Le coup de fil de Joe Biden au roi d’Arabie Saoudite a quelque chose de réconfortant. Nul ne doutait un seul instant que Mohammed Ben Salmane avait bien commandité la mise à mort horrible du journaliste (proche de la famille régnante) Khashoggi, dans les locaux du consulat d’Arabie à Istamboul. Mais publier le rapport très explicite de la CIA, qui ne laisse aucun doute là-dessus, en l’accompagnant d’un aimable boniment au père, voilà qui a de la classe… et du fond ! Washington avait déjà, dans les jours précédents, ‘’coupé le robinet’’ des armements utilisés dans le conflit yéménite, autre caprice sanglant du fougueux MBS, cette réincarnation en pire du jeune Abdallah des aventures de Tintin (il débarque à Moulinsart et se met immédiatement à torturer l’impavide maître d’hôtel, Nestor, en mentant effrontément). Le wahhâbisme et les féodaux qui font subir leur délire à la planète n’ont plus la cote à l’international, même si, pour limiter la crise bilatérale, le secrétaire d’Etat, A. Blinken, concède mollement qu’un partenariat arabo-américain se maintient en mode mineur. Le pétrole n’en est quasiment plus la dominante et le renseignement, même s’il était prolixe, serait d’une fiabilité douteuse. Les bases militaires sont d’utilisation moins libérale que celles de Bahreïn et du Qatar. Reste la précaution consistant à ne pas (trop) déstabiliser la dynastie antipathique des Saoud, pour ne pas provoquer une révolution de type ‘’république Islamique’’, à Riyad, en version sunnite. Biden a agi très fort, mais il ne peut se permettre d’aller jusqu’à sonner le branle-bas au profit des nombreux ennemis musulmans de ce régime, à commencer par l’Iran, qui ne rêve que d’abattre les gardiens de La Mecque. Le Moyen Orient est déjà assez incandescent tel que. Les droits humains peuvent y gagner si la ‘’khashoggisation’’ (inventer un terme stigmatisant coûtant moins cher que d’envoyer la troupe) des régimes voyous s’établit, crise après crise, comme une norme. Les Etats-Unis ont franchit un pas dans la bonne direction, mais ils ne sont malheureusement pas près de passer la main à la Cour Pénale Internationale, qu’ils ne reconnaissent pas (ni les états du Moyen-Orient, d’ailleurs). Ce serait peut-être à l’Europe d’assurer la suite, bien qu’elle ait manifestement la tête ailleurs.