Appuiera, n’appuiera pas sur le bouton rouge de la frappe nucléaire ? Poutine joue constamment de la menace en levier de guerre psychologique. Mais il se place lui-même devant un dilemme indigeste. Voici une réponse facile, qui ne nous mènera pas loin : Primo : tout dépendra des circonstances, ce qui présage un passage à l’acte dans l’hypothèse extrême du ‘’dos au mur’’, provoquant un réflexe désespéré. Secundo : tout dépend de la perception qu’aurait le Prince du Kremlin de cette situation sans issue. Ce second facteur est le plus dérangeant : on a du mal à entrer dans les arcanes psychologiques de l’autocrate orgueilleux et cynique, travaillé par la trace qu’il laissera dans l’Histoire. Jusqu’à quel point s’est-il auto-intoxiqué ?
Et, tertio : l’hypothèse à privilégier serait celle d’une attaque ‘’en cocktail’’, combinant l’emploi d’armes tactiques (quelques kilotonnes) contre des concentrations de troupes, en combinaison avec des munitions conventionnelles, ce, afin de créer une incertitude dans la perception du type d’obus ou de missiles mis à feu. Il y ajouterait, discrètement, des agents toxiques biochimiques destinés aux villes qu’il entend vider de leur population.
L’Ours Géo reste serein et positif. Il se refuse, pour l’heure, à imaginer un holocauste nucléaire stratégique (pesant en mégatonnes), dépeuplant l’Europe. Même aux yeux calculateurs de Poutine, ce serait d’une nullité crasse. Les experts occidentaux n’excluent pas tout à fait une première frappe, peu ‘’tueuse’’, sur un site non-habité. Elle viserait à effrayer les populations et à forcer leurs gouvernements à concéder des concessions politique (le renoncement à la restitution du Donbass, par exemple).
Côté occidental, le choix de la riposte ne sera pas dévoilé à l’avance, »ambigüité stratégique » inhérente à la dissuasion oblige. Une réplique calquée sur l’attaque, en recourant à des armes tactiques de l’OTAN – voire de la France -, ne paraît pas être le scénario retenu par les états-majors politiques et militaires. Sauf, bien sûr, dans le cas improbable d’une première frappe russe ciblée sur des lieux de vie civils. Mais ce joueur d’échec se montrerait-il ‘’primaire’’ à ce point-là ?
Les stratèges américains songeraient plutôt à une contre-attaque conventionnelle de puissance comparable à celle de l’atome tactique. Elle ciblerait des unités militaires, des infrastructures, voire un ou plusieurs sous-marins nucléaires lance-engins de l’Adversaire. L’US Navy affirme pouvoir en réussir la traque : vrai ou subtile effort de déstabilisation ? Plusieurs options ‘’décentralisée’’ consisteraient à ‘’neutraliser’’ (belle expression) quelques groupes navals russes en Méditerranée et jusque dans la base de Tartous sur la côte syrienne, Plus fort encore – si la Turquie y consentait – détruire en Mer Noire le pont de Kertch reliant le Donbass à la Crimée. Une formule séduisante pour ce blog serait d’appréhender et de coffrer à La Haye les mercenaires Wagner trainant leurs bottes en Afrique : cadeau au tribunal de la CPI.
L’Europe, fille de Vénus, est nettement plus ‘’psy’’ que Mars, qui règne sur le Pentagone. Surtout du côté de Paris et Berlin, on ne cessera jamais d’ausculter à distance la tête glacée de Vladimir-le-terrible. On l’a déjà dit, le tandem ne s’intéresse pas moins à sauvegarder des possibilités de signer un jour la Paix avec lui qu’à gagner la guerre par procuration. A l’exception de la France, les ‘’27’’ n’ont pas d’autre choix que de s’en remettre à l’OTAN, donc pratiquement, à l’Amérique. Pourtant, l’Alliance atlantique n’a guère débattu des mesures de rétorsion concoctées au sein du Comité des plans nucléaires. Elles existent, c’est certain, mais allez savoir tout ce qu’il y a dans ces pochettes surprises !
L’incertitude autour d’une riposte française autonome – selon quel mode ? – peut renforcer la main européenne. Au détail près toutefois que si par malheur la dissuasion échouait, une montée des enchères face à la Russie supposerait une ferme propension au suicide (vengé) de la population civile hexagonale. Efficaces, les champignons stratégiques français ne donnent pas le temps de finir d’avaler l’omelette. Un plan parallèle ou alternatif est cité, qui consisterait à démonter les oléoducs et gazoducs russes desservant l’Europe. Ceci paraitrait plus approprié comme réponse à un blocus du gaz. D’ailleurs, que ferait-on de tous ces tuyaux : des affuts de canon, des orgues géantes, où des gazoducs tournés vers l’Amérique ? Si, parmi vous, quelqu’un pouvait tuyauter l’Ours …