* 29 septembre – Gas ex aqua

Du gaz dans les eaux de la Baltique : deux, puis trois, quatre explosions rapprochées qui, manifestement, ne doivent rien au hasard. Le Danemark, la Suède et moins directement la Norvège se retrouvent face à des pollutions majeures de leurs eaux. Les sinistres ne pourront être accessibles tant que les deux gazoducs North Stream 1 et 2 n’auront pas été vidés. On va donc devoir attendre pour observer comment les ruptures des conduits sont apparues. Personne ne doute qu’ils s’agit d’opérations de sabotage. De la part de qui et dans quel but ? Mystère nébuleux générateur d’interrogations volatiles, peut-être même explosives …. L’Ours Géo n’en sait pas plus que vous.

Pour les Scandinaves, c’est une attaque perpétrée dans leurs eaux. Elle a les apparences d’une semonce qui pourrait en annoncer d’autres contre leur souveraineté. Ils ont  »trahi » en passant à l’OTAN. Pour l’Union Européenne c’est une opération de sabotage de ses infrastructure. C’est un investissement mis hors d’usage, après qu’elle ait récemment dû renoncer à l’utiliser pour importer jusqu’à 40 % de ses besoins de ce type d’énergie. Pour l’Allemagne, ce pourrait être la promesse d’un hiver froid, bien que le message soit déjà dépassé par la mise en place d’alternatives en provenance du Golfe ou des Etats Unis. Pour la France, c’est une énigme qui ne la touche guère. Pour les Etats Unis, une conclusion logique : la dépendance énergétique européenne appartient au passé. Un angle est commun aux Occidentaux, presqu’une évidence : qui d’autre que le régime Poutine aurait pu concevoir un tel acte ?

Il est vrai qu’aucune preuve n’étaie cette thèse. Le jour où on connaîtra le fin mot, la guerre en Ukraine aura charrié un nouveau lot de massacres et de faits spectaculaires : on aura tourné la page. L’indice qui pourrait le mieux dénoncer une malveillance de la Russie est le concert de démentis indignés qu’on entend de Moscou. Depuis le 24 février, chacune des déclarations de sa propagande s’articule autour de mensonges et de renvoie ses propres méfaits sur le dos de l’Occident. On s’est habitué à relire cette propagande en en inversant les termes. Mais, quand même, pourquoi cette attaque qui n’a aucun effet pratique immédiat ?

On ne peut avancer que des hypothèses. Celle que privilégie ce blog est que l’esprit de Poutine s’est embrumé, que sa pensée n’est plus tout à fait consistante, qu’elle est devenue gazeuse. A partir de là, l’Homme se forge encore des illusions sur  »l’arme du gaz » et ne se tient pas vraiment au courant des fournitures de substitution qui ont rendu celle-ci caduque.

Une autre possibilité serait que son esprit ait chaviré dans le  »tout psy ». La main russe frappant en Europe irait susciter l’effroi et l’envie honteuse de se rabibocher avec lui. Le scénario est simplement stupide, mais les dictateurs enfermés dans leurs bunkers pensent ainsi. Quel serait l’intérêt d’une diversion aussi grossière, alors que de nouveaux charniers émergent en Ukraine, que ses troupes reculent, que la jeunesse russe des villes fuit en masse la mobilisation, que des fissures apparaissent dans son contrôle du pays ? Ce serait très naïf de sa part d’imaginer que ces bulles dans les eaux de la Baltique puissent escamoter les évolutions sur le terrain… et se tirer une balle dans le pied de faire la une sur ces sabotages aqueux, à l’heure ou les quatre referenda locaux  »mascarades » sont censé établir une nouvelle carte de la Russie. Le gaz russe ne fera pas du brouillard autour de ces annexions crapuleuses.

Au total, qui croira demain que la progression des Ukrainiens à la reconquête de leur propre territoire mute en  »agression » contre la Russie ? Une poignée de collaborateurs tout au plus…

Cette chimère ne parviendra jamais à justifier le recours brandi aux armes de destruction massive, y compris contre l’Europe tant détestée. On peut rester calme.