Le premier tour des présidentielles françaises paraît, à ce point de vue, immune de toute réflexion sur le populisme et ses vertiges guerriers. Marquée par toutes les tares du siècle passé, la guerre livrée aux démocraties aura forcément, sur le long terme, des retombées géostratégiques imprévues. Le recours à l’atome, tant craint mais plus probable, serait de nature à dessiner une future carte du monde entièrement centrée sur le Sud de la planète et sur des régimes politiques ‘’tribaux’’ très musclés. Certains en viendraient à s’affronter autour des dépouilles pantelantes du Nord.

La généralisation des sanctions, de plus en plus dures, le plus vaste et rigoureux programme jamais mis en œuvre entre Etats rétrécit l’espace de collaboration indispensable à un retour de la Paix. Cela a commencé par une confiscation étendue des actifs financiers de l’Etat agresseur, se poursuit par une assistance militaire et logistique croissante fournie – hors OTAN – aux combattants ukrainiens, jusqu’à la saisie des juridictions internationales compétentes en matière de crimes de guerre.  Sous la pression de l’opinion publique, les grandes entreprises, se sont résignées à suivre plus ou moins volontairement le mouvement, en se séparant de leurs actifs en Russie.

Certains spécialistes des relations internationales parlent de ‘’géopolitisation de la mondialisation’’, ce qui n’est pas très précis. Au minimum, les Nations Unies, l’OMS et les traités de libre-échange, la justice internationale, les doits humains et le régime de non-prolifération seraient éjectés du tableau. Le coût de la guerre ainsi que l’impact des sanctions sur l’économie mondiale va accentuer l’inflation, la crise énergétique et alimentaire, et fragmenter les marchés. En termes de guerre ou de paix, le recentrage du système international autour des nouvelles puissances émergentes (Chine, Inde, Brésil, Turquie, Arabie saoudite, Israël, Iran…) et le déclin corolaire des ‘’anciens Grands’’ livrera le monde à une suite de querelles entre régimes autoritaires.

Il faut la gagner vite, cette fichue guerre d’Ukraine… et surtout proprement !

* 17 mars – Le monde méli-mélo

Comme pour le COVID, les bouleversements provoqués à travers le monde par l’agression russe en Ukraine nous incitent à tenter d’imaginer  »le jour d’après ». Quand les armes se seront tues (ou quand le virus sera apprivoisé, à l’instar de la grippe), faudra-t-il croire naïvement que, par enchantement, la Paix (ou la Santé) reviendra, comme avant ?

Non , bien sûr ! Pour l’Occident, le fil-conducteur aura glissé d’une guerre par procuration – sans la  »faire » au sens strict, mais en l’alimentant par tous les canaux possibles – à une sorte de pénombre brumeuse. Les relations Est-Ouest croupiront dans un mélange d’hostilité, de méfiance et de rancœur tumultueuse, à travers une Europe cloisonnée en blocs autarciques et furieusement nationalistes. Sur une plus grande échelle, ce sera les Balkans au lendemain de la guerre de Bosnie, incapables de tourner la page. S’ouvrira alors une ère de confrontation molle, à mi-chemin entre  »drôle de guerre » et  »guerre froide parsemée de pics de crise ». Même à supposer qu’on aura heureusement pas atteint le stade terrifiant de la conflagration nucléaire, le nombre de morts et de victimes accumulés de part et d’autre rendra la réconciliation impossible avant longtemps. Et si Vladimir Poutine ou un de ses clones trônait encore au Kremlin ? Une Russie, même saignée à mort et demandant l’armistice, continuerait à dominer un immense espace stratégique au cœur du continent euro-asiatique, avec un mauvais état d’esprit. Ses blessures lui dicteraient une envie de vengeance. Celle-ci pourrait même engouffrer son  »mentor » chinois dans diverses formes de confrontation réellement mondiale, sans que Pékin l’ait voulu, du moins au départ.

Dans cette  »opération militaire spéciale » en Ukraine (son nom officiel), les démocraties pourraient perdre beaucoup, elles aussi. Tout d’abord, le système des Nations Unies, ses agences spécialisées (développement, faim et agriculture, télécoms, culture, petite enfance, droits humains, climat et biodiversité, etc.). Tout cela n’y survivrait sans doute pas. L’OMS et la régulation du commerce international n’aurait plus aucun objet. Tous les pays industrialisés seraient, au bout de quelques mois, quelques années, appauvris, déstabilisés économiquement et socialement. Privé de blé, de maïs et aussi d’attention, beaucoup d’Etats émergeants connaîtraient la famine et ne seraient plus aidés contre les calamités naturelles. Il est probable que l’Afrique noire sombrerait dans une anarchie sanglante, celle où le grand Moyen-Orient se trouve déjà.

Il est nécessaire de revenir sur un point : le pays le plus peuplé du monde, champion du commerce extérieur et des réserves de change, devrait impérativement assumer ses responsabilités face à la marche chaotique du monde. Ceci implique clarté et franchise quant à ses intentions. Et ce ne sont pas vraiment les qualités innées de Xi Jinping. En livrant à Moscou les blindés, les drones d’attaque, l’attirail de guerre électronique que Poutine lui demande avec insistance (y compris les lignes de crédit afférentes), le Parti communiste chinois se donnerait les moyens de rendre plus cruelle et plus durable encore cette guerre injuste en Ukraine. L’ambigüité chronique du régime chinois l’amène à soutenir totalement Poutine dans son discours intérieur (une  »alliance dure comme le roc »), tout en menant un jeu assez trouble, sur la scène internationale. Probablement, le Bureau politique a relève avec irritation la suite d’erreurs tactiques et de fautes d’analyse qui embourbe le dictateur du Kremlin dans un conflit suicidaire. Et il est tout aussi probable que la direction chinoise y voit également une aubaine pour lui marchander son aide et exiger en retour d’importantes contreparties s’il veut qu’on lui maintienne la tête hors de l’eau, sans plus. Pékin cherche à contrer discrètement les sanctions qui frappe la Russie, sans s’exposer aux mêmes punitions et sans rompre avec ses clients d’Occident. Le beurre et l’argent du beurre et la duplicité en sus !

Lors d’une récente rencontre sino-américaine entre conseillers de haut niveau, Yang Jiechi et Jack Sullivan se sont entendus sur un seul point : il faut continuer à se parler. Sur le fond, Washington a fait passer sans ménagement le message suivant :  »si vous décidez de compenser les pertes de la Russie, vous vous exposerez vous aussi aux mêmes sanctions qu’elle ». De son côté, Yang a disserté, de façon filandreuse, sur  »la nécessité de prendre en compte les contextes historiques en Europe et en Asie ». Tiens, tiens,… il serait donc question de mettre dans la balance les cas parallèles de l’Ukraine et de Taiwan ! … ces deux rejetons d’empires dont ils se sont émancipés ! Plus précis, le Global Times de Pékin martèle que  »Washington n’a pas le droit de dicter à Pékin une conduite sur la Russie et l’Ukraine » … ni  »de renoncer à livrer des armes à Moscou ou à tout ce qui pourrait dégrader ses relations avec la Russie ». C’est bien plus clair : l’Ukraine est passée aux pertes et profits. Aussi, le prochain bras de fer va tourner autour de la proposition peu aimable  »si tu nuis à la Russie, je nuirai à Taiwan » … à ceci près, évidemment, que Taiwan n’a jamais agressé personne.

* 3 mars – Vladimir, voisin paria

Le pouvoir n’est plus tant que ça  »au bout du fusil ». Mao Zedong n’avait pas bien testé son dicton. Avec l’agression russe contre l’Ukraine, on redécouvre que l’économie et l’image de marque pèsent lourd, elles aussi, dans la durabilité d’une dictature. Malgré tout son aveuglement, Vladimir Poutine doit commencer à se douter que, dans une Russie ruinée, les fusils risquent d’échapper à son contrôle, voire pire. La Fédération de Russie pourra bientôt fermer sa banque centrale, coffres vides, mais aussi son Quai d’Orsay, le M.I.D : hormis la Chine, l’empire des tsars n’a quasiment plus aucun partenaire dans le monde sur qui il puisse compter. Avec la RPC, les relations commerciales vont-elles suffire à compenser les sanctions imposées à Moscou ? En fait, Pékin ne se prêtera qu’a moitié à ce jeu, qui ne satisfait pas tous ses intérêts.

Opposé aux sanctions économiques contre la Russie de Poutine, son ‘’meilleur ami’’, Xi Jinping, n’a ni les moyens, ni, surtout, l’envie de tout sacrifier à la cause du président russe. Il rechigne à aider cet allié un peu compromettant à les contourner en totalité, même s’il peut les atténuer en partie … mais ‘’donnant-donnant’’. En fait, il a de quoi être vexé de ce que l’impassible Vladimir lui ait caché ses plans d’invasion, à quelques jours de leur réalisation, alors qu’ils plastronnaient tous les deux, à l’ouverture des J.O. de Pékin. Qui plus est, lempire du Milieu n’est pas le premier partenaire économique de Moscou et ne peut se substituer entièrement à l’Europe. Il pèse pour 15 % des exportations de la Russie et 20 % de ses importations. L’Union européenne est son premier fournisseur, avec 37 % des échanges commerciaux de la Russie en 2020. En dépit des sanctions mises en place par l’UE en 2014 contre le régime de Vladimir Poutine, après l’invasion de la Crimée, le commerce de la Russie avec le Vieux Continent était, avant la pandémie, deux à trois fois plus important que celui réalisé avec la Chine. Ainsi, 83 % du gaz fourni par Gazprom aboutit en Europe. Substituer rapidement des clients asiatiques aux clients européens ne sera pas si facile. De plus, depuis 1992, le produit intérieur brut russe a été rapidement dépassé par celui de la Chine et l’écart est devenu abyssinal (de un à dix). La Russie ne figure même plus parmi les dix principaux partenaires commerciaux de Pékin.

Malgré tout, les produits que la Russie exporte sont justement ceux dont le pays de Xi Jinping est gourmand : des hydrocarbures et des céréales. Au premier jour de la guerre, le 24 février, les douanes chinoises ont annoncé lever les restrictions aux importations de blé russe mises en place jusque-là pour des raisons phytosanitaires. Voilà un petit coup de pouce donné au voisin du Nord mais qui correspond, surtout, à ses propres besoins, au-delà de sa portée symbolique.

Un nouveau gazoduc est prévu au titre des accords signés à Pékin le 4 février, lors de la rencontre des deux présidents ;Xi Jinping et Vladimir Poutine avaient alors annoncé que les relations internationales entraient  »dans une nouvelle ère »Leur amitié, désormais ‘‘sans limite », avait donc aussi comme un petit parfum d’hydrocarbure. Depuis 2019, le gazoduc Sila Sibiri  (‘’force de Sibérie’’) relie la Russie à la Chine. Par ce biais, Moscou a fourni, l’an dernier, 16,5 milliards de mètres cubes de gaz à la Chine s’ajoutant à un précédent contrat qui prévoyait la livraison de 38 milliards de mètres cubes par an à l’horizon 2025. Le 4 février, les deux pays ont annoncé l’achat par la Chine de 10 milliards de mètres cubes supplémentaires par an pendant vingt-cinq à trente ans grâce à la construction d’un nouveau pipeline via la Mongolie, Sila Sibiri 2, supposé entrer en activité en 2030. Vladimir Poutine espérait vendre davantage de gaz et de pétrole russe aux dirigeants chinois, mais ceux-ci ont fait preuve de prudence. Le contrat passé par Rosneft avec la CNPC chinoise a été libellé en euros, un effort pour ‘’dédollariser’’ l’économie russe. Mais la part du yuan dans les transactions est appelée à croître et Moscou devra bien s’y adapter.

Autre signe de soutien pondéré, aux Nations Unies la Chine dit ‘’comprendre’’ la Russie, mais ne l’a pas soutenue publiquement lors du vote sur l’Ukraine, intervenu le 2 mars. L’Assemblée générale de l’ONU a « exigé » que la Russie mette fin de la guerre en Ukraine et retire ses forces ’’immédiatement, complètement et sans condition’’. La résolution adoptée déplore de même l’implication de la Biélorussie et appelle à un accès sans entrave à l’aide humanitaire. Ce texte, piloté par l’Union européenne en coordination avec l’Ukraine, a été approuvé par 141 pays sur les 193 que compte l’Organisation. Trente-cinq pays-membres se sont abstenus et la Chine est du nombre. Elle ne veut pas s’associer à la ‘’dénazification’’ du pays envahi. Une option d’équilibre et  de confort dans l’ambiguïté. Seuls, cinq Etats (la Russie, le Belarus, la Corée du Nord, l’Érythrée et la Syrie) ont soutenu la ligne de Moscou. C’est tout dire !. On n’avait jamais vu l’AGNU aussi unie et déterminée, face à une guerre depuis le vote de l’opération de l’ONU en Corée. Un mauvais souvenir pour Pékin. La Russie s’est abaissée elle-même à l’état de paria sur la scène mondiale. Cela chatouille manifestement l’aura de Pékin.

Sur le plan de ses intérêts économiques, la Chine peut sans doute voir  d’un bon œil la perspective d’une  dépendance accrue de Moscou à son égard. Pourtant, elle n’a aucun intérêt à sacrifier sa relation avec les Occidentaux. Elle peut donc soulager les convulsions de Moscou mais pas effacer sa dette ni sa mauvaise presse. D’ailleurs, il n’est pas certain qu’elle le veuille. Pas question de mettre tous ses œufs dans le panier russe. Une Russie affaiblie se retrouve dans la position désavantageuse du demandeur. Telle Huawei, certaines entreprises chinoises souffrent déjà de sanctions occidentales. Si elles ne peuvent pas utiliser l’euro ni le dollar dans leurs affaires avec la Russie, elles vont y réfléchir à deux fois. D’ailleurs, les banques – publiques – chinoises ne semblent pas, pour le moment, aider les Russes à contourner les sanctions financières. Fauché, Vladimir : on le plaindrait presque !

* 26 février – Double tranchant

Sous le feu des missiles et de la piétaille russes, Kiev est en passe d’être liquidée. La résistance est héroïque, mais le jeu, par trop inégal. Les experts militaires sont unanimes : l’Ukraine ne tiendra plus très longtemps. Peut-être, une guérilla de résistants prendra-t-elle le maquis …

Plutôt assez unie, l’Europe ne trouve pas de réplique à la mesure de l’agression qui la frappe. Le président français constate que  »la guerre va durer ». S’arrêtera-t-elle aux frontières orientales de l’U.E ? Face à l’armée d’Attila, on voit mal quelle coexistence pacifique pourrait s’instaurer (du moins, en l’absence de Sainte Geneviève). Les hordes de Poutine accumulent les crimes de guerre partout où on les lance. C’est Grozny à Kiev, Lviv, Kharkiv, Marioupol et ailleurs.

Les sanctions occidentales vont mordre les économies russe et biélorusse à moyen terme, lorsque l’Ukraine n’existera plus. Elles suivront une logique de progression par étapes, crescendo. Les Américains frappent la finance russe, du moins certaines banques dont ils gèlent les avoirs chez eux (mais pas dans les paradis fiscaux) et l’utilisation du dollar. Ils hésitent encore à tarir les échanges commerciaux en expulsant la Russie du réseau interbancaire SWIFT. Les Européens, à fortiori, conscients qu’ils sont des graves retour de bâton qu’ils infligeraient à leur approvisionnement en gaz mais également, en blé, en métaux rares, en droits de survol, etc. Plus de 700 entreprises françaises en Russie se trouvent, par exemple, menacées de faillite. Que Poutine et Lavrov soient privés de leurs comptes bancaires en Occident tient de la symbolique pure. Les croit-on assez stupides pour avoir laissé leurs  »petites économies » chez l’ennemi, tandis qu’ils planifiaient leurs opérations depuis des mois sinon des ans ?

Les sanctions portant sur la technologie, l’aéronautique comme sur les besoins de refinancement de l’économie ne sont pas négligeables. Cependant, elles vont livrer la Russie à une situation de dépendance à la fois opportune, face à sa mise en quarantaine internationale, et périlleuse pour elle, à long terme. C’est une aubaine pour le régime de Xi Jinping, qui accroitra son emprise sur Moscou tout en lorgnant sur les richesses et l’espace de la Sibérie. Pékin va s’employer, bien sûr, à cacher son jeu et à jouer sur tous les tableaux.

Il y aura-t-il plus d’effet du côté des sanctions non-dites ? Celles-ci interviennent dans les sphères de l’armement (et de l’échelon d’expertise associé), du conseil et du renseignement, également des opérations de cyber-guerre, de guerre électronique et satellitaire. Elles peuvent théoriquement monter en puissance jusqu’à une mise en alerte des forces nucléaires stratégiques, avec les échanges de message qu’on imagine alors entre les protagonistes. Il s’agit, à chaque étape, de réagir fortement au franchissement de lignes rouges notifiées au camp d’en face. Ceci étant mentionné, sans soupçon, pour l’heure, qu’on en arrive là.

Protéger, le cas échéant exfiltrer le président Volodymyr Zelensky serait un vrai point marqué sur l’échiquier géopolitique. Son assassinat est – Poutine l’a bien fait comprendre – le but n° un de l’offensive en cours sur Kiev. Liquider le régime, les institutions et les bases populaires de la démocratie constitue le but de guerre n° deux. J-Y Le Drian a laissé à entendre que la France chercherait une parade. Transférer à l’abri un gouvernement ukrainien en exil serait bien le moins que puisse tenter une démocratie restée à distance des combats.

Des centaines de milliers d’Ukrainiens éprouvés et malheureux affluent aux frontières orientales de l’Europe. Précisément, dans ces régions qui voulaient s’enfermer derrière des murs pour refouler les exilés. Cette fois, les arrivants seront accueillis. Sans ironie, quelle conversion soudaine à la solidarité humaine ! Après tout, tant mieux !

* 21 février – Fil du rasoir

Un week-end de dingues ! Les jeux olympiques de Pékin dans leur  »bulle sanitaire » s’achevant sur une belle réussite technique et une flambée d’hostilités aux portes de l’Europe, dont on s’attend à ce qu’elle dégénère. Mais on se refuse encore à la qualifier de ‘guerre’, tant qu’elle n’entraine pas – directement – dans la tourmente les plus grandes puissances militaires. On a du mal à relier les faits entre eux : 15 médailles et un triomphe technique pour la Chine… aucune mention sérieuse de ses problèmes de droits humains (comme quoi la controverse touchant les Ouigours, Hongkong, le Tibet, les derniers libres penseurs chinois, c’était du pipeau : on s’est tous aplatis) … l’hypothèse dramatisante d’attaques coordonnées de la Russie sur son ‘front ouest’ et de la RPC contre Taiwan. N’en jetez plus !

Face à Pékin, les Etats occidentaux, du moins ceux qui prônaient un boycott politique, se sont pris une piteuse raclée. Ceux qui, à reculons, ont répondu à l’appel du monde du sport (lequel se fiche bien des Ouigours) se sont montrés muets dans leur complaisance. Le  »génocide » dont on s’inquiète est, celui-là, factice et concerne quelques milliers d’habitants des territoires rebelles du Donbass, expédiés manu militari en Russie pour y jouer les réfugiés éplorés. La machine de propagande tourne à fond pour nous démontrer que le  »vilain » président ukrainien Zelensky est en train de broyer sous le fer et le feu des Russes innocents (ils viennent de recevoir leur passeport) qu’il complote d’exterminer.  »Poutine le chevaleresque » est tenu de les secourir et surtout de venger l’affront. Donc il prépare une phase 2 de sa phase 1, qui est déjà une guerre : 1500 obus échangés dans la journée, des morts civils et militaires n’est-ce qu’une routine insignifiante ?

Et pourtant, la recherche opiniâtre de la paix – ou du moins d’un armistice – n’est pas épuisée. Dans son ambiguïté insondable, Poutine accepte encore qu’on lui parle. Pas pour concéder quoi que ce soit à la raison mais, quand même, pour avoir deux fers au feu. Une alternative fragile à la guerre de grande dimension devra toujours être tentée. On ne peut que saluer la navette téléphonique du président français entre Moscou et Washington. La perspective d’un sommet Biden – Poutine, dans une situation aussi explosive, constitue un acte de sauvetage (encore une fois, sans issue claire). Elle valait bien que, pour cela, Emmanuel Macron accepte de concéder sur le format. A cet épisode en duopole succéderait une réunion plus large incluant l’Europe et l’Ukraine. Sur le fond, l’agenda ne pourrait autre que  »sauver la face du soldat Poutine » et lui permettre de retirer ses troupes sans avoir à avaler sa chapka. Les diplomates sont là pour déguiser la réparation d’une énorme bêtise en  »partenariat gagnant-gagnant ».

Mais Vladimir a-t-il fixé son choix ? En maintenant ses troupes en Biélorussie au-delà de l’échéance sur laquelle il s’était engagé auprès de M. Macron, en continuant à produire des scénarios-prétextes censés justifier une intervention massive, en déplaçant des populations civiles, en mobilisant ses forces nucléaires tactiques, en mentant aux Russes, il montre bien sa totale absence de scrupules. Il paraît encore loin d’un choix crédible en faveur de la paix. Il nous oblige à marcher sur le fil du rasoir. Alors, ne nous essayons pas aux prédictions.

* 7 février – Un monde post-occidental

Dans le stade ‘’nid d’oiseaux’’ de Pékin, la place a été laissée vide par les représentants des pays occidentaux, pour fait de boycott ou par retard délibéré. Poutine a donc attiré sur lui-même toute la lumière des projecteurs.  Vedettes du grand show olympique, les présidents russe et chinois ont assisté, en bons comparses bien réjouis, à la cérémonie d’ouverture des Jeux d’hiver. Au-delà du sport, la fresque parlait de l’état du monde : on était invité à entrer de plain-pied dans ‘’l’ère post-occidentale’’ (et post-démocratique). Si l’on formate le monde ainsi, les efforts – méritoires, quoique très incertains – du président français pour tenter d’arrêter la machine de guerre aux frontières de l’Ukraine tiennent de la simple anecdote de comptoir de bar, comme on le dirait d’une danse villageoise dans le Bas-Congo pour faire venir la pluie.

La réception du président russe par M. Xi, trois heures durant, la signature d’une quinzaine de documents, politiques et commerciaux (Gazprom et Rosneft ont évoqué des accords avec leurs homologues chinois), mais plus encore la publication d’une longue déclaration commune sur l’entrée des affaires internationales dans une  »nouvelle ère » ont exalté la collaboration des deux régimes dans les affaires du monde. Ce texte géostratégique met en exergue une forte convergence (circonstancielle) contre ‘’l’ennemi commun’’. La ‘’nouvelle ère dans les affaires internationales’’ serait, assurément, d’empreinte sino-russe exclusive. Pour Vladimir Poutine et Xi Jinping, l’essentiel est bien là : apparaître en leaders du monde, là où l’Occident sombre, de sa propre faute, dans l’insignifiance. Tant pis pour les athlètes et pour la trêve olympique, qui n’est d’ailleurs plus respectée depuis longtemps ! Qui plus est, la Russie n’avait-elle pas été suspendue du mouvement olympique pour ‘’dopage d’Etat systémique’’ ? Qu’importe ! Le seul podium recherché est celui de la ferveur nationaliste et de la puissance d’Etat. Les athlètes en fournissent l’occasion et une partie du décors. Le document bilatéral constitue logiquement une charge contre les Etats-Unis et leur ‘’approche de guerre froide’’, mais aussi contre l’Occident. Les deux capitales se disent  préoccupées par la formation de l’alliance militaire des Etats-Unis avec le Royaume-Uni et l’Australie (l’Aukus), estimant que cette entreprise, notamment autour de la fabrication de sous-marins nucléaires ‘’ touche à des questions de stabilité stratégique’’’. Dans cette situation, la Chine et la Russie seraient, selon le Global Times (version anglophone du Quotidien du Peuple), ‘’les deux seuls pays ayant encore la capacité de sauvegarder leurs intérêts fondamentaux et leur souveraineté’. Presqu’un appel à la guerre des peuples, venant de deux régimes totalitaires qui ont en plus le toupet de se  proclamer ‘’défenseurs d’une ‘’démocratie authentique’’.  On n’est quand même pas très loin de Berlin-1936 ! Aucune voix ne fait contre-écho, à l’Ouest. Les absents ont toujours tort et un boycott sportif n’a jamais fait avancer la cause des opprimés. On le savait trop bien, dès l’origine du débat, mais on a été veule, comme souvent.

Les présents, eux, échangent de bons procédés. L’hôte des Jeux et son invité d’honneur ont affiché un soutien mutuel sur leurs sujets de préoccupation. Ainsi, la Chine endosse-t-elle l’opposition virulente de la Russie à tout élargissement de l’OTAN. C’est une prise de position sur l’Ukraine, qui pourrait bloquer toute possibilité d’action au sein du Conseil de sécurité, si l’invasion se concrétisait. Les Etats-Unis et l’Europe auraient-ils alors la volonté et les moyens de surmonter leur potentielle impuissance, en recourant à l’arme des sanctions face aux deux puissances nucléaires dont l’une est un pilier de l’économie mondiale et peut le mettre à l’abri ? Non pas que cette alliance entre comparses soit de format  équilibré ni qu’elle repose entièrement sur des intérêts communs. Le duopole totalitaire a ses failles et ses contradictions. Chacun y roule d’abord pour lui-même. Mais la détestation de l’Occident et l’envie de le rejeter à la marge – et, avec lui, tout le système de droit et de maintien de la paix – est peut-être LE catalyseur qui alimente le mieux leur collusion mortifère.

Un fait à ne pas sous-estimer.

* 3 février – Le Tigre chinois et la gouvernance du monde

Qui gouverne le monde en 2022 ? La question agite autant Pékin que Washington, Tokyo, Paris ou Bruxelles. Sur une bonne partie de la planète, le nouvel an chinois a ouvert l’année, le 1er février, sous la bannière du Tigre. Selon l’astrologie chinoise, ce tigre-là sera d’eau, fuyant, non-maîtrisable, plein d’imprévisibilité. Dans l’imagerie populaire chinoise, il est vieux mais redoutable, avec des dents et des griffes aiguisées.

De quoi glacer le sang qui, en Occident, au Japon ou en Inde, assiste à l’irresistible ascension du géant asiatique sur la scène mondiale. Où cela va-t-il s’arrêter ? Pékin plastronne en accueillant les jeux olympiques d’hiver, dans un pays dompté par le dressage de ses minorités et la ‘’société de surveillance’’ pour tous (les yeux du Tigre). A l’international, l’Empire fait de plus en plus peur et considère ses voisins insoumis – à commencer par Taiwan – comme des rebelles à punir, comme il l’a fait avec les Hongkongais. Revenu à une conception dichotomique et idéologique du monde – celle de Xi Jinping – le Parti paraît prêt à beaucoup sacrifier à sa suprématie éternelle et au triomphe de son chef, lors de son prochain congrès, en octobre. Une guerre extérieure ‘’patriotique’’, n’est pas l’option la plus probable, mais elle deviendrait envisageable si la population se mettait à renâcler. L’appel à la fibre nationaliste fonctionnerait alors à plein pour éluder des tensions internes.

Pourtant, le spectre de la récession globale due à la pandémie de COVID s’éloigne. Mais les crises prochaines s’annoncent en cascade, les anciennes n’étant pas résolues (Syrie, Liban, Biélorussie, Sahel et Afrique occidentale, Caucase, Corée du Nord…) et celles qui ressurgissent, dans le cas de la Russie face à l’OTAN, se font plus pressantes. La pandémie mondiale a entaché l’image de la Chine, qui s’obstine à nier son rôle initial dans l’apparition du virus, ce qui la pousse à imposer plus durement son autorité aux autres. Pour elle, l’Occident, en déclin, n’est plus un obstacle. Il est promis à la dégénérescence et à un effacement de la carte du monde. La Russie est, elle, perçue comme un comparse pour précipiter le phénomène plutôt que comme un allié de long terme. Pékin va observer les gesticulations militaires du Kremlin en pesant ses propres intérêts géostratégiques. Quant aux Etats-Unis, les ferments de division au sein de leur société n’ont pas échappé aux stratèges chinois. L’Amérique de Joe Biden clame son leadership sur l’Ouest mais, politiquement, elle est affaiblie. Après le désastre qu’elle a subi à Kaboul, elle ne peut plus vraiment se lancer dans des interventions de ‘’shérif de la planète’’, même si elle en a encore les moyens matériels. Washington ne se laissera pas entraîner dans une guerre pour défendre l’intégrité de l’Ukraine et sans doute pas même dans de grands efforts pour palier l’impuissance de l’Europe.

Dans un tel contexte, le droit international et les institutions multilatérales ont perdu toute influence : le  Tigre peut bondir sur qui il veut, comme et quand il le veut, il n’y a pas de dompteur. A ses yeux, la crise de la gouvernance mondiale devrait aboutir à l’effacement complet des institutions de l’ONU. En Asie, elle a commencé à les remplacer par d’autres, régionales, placées sous sa main. Populismes et nationalismes nationaux substitueront la Loi de la Jungle à ce qui fut, deux générations durant, le socle commun de la Paix et de la sécurité mondiale.

Pour Pékin, l’hégémonie du plus puissant reste compatible avec les dividendes de la mondialisation. Il y  une grande part d’aveuglement dogmatique dans cette euphorie de puissance orwellienne. La frénésie d’un dirigeant-tigre qui se croit tout puissant. Un risque sérieux existe à sous-estimer les résistances du monde extérieur au ‘’grand rêve chinois’’ de l’Oncle XI.

Que les jeux d’hiver commencent dans leur bulle sanitaire ! Bonne Année du Tigre et qui vivra verra !

* 10 janvier – Risque de guerre : l’Aigle et le Dragon


L’antagonisme entre la Chine et les Etats-Unis a été, à l’origine, commercial. Mais tous les jours ou presque, de nouveaux éléments viennent alourdir le contentieux entre ces deux puissances. La rivalité a désormais envahi l’ensemble du spectre géostratégique. Technologie; puissance militaire; conquête de l’espace; hégémonie mondiale, aucune affaire mondiale n’y échappe. Les Chinois sont subjugués par le ‘’rêve’’ dont Xi Jinping a fait son programme : dépasser les États-Unis et prendre le leadership mondial dans tous les domaines.

Sûrs, de leur côté, de pouvoir conserver ledit leadership et leur avance sur les autres puissances, sans doute un rien condescendants quant à la puissance réelle de leur adversaire, les Américains se sont longtemps réfugiés dans le déni. Mais Pékin dispose désormais de la plus grande marine militaire du monde et d’un arsenal stratégique qui croit exponentiellement en taille et en portée. Son hégémonie en Asie, mais aussi au-delà, à travers le maillage des nouvelles routes de la soie, sonne l’alerte. L’inflexibilité teintée de mégalomanie de la direction du Parti chinois s’impose désormais à tous les acteurs géopolitiques de la Planète . Elle ne se laisser arrêter par rien, ni par personne, au point de s’enorgueillir de ses missiles hypersoniques et de ses têtes nucléaires capables d’anéantir toutes les grandes métropoles des Etats-Unis. Certes, une performance, mais ue menace pour la Paix !


Après l’avoir trop minoré, le défi chinois obsède durablement l’Amérique. Avec la stratégie du pivot, Washington mobilise tous ses moyens pour tenter d’endiguer l’hégémonie montante de Pékin. Les répliques se succèdent : annulation de la participation d’officiels américains aux J.O de février à Pékin ; boycott de la technologie 5G chinoise et, surtout, tensions croissantes dans le détroit de Taïwan dont l’accès aux eaux internationales doit désormais être forcé par l’US Navy. Ecoutons Alain Frachon, l’éditorialiste du Monde à ce propos :


« Courant décembre 2021, le secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, livrait son diagnostic sur les manœuvres répétées de l’armée chinoise visant Taïwan. Elles ont tout l’air d’une répétition avant l’invasion, disait-il. Sans insister particulièrement sur ce point, le président chinois, Xi Jinping, n’exclut pas l’option militaire. Tout en reconnaissant l’unité de la Chine (nota : pas le monopole absolu du Parti communiste), les Etats-Unis se sont engagés en 1979 à fournir à l’île, qui depuis 1949 s’auto-gouverne de façon autonome, les moyens de se défendre. Cela n’oblige pas les Etats-Unis à intervenir militairement eux-mêmes, mais le président américain, Joe Biden, laisse courir une manière d’ambiguïté. A tout le moins, Pékin s’interroge sur la nature de la réaction américaine en cas d’assaut sur Taïwan ». Manifestement, Washington aussi…

L’invasion n’est pas pour demain matin, car l’Oncle Xi se doit de passer, en idole adulée des masses, le cap pour lui stratégique du 20e congrès du Parti, à l’automne. Pourtant, lorsqu’il jugera le moment favorable à l’usage de la force (l’Occident suffisamment affaibli), peu d’observateurs doutent qu’il se réfrènera. La communauté internationale – pour autant qu’elle existe – aura le plus grand mal à pardonner un assaut frontal aussi massif contre une population de 24 millions d’âmes, un crime contre l’humanité qui promettrait d’être sanglant. Après le Tibet, Tiananmen-1989 et Hong Kong-et les Ouigours du Xinjiang-2020, une telle montée en puissance de la violence contre des populations civiles achèverait de conférer au Parti-Etat l’image d’un ogre qui, l’un après l’autre, dévore ses enfants. Cela rappelle un certain dirigeant russe moustachu. Doutons que l’anthropophagie puisse pérenniser un régime politique !