* 19 décembre – Prix Nobel de la paix 2022 : résistance et humanité

En temps de guerre, le prix Nobel de la Paix constitue une arme morale. Ne quittons pas l’année sans considérer le beau cadeau d’anniversaire fait à Vladimir Poutine, le 10 décembre : l’opposant bélarusse Alès Bialiatski, l’ONG russe Memorial et le Centre ukrainien pour les libertés civiles se sont vu remettre le prix Nobel de la paix à Oslo. Des choix très politiques pour booster la volonté de résistance à la dictature poutinienne. Issus des trois principaux États protagonistes du conflit, tous trois ont été honorés pour leur engagement en faveur des droits humains, de la démocratie et de la coexistence pacifique face à la monté des populismes autoritaires.

‘’Les récipiendaires représentent la société civile dans leurs pays, le droit de critiquer le pouvoir, les droits des citoyens, la lutte contre les crimes de guerre, les abus de pouvoir’’, a justifié l’académie Nobel. De fait, les trois lauréats incarnent la paix et démocratie, ces biens de plus en plus contestés.

– Alès Bialiatski est l’un des initiateurs du mouvement pour la démocratie qui a émergé au Bélarus au milieu des années 1980. Il est essentiel que cette nation brimée qui a produit il y a deux ans une admirable ‘’révolution de femmes’’ (les épouses des militants emprisonnés) ne tombe pas dans l’oubli. Ce défenseur des droits est connu pour son travail à la tête du Centre Viasna, l’organisation de défense des droits de l’Homme en Biélorussie. Vice-président de la Fédération internationale pour les droits humains, il est emprisonné depuis le 14 juillet 2021 dans l’attente d’un procès où il est passible de douze ans de prison pour ‘’contrebande’’ d’espèces au profit de l’opposition. Sa situation illustre le ‘’crime’’ que constitue tout contact suivi avec le monde extérieur. En son absence, c’est son épouse Natalia Pintchouk qui a reçu la récompense. Celle-ci a répété quelques-uns des mots de son mari, notamment ceux dans lesquels il appelle à se dresser contre l’internationale des dictatures : ‘’actuellement, des milliers de personnes sont derrière les barreaux en Biélorussie pour des raisons politiques et ils sont tous mes frères et mes sœurs. Rien n’arrêtera la soif des gens pour la liberté’’.

– L’ONG russe Memorial documente les crimes commis par le pouvoir soviétique puis russe. A quelques jours de l’invasion de l’Ukraine, le pouvoir poutinien a dissous cette association, qui fait figure d’opposition interne parce qu’elle brise l’omerta sur l’Histoire. Depuis, ses membres poursuivent leur travail en exil dans différents pays du monde. Le président de Memorial, Ian Ratchinski, a dénoncé les ‘’ambitions impériales’’, héritées de l’URSS. Pour lui, la Russie de Vladimir Poutine a détourné le sens historique de la lutte antifasciste au profit de ses propres fantasmes politiques. Désormais, ‘’résister à la Russie équivaut à du fascisme’’, comme le martèle la propagande russe au quotidien. 

– Le Centre ukrainien pour les libertés civiles (CLC), créé en 2007, est basé à Kiev. La mission du CLC est de promouvoir les valeurs des droits de l’homme et de la démocratie en Ukraine et dans la région de l’OSCE. Sa dirigeante, Oleksandra Matviïtchouk, a de nouveau appelé à la création d’un tribunal international pour ’’ juger Poutine, Loukachenko et d’autres criminels de guerre’’.

En cette année de guerre et de violente injustice, dans le sillage de l’invasion russe en Ukraine, le signal fort lancé par l’académie Nobel nous rappelle que la résistance commence et débouchera sans doute depuis l’intérieur des dictatures. En 2021, le comité Nobel avait récompensé les journalistes Maria Ressa et Dmitri Mouratov ‘’pour leurs efforts visant à défendre la liberté d’expression, qui est une condition essentielle de la démocratie’’. 

L’action pour une Paix dans la Justice de tels personnages assez extraordinaires doit guider nos pas.

* 1er mars – Le dilemme de mars

Des projets de réforme du régime d’asile européen commun sont en cours. Dans ce cadre, l’ACAT-France appelle l’État français, qui assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (UE), à impulser une dynamique d’harmonisation des législations par le haut.

Ainsi, lorsque des familles afghanes sont contraintes de fuir leur pays, en raison de risques de persécutions, leurs membres éparpillés par les circonstances, devraient, en principe, bénéficier de conditions d’accueil et d’accès à l’asile semblables, quel que soit les pays européens d’enregistrement de leur demande de protection internationale. Juridiquement, les États membres de l’UE disposent d’un socle commun en matière d’asile. Les textes élaborés leur assurent-elles des normes communes, la même chance de s’en sortir et de préserver leur dignité, sur le territoire de n’importe lequel des ‘’27’’ ? Et bien, non. Le sort que l’Europe leur réserve est fortement dissemblable.

La politique européenne en matière de droit d’asile n’est, en effet, pas appliquée de bonne foi par les Etats-membres. Des variations dans un rapport de un à quatre caractérisent les chances d’octroi du statut pour un demandeur. Selon le pays, l’accès à l’étape initiale du processus sera parfois empêchée. En France, l’OFII est quasi-impossible à joindre par les arrivants et elle leur impose des délais de réaction démentiels, qui mettent en danger ces requérants, jugés ‘’sans papier’’ par la police. En Grèce ou en Hongrie, Slovaquie, etc., l’exilé standard est prestement enfermé.

En France, c’est une loterie parfois tempérée, parfois implacable. Le résultat – ou le but – en est de camoufler, dans une clandestinité opaque et dangereuse une bonne partie du flux : les faire disparaître des radars et des aides. Les préfectures divergent en matière de dureté et donc,, les règles présumées ‘’communes’’ varient d’un cas à l’autre. Le Ministère de l’Intérieur (le seul à qui ces administrations sont loyales) cherche à maquiller, aux yeux des électeurs, sa générosité nano-microscopique et son respect du droit international (la loi des chiffres, toujours ces chiffres qui nous gouvernent !).  Le refoulement aux frontières – surtout celles de l’Italie – de fuyards, hommes, femmes et enfants réduits à un état misérable est la règle, dictée à nos policiers aux frontières. Le choix d’un double langage et d’actions antagonistes remonte, en fait, au sommet de l’Etat. Mais écoutez aussi le discours purement idéologique des partis politiques … sur le sujet, ils se montrent partisans et très peu humains.

Avec cette loterie infernale de l’asile, les Afghans et les Syriens ont reculé dans l’échelle des priorités. Certains voisins européens renvoient les Afghans aux Talibans… un acte de complicité de crime contre l’humanité – ou les Syriens au Liban (sans les livrer directement au Hezbollah, il est vrai).

Mais un bouleversement d’ampleur s’empare depuis quelques jours du sinistre monde des 83 millions de personnes déplacées, celui de toutes les victimes de l’injustice et de l’insécurité croissante du monde. Le premier signe en a été l’exode des Biélorusses libres, frappés par la répression de la police d’Alexeï Loukachenko. Dans sa stratégie cynique, le tyran de Minsk a brandi contre l’Occident, une forme d’accueil forcé des demandeurs d’asile et autres migrants. La misère des exilés est ainsi devenue une arme pour instrumentaliser de pauvres gens dans la nouvelle guerre froide qui commence. Pour se venger de l’exode de ses concitoyens vers la Pologne et la Lituanie, le comparse moustachu de Poutine a machiné des filières d’entrée en Europe piégeuses en puisant dans plusieurs pays troublés du Moyen-Orient. On se souvient de la fureur de nos voisins est-européens et de leur répugnance à accueil ces milliers de morts vivants congelés et bloqués, au cœur de l’hiver, dans les forêts frontalières de la Biélorussie.

Vladimir Poutine est en train de faire pire encore. En envahissant un grand pays d’Europe, il crée un énorme mouvement d’exode vers l’Ouest, pour des millions de victimes ukrainiennes forcées de fuir leur pays sous les bombes et les obus. Ne doutons pas qu’il croit ainsi déstabiliser les Européens, en même temps que se débarrasser des patriotes ukrainiens. Mais, cette fois, l’Europe va faire de son mieux pour les accueillir.

Tendra-t-elle la main, de la même façon, aux Africains et aux Moyen-orientaux fuyant Kiev, Kharkiv ou Odessa ? Là se trouve le message de ce blog : toutes les guerres sont horribles et tous ceux qui cherchent à en réchapper ont droit à la même attention, à la même solidarité et au même réconfort. Espérons que les directives européennes assureront une certaine équité et, surtout, qu’elles seront respectées.

Qui va rappeler ce principe d’équité, dans cette campagne électorale française, où la transgression de l’Humain et les discriminations entre les identités de souffrance semble emporter l’opinion majoritaire ?

* 26 février – Double tranchant

Sous le feu des missiles et de la piétaille russes, Kiev est en passe d’être liquidée. La résistance est héroïque, mais le jeu, par trop inégal. Les experts militaires sont unanimes : l’Ukraine ne tiendra plus très longtemps. Peut-être, une guérilla de résistants prendra-t-elle le maquis …

Plutôt assez unie, l’Europe ne trouve pas de réplique à la mesure de l’agression qui la frappe. Le président français constate que  »la guerre va durer ». S’arrêtera-t-elle aux frontières orientales de l’U.E ? Face à l’armée d’Attila, on voit mal quelle coexistence pacifique pourrait s’instaurer (du moins, en l’absence de Sainte Geneviève). Les hordes de Poutine accumulent les crimes de guerre partout où on les lance. C’est Grozny à Kiev, Lviv, Kharkiv, Marioupol et ailleurs.

Les sanctions occidentales vont mordre les économies russe et biélorusse à moyen terme, lorsque l’Ukraine n’existera plus. Elles suivront une logique de progression par étapes, crescendo. Les Américains frappent la finance russe, du moins certaines banques dont ils gèlent les avoirs chez eux (mais pas dans les paradis fiscaux) et l’utilisation du dollar. Ils hésitent encore à tarir les échanges commerciaux en expulsant la Russie du réseau interbancaire SWIFT. Les Européens, à fortiori, conscients qu’ils sont des graves retour de bâton qu’ils infligeraient à leur approvisionnement en gaz mais également, en blé, en métaux rares, en droits de survol, etc. Plus de 700 entreprises françaises en Russie se trouvent, par exemple, menacées de faillite. Que Poutine et Lavrov soient privés de leurs comptes bancaires en Occident tient de la symbolique pure. Les croit-on assez stupides pour avoir laissé leurs  »petites économies » chez l’ennemi, tandis qu’ils planifiaient leurs opérations depuis des mois sinon des ans ?

Les sanctions portant sur la technologie, l’aéronautique comme sur les besoins de refinancement de l’économie ne sont pas négligeables. Cependant, elles vont livrer la Russie à une situation de dépendance à la fois opportune, face à sa mise en quarantaine internationale, et périlleuse pour elle, à long terme. C’est une aubaine pour le régime de Xi Jinping, qui accroitra son emprise sur Moscou tout en lorgnant sur les richesses et l’espace de la Sibérie. Pékin va s’employer, bien sûr, à cacher son jeu et à jouer sur tous les tableaux.

Il y aura-t-il plus d’effet du côté des sanctions non-dites ? Celles-ci interviennent dans les sphères de l’armement (et de l’échelon d’expertise associé), du conseil et du renseignement, également des opérations de cyber-guerre, de guerre électronique et satellitaire. Elles peuvent théoriquement monter en puissance jusqu’à une mise en alerte des forces nucléaires stratégiques, avec les échanges de message qu’on imagine alors entre les protagonistes. Il s’agit, à chaque étape, de réagir fortement au franchissement de lignes rouges notifiées au camp d’en face. Ceci étant mentionné, sans soupçon, pour l’heure, qu’on en arrive là.

Protéger, le cas échéant exfiltrer le président Volodymyr Zelensky serait un vrai point marqué sur l’échiquier géopolitique. Son assassinat est – Poutine l’a bien fait comprendre – le but n° un de l’offensive en cours sur Kiev. Liquider le régime, les institutions et les bases populaires de la démocratie constitue le but de guerre n° deux. J-Y Le Drian a laissé à entendre que la France chercherait une parade. Transférer à l’abri un gouvernement ukrainien en exil serait bien le moins que puisse tenter une démocratie restée à distance des combats.

Des centaines de milliers d’Ukrainiens éprouvés et malheureux affluent aux frontières orientales de l’Europe. Précisément, dans ces régions qui voulaient s’enfermer derrière des murs pour refouler les exilés. Cette fois, les arrivants seront accueillis. Sans ironie, quelle conversion soudaine à la solidarité humaine ! Après tout, tant mieux !

* 16 novembre – La baudruche et l’étau

Il ne voudrait pas que le problème devienne une ‘’confrontation ardente’’… La baudruche Loukachenko a perdu de sa superbe. Pourtant, la crise ne cesse de se durcir entre l’Union européenne et la Biélorussie et elle fait ses victimes humaines. Des centaines de migrants continuent, chaque jour, à assaillir la frontière polonaise, d’où les militaires les repoussent aussitôt, tel un cruel jeu de ping-pong. Le dictateur de Minsk brouille les cartes en prétendant aussi en rapatrier quelque uns (ce qu’il ne fait pas), tout en brandissant un florilège de représailles absurdes à la face de l’Europe. Face à l’afflux, Varsovie a intensifié la militarisation de sa frontière et s’enferre dans le ‘’tout-géopolitique’’. Pour échapper aux deux bords, les migrants se terrent dans les sombres forêts de la région. Avec les semaines qui passent, la situation de ces marcheurs – peu nombreux – tourne au drame humanitaire, pris en étau qu’ils sont dans le double piège tendu par Loukachenko et par la forteresse ‘’Europe’’, plus emmurée que jamais.

La Pologne, ce n’est pas une surprise, les voit comme des armes pointées contre elle. Elle  est loin de se soucier de leurs droits humains ou de leur survie, en fait, totalement insensible à leur sort. Varsovie a légalisé les refoulements de migrants et instauré une zone d’exclusion de cinq kms dans la laquelle ni les ONG ni  médias ne sont autorisés à pénétrer. Alentour, quelques associations solidaires tentent avec grande difficulté d’apporter un peu d’aide alimentaire. Le climat est mordant, les nuits glacées et tous ces Moyen-orientaux frigorifiés, épuisés et affamés sont abandonnés à leur sort, certains sont déjà morts. On ne voit guère de valeurs chrétiennes sur ces confins d’Europe. En durcissant sa politique hostile aux migrants, Varsovie impose à l’Europe ses vues régressives sur la question migratoire.

Les autorités de l’Union européenne ont décidé, lundi 15 novembre, de nouvelles sanctions contre la Biélorussie. En frappant d’interdiction d’opérer en Europe les agences, intermédiaires et compagnies aériennes  qui s’engraissaient sur la misère de ces exilés  kurdes, turcs, érythréens, pakistanais ou afghans, Bruxelles est en voie de tarir ces mouvements de population à la source mais ne dit rien de leur destination. On sait pertinemment que toutes ces mesures entretiendront l’humeur provocatrice  du dirigeant biélorusse. Qu’importe, ce serait trop fort de craindre l’histrion ! Le flux baisse, il n’est plus vraiment ‘’menaçant’’ et il peut être facilement absorbé, à l’échelle de l’Europe. Le dictateur agité se débat dans un isolement pathétique et personne ne cherche à justifier ses actes. L’Irak a mobilisé des moyens pour rapatrier ses nationaux présents dans la capitale biélorusse. Même le turc Erdogan a mis fin aux charters d’Ankara sur Minsk pour ne pas ajouter d’huile sur le feu. Avec le ton cassant qu’on lui connait, V. Poutine lance qu’ ‘’il n’a rien à voir avec cette affaire’’. Mais dans le même temps, il masse des troupes à la frontière russo-ukrainienne. Comme toujours, il en profite pour capitaliser sur la tension et sur les craintes occidentales. On n’en a pas fini de la guerre hybride !

Alors au moins, retrouvons un soupçon de notre  humanité, faisons ouvrir, à travers la frontière polonaise, un petit sas de transit discret pour les victimes piégées dans la forêt depuis des semaines. Transférons-les dans d’autres régions de l’Union, ne les laissons pas mourir coincées entre deux armées, au nom du primat géopolitique !   

* 10 novembre – Despotisme hybride

Hier, la Pologne était mise à l’index pour sa façon de maltraiter sa justice. Aujourd’hui la voilà assaillie sur le flanc Est de l’Europe, par des vagues de migrants moyen-orientaux manœuvrés par le tyran biélorusse, Alexandre Loukachenko. Les partenaires européens, également ciblés, doivent faire corps avec Varsovie.

Près de 4 000 personnes – Kurdes irakiens et Syriens pour la majorité – se voient bloquées dans un no-mans’land frigorifié entre sa frontière et le territoire belarus de Podlachie. Quatre fois plus de malheureux y convergent, poussés brutalement par les garde-frontières de Minsk. Equipés de béliers par ceux qui les forcent à marcher, ils n’ont d’autre choix que de défoncer les clôtures et les barrières polonaises… ou de mourir de froid, sans retour possible sur leurs pas. Les gardes polonais les repoussent avec des gaz lacrymogènes. La petite Lituanie, soumise au même monstrueux procédé, fait appel à Frontex pour repousser ‘’l’invasion’’. Varsovie préfère se défendre sans l’Europe quand bien même elle accueille le siège de l’agence européenne des frontières. C’est depuis la guerre de Bosnie, la première occurrence en Europe d’un exil forcé de populations civiles sous la force des baïonnettes. C’est aussi le rare exemple d’exploitation de réfugiés étrangers à la région, trompés et désorientés à des fins de déstabilisation. N’y voyons pas une agression armée mais une escalade de tension délibérée. Car, des deux côtés la violence est retournée contre les marcheurs et les incidents vont prendre la tournure d’un conflit localisé. Le point de passage de Kuznica est hermétiquement barricadé et la Pologne s’apprête à ériger un mur de 183 km de long et 5,5 mètres de haut, le long du territoire voisin (sans obtenir les finance de Bruxelles, toutefois).

Loukachenko se venge des sanctions qui l’ont frappé lui et ses comparses, en mai. Depuis bientôt trois décennies au pouvoir par la tyrannie de sa police, il a transformé son pays  en camp disciplinaire et mis au fond de ses geôles les citoyens bélarusses qui s’obstinaient à penser. L’énorme tricherie que constituait sa sixième réélection a vu les épouses des candidats d’opposition emprisonnés relever le défi. La ‘’révolution des femmes’’ – derrière elles, de toute la population urbaine – a démontré l’illégitimité du tyran. Celui-ci s’est maintenu sur son trône en la faisant réprimer sauvagement. Il a même fait avion de ligne irlandais dans l’espace aérien européen et l’a détourné sur sa capitale pour ‘’coffrer’’ un dissident réfugié dans l’UE. Tyran, tortionnaire et pirate, l’Homme est une terrible nuisance.  De là découlent les sanctions prises à Bruxelles. De là, aussi, la fuite en avant du régime de Minsk dans le giron  »protecteur » de Moscou. Celui-ci phagocyte son pays, au passage.

 La tentative de déstabilisation de la Lituanie et de la Pologne est allée crescendo depuis la mi-août. Elle constitue la vengeance du dictateur de Minsk, avec l’assentiment et sans doute la contribution de Moscou. C’est l’appui du Kremlin qui rend l’affaire particulièrement dangereuse. Loukachenko est parvenu à organiser un vaste corridor migratoire depuis le Moyen-Orient. Des vols quotidiens de compagnies syriennes, inconnues en Europe, font monter de Damas à Minsk et dans certains aéroports de province des dizaines de milliers d’exilés. Il leur a été délivré un visa pour la Biélorussie et une fausse promesse d’entrée dans l’UE. D’autres liaisons aériennes avec l’Orient, suivant le même schéma, seraient en négociation.

Acte hostile et anti-humanitaire ? Certainement. Volonté d’allumer une confrontation en s’appuyant sur la caution du ‘’grand frère russe’’. En tout cas, Minsk est sur l’offensive et celle-ci s’intègre à la stratégie de Poutine pour affaiblir et désorganiser l’Europe. Doit-on répondre à un coup bas par un coup ciblé ‘’proportionnel’’ ? S’agissant du dernier dictateur absolu que subit encore l’Europe, une opération commando se justifierait parfaitement. Il faudrait le faire atterrir un beau matin à La Haye, opportunément devant la Cour Pénale Internationale et que son procès fasse recette. Ce blog recherche une équipe intrépide des services Action pour assurer ce transfert ‘’sanitaire’’. Présentez-vous au comptoir !

* 25 mai. Piraterie en Baltique

Vous voyagez tranquille à bord d’un avion qui vous emmène, en villégiature, d’une capitale méditerranéenne à une capitale balte de l’Union européenne. Dernières minutes du voyage : la descente vient d’être entamée vers l’aéroport de Vilnius (Lituanie), lequel en principe vous accueillera dans dix minutes… Et bien non ! Un petit groupe d’Igor déclenche une agitation dans l’allée tribord de l’Airbus. Il repousse les hôtesses et éructe un mot slave qui doit vouloir dire ‘’bombe !’’. Les énergumènes sont violents et l’équipage doit encaisser des coups. Pour ajouter au pic d’angoisse soudain, un chasseur Mig 29 apparait à quelques mètres des hublots, côté bâbord. Votre avion vire au sud-est. Le commandant de bord bafouille des excuses confuses : ‘’atterrir à Minsk (c’est où, ça ?)… évacuer le bord … procéder à une fouille des bagages … se soumettre aux ordres des autorités biélorusses (Ah, c’est donc dans l’enclave stalinienne qu’on va être otage !) … délais et désagrément inévitables … Vous imaginez l’ambiance. Vous voilà victime d’un acte de piraterie, tel que défini par le droit international. Celui-ci vous autorise à pendre à un mât les pirates qui vous agressent, mais, dans la pratique, c’est assez difficile.

Vos bagages sont fouillés devant vous et projetés aux quatre coins du hall d’aéroport. Si, par malheur, il y avait eu une bombe cachée dans une valise, la totalité des passagers et des flics patibulaires regroupés autour des bagages aurait explosée en une boule de chaleur et lumière. Mais, aucune bombe, bien sûr, et d’ailleurs l’aéroport de Minsk, pressé de se débarrasser de vous, l’avait reconnu un peu trop tôt, alors que la fouille battait encore son plein. Alors, quoi ? Si : les Igor mettent la main au collet d’un jeune couple d’allure sympathique et emmènent ces deux passagers on ne saura jamais où. Lui est journaliste sur le web, elle, termine ses études supérieures. Ils sont biélorusses (les pauvres…), basés en Pologne, et pour leur malheur ils restent les sujets d’une dictature européenne caricaturale, qui détient, au sein du Continent, le monopole des exécutions capitales. Au quotidien, elle assassine ou fait disparaître comme ‘’terroriste’’ tout sujet coupable de s’être exprimé contre le gouvernement par la terreur d’Alexandre Loukachenko.

Sous la protection de V. Poutine, ce Big Brother est bien installé à Minsk, à quelques centaines de kilomètres de Paris. Qu’avons-nous fait pour aider à rétablir l’état de droit dans son sinistre royaume ? Les Biélorusses se sont dressés en masse – pacifiquement – contre leur dictateur, après qu’il a encore truqué la sixième élection présidentielle qui le maintien au pouvoir depuis trois décennies. En août 2020, le peuple de Minsk est entré en résistance et les militaires de Loukachenko écrasent désormais tout ce qui bouge, en fait, plus grand chose. Les opposants les plus repérables ont fui en Lituanie (où la direction politique du mouvement démocratique s’est repliée) ou en Pologne. Les rues de la capitale ont été ‘’nettoyées’’ et le tour semble venu d’opérer de la même façon, dans les sanctuaires des Etats voisins. D’où le recours à la piraterie.

Bruxelles, dont les sanctions ont été plutôt ponctuelles et symboliques contre ‘’l’Ogre de Minsk’’, sort de léthargie, à l’occasion du conseil européen en cours. L’occasion est trop belle de montrer que l’UE est un grand acteur : l’Etat-pirate sera puni d’une interdiction d’espace aérien européen. Comme personne, chez nous, ne veut aller à Minsk, mais que le trajet inverse est vital pour le ‘’Belarus’’ et que ça ne gênera pas trop Poutine, l’Europe a trouvé une réponse ferme et courageuse qui ne lui coûtera pas cher ! Pour autant, ce beau geste identitaire va-t-il œuvrer au retour de la démocratie ? Si même c’était le cas (chose non-évidente), Moscou ne le tolèrerait pas (chose certaine). Dans un passé pas si lointain, les services dits secrets occidentaux ont eux, aussi, procédé à des actes de piraterie aérienne. Souvenons-nous de l’affaire Ben Bella, relative aux dirigeants du FNL algérien en route pour Tunis et dont l’appareil fut détourné sur Alger par le SDECE, en 1956. Peut-être que les successeurs de notre organe d’Etat musclé pourraient opérer finement … cette fois, pour faire atterrir Loukachenko à La Haye, juste devant la porte de la Cour Pénale Internationale. Bingo, la Justice !

*12 février – L’internationale des ennemis du peuple

Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU tient une session extraordinaire sur la Birmanie. La position de Pékin et de Moscou, supports habituels de l’armée birmane aux Nations unies, sera observée de près. L’engagement rétabli des Etats Unis pour les droits et la démocratie va conférer une résonnance nouvelle à ces travaux. Ils revêtent en effet une dimension de test géopolitique Est-Ouest. Pour le monde émergent, bien que les turpitudes des militaires birmans restent une source d’embarras, l’appartenance de Naypyidaw à l’ASEAN, un groupe régional respectable, paraît à beaucoup une garantie suffisante.


Les militaires putschistes de Birmanie ont ‘’levé la punition’’ de quelque 23 000 détenus, à l’occasion du Nouvel An lunaire. Il est très peu probable que cette amnistie coutumière, destinée à délester les prisons surpeuplées une fois par an, concerne également Aung San Suu Kyi, la cheffe du gouvernement et ses collaborateurs renversés par eux, ni les élus locaux de la Ligue Nationale pour la Démocratie. La peur s’installe dans la population, alors que la police tire désormais sur des manifestants. Bien qu’en nombre moins important depuis l’interdiction de rassemblement, l’état d’urgence et le couvre-feu, les Birmans descendent dans la rue. Ils exigent la libération des détenus politiques, la fin de la dictature et l’abolition de la Constitution de 2008, taillée sur mesure pour l’armée. Les fonctionnaires entament une forme de résistance passive qui irrite au plus haut point le général Min Aung Hlain, patron de la junte.


En Biélorussie, le dictateur fanfaronne devant un parterre de 2700 fidèles en uniforme vert. Le scénario est à peine différent : les élections ont été, là aussi, confisquées et le peuple est sorti, de la même façon, protester contre la dictature. « Tout dépendra de notre unité avec la Russie. Nous pourrons assurer la stabilité de nos (deux) pays seulement si nous sommes unis », déclame Alexandre Loukachenko. La « blitzkrieg »’ de l’Occident a échoué à renverser la situation  »en utilisant la Biélorussie comme un tremplin d’attaque contre Moscou ». De fait, les démocraties ont tergiversé et se sont contentées de bonnes paroles. A Moscou, le régime fustige les défenseurs d’Alexeï Navalny taxés d’être manipulés par l’Occident. A Pékin, la fureur gronde contre les Etats Unis et leurs alliés, qui osent poser à l’ONU la question de l’enfermement des Ouigours du Xinjiang. A Djeddah, la haine sourd silencieusement contre l’initiative américaine de  »ressortir » en plein jour l’assassinat odieux du journaliste Khashoggi. « Soixante-seize pays dans le monde respectent – pas trop mal – l’état de droit. Cela en fait près de 130 qui n’en ont cure et veulent seulement que chacun reste ‘’maître chez soi’’. Bonne chance aux travaux du Conseil des droits de l’Homme !

*7 octobre – Un peuple se bat pour la Liberté

Brèves des jours précédents

Svetlana Tikhanovskaya s’adresse aujourd’hui, en visio-conférence, au Parlement français. Vainqueur du scrutin du 9 août, brutalement privée de sa victoire par la répression déclenchée par A. Loukachenko, elle ne manquera pas d’encourager les élus à intensifier la pression – dont les sanctions – sur le régime barbare régnant à Minsk, qui entend vendre chèrement sa peau. C’est surtout à l’opinion citoyenne que la tête de file du triumvirat féminin s’adresse. Dans le contexte de pandémie, qui favorise peu l’esprit géopolitique et militant, les Françaises et les Français tardent à entendre l’appel de la Liberté en Biélorussie. Le soulèvement du peuple biélorusse entre pourtant dans son troisième mois.

Chaque dimanche, l’opposition, très majoritaire, tient pacifiquement la rue, s’organisant contre les aspects policiers mais aussi professionnels et financiers de la répression. Le Conseil de coordination de l’opposition s’est installé à Varsovie, préfigurant un noyau de gouvernement en exil. Depuis ce point d’appui, ses membres multiplient les contacts avec la classe politique et les associations citoyennes de l’Union européenne. E. Macron a bien voulu avoir quelques mots aimables pour leur cause, en passant par Vilnius. Il s’est même engagé à ‘’faire quelque chose’’ pour les très nombreux prisonniers politiques arrêtés, escamotés et parfois torturés par les spadassins du Régime. Rappelons que Loukachenko s’est longtemps singularisé comme un adepte et admirateur d’Adolph Hitler. Cela devrait suffire à le faire juger mais, par crainte de froisser son protecteur, Poutine, maître du jeu dans cette partie de l’Europe, il n’est même pas visé par des sanctions. Dans ce genre de situation, il appartient aux élus et aux sociétés civiles libres de maintenir la pression. Il doit y avoir un partage des tâches entre les institutions d’Etat qui gèrent la complexité géopolitique et les peuples qui réclament solidarité et justice. On voudrait les entendre plus fort qu’actuellement, malgré la dispersion de notre attention entre la campagne américaine, la Haut Karabakh, le rebond du Covid, etc

* 2 octobre – Géopolitique par la barbichette

Brèves des jours précédents

Chypre a finalement accordé son feu vert à une prise de décision du Conseil européen sur la Biélorussie et cessé de bloquer l’adoption de sanctions contre le régime de Loukachenko. Ainsi vont les marchandages au sein d’une structure collective comme celle des  »27 », où les egos nationaux conditionnent l’issue des débats. Nicosie exigeait que soit préalablement actée une condamnation de la prospection gazière ‘’musclée’’ que mène la marine turque dans sa zone économique exclusive et ses eux territoriales. Ce qui a été fait. Par conséquent, les avoirs financiers en Europe d’une quarantaine de dirigeants biélorusses – hormis Loukachenko lui-même – impliqués dans le trucage de l’élection présidentielle et la répression des manifestations populaires (pacifiques) seront gelés.

Cela ne va pas vraiment loin mais, symboliquement, marque une attention et un jugement européen sur le drame qui se déroule à Minsk. Angela Merkel a pu parler d’un « signal important » – en fait, ‘’minimum’’’ – vers ceux qui se mettent en travers de la démocratie. Le recours massif à la torture aurait dû être fortement dénoncé. La Grande-Bretagne et le Canada avaient, eux, franchi le pas bien avant. Le message reste un peu brouillé par l’imbrication des mesures sans rapport visant respectivement Minsk et Ankara.

De son côté, le président turc, Erdogan, a été invité à « saisir l’offre » (de négociations ?) des dirigeants européens’’, lesquels sont convenus de juger « avant la fin de l’année si des développements positifs ont été enregistrés », dixit Charles Michel. « Si Ankara poursuit ses actions illégales, nous utiliserons tous les instruments à notre disposition », prévient Ursula von der Leyen, Il semble en fait que la relation avec la Turquie se discutera de façon plus conséquente au sein de l’Alliance atlantique, où rien n’est gagné par avance, vu l’inconséquence des Etats-Unis. Quant aux Biélorusses, dont la dirigeante morale a reçu, de façon opportune, la visite du président français, ils doivent se dire que l’UE ne déploie pas ‘’le grand arsenal’’ pour eux. Elle tourne plutôt son regard vers Moscou, un regard excessivement géopolitique. Pour la cause de la liberté d’un peuple d’Europe, on aimerait entendre les autres peuples d’Europe s’exprimer fortement.