* 6 juillet – Macho et cambrioleur

Après les sorties de Donald Trump et de Benjamin Netanyahou, c’est lui qui incarne le pire populisme macho en Occident. Avant lui, Luiz Inácio Lula da Silva s’était fait pincer pour s’être fait offrir un toit, qu’il n’avait pas les moyens d’acquérir par lui-même. Puis, sa dauphine, Dilma Rousseff, s’était empêtrée dans une mauvaise présentation statistique. On s’étonnait presque de la sévérité des magistrats brésiliens et de la rigueur du jugement populaire. Et voilà qu’un militaire enrichi, brutal et raciste est porté au pinacle de la présidence, en janvier 2019, par une marée de citoyens enthousiastes.


Avez-vous cru un instant que Jaïr Bolsonaro, l’ennemi des femmes, des autochtones, des pauvres et de l’écologie en Amazonie serait un ‘’grand président’’ ? Dans l’affirmative, cessez immédiatement de lire ce blog et branchez-vous sur des jeux en ligne ! L’histoire a continué exactement comme on pouvait s’y attendre : catastrophe sanitaire sans nom, la Covid niée puis favorisée par une non-gestion abjecte ; inquiétude de la planète entière quant à la déforestation accélérée du ‘’poumon du monde’’ ; pauvreté galopante, discrimination tous azimuts des populations fragiles, etc.

Aujourd’hui, il est  »seulement » soupçonné d’avoir couvert une tentative de corruption au sein de son gouvernement, dont il était précisément informé. Le délit porte sur un achat massif de vaccins indiens anti-Covid-19, Covaxin, qui ne sont d’ailleurs pas homologués au Brésil. Le ministère de la Santé, dont il a changé le titulaire à quatre reprises en pleine pandémie, fonctionne comme un énorme cluster de corruption. Concussion, prévarication, mensonge, tromperie … D’autres fautes pénales plus graves émergeront par la suite.


Le vent tourne soudain et le héros macho, souvent crâneur et grossier, prête le flanc à des manifestations de mécontentement populaire et à de multiples accusateurs : la Cour suprême devra bientôt statuer sur ‘’l’Affaire’’ et permettre au non au Parquet d’entamer des poursuites contre lui. En théorie, une procédure de destitution provisoire (pour six mois, le temps d’un procès) pourrait s’ensuivre. Mais la Cour suprême devrait alors trouver le soutien des deux tiers des voix de la Chambre des députés, ce qui paraît très improbable : le ‘’Président-Voleur’’ y dispose en effet d’une solide majorité parlementaire. On a vu comment Trump, aux Etats Unis avait facilement déjoué le piège du Congrès.

Alors, pour quand l’éviction de ce ‘’champion aux mains propres’’, porté au pouvoir par les foules pour éradiquer sans pitié la magouille ? Il semble en tout cas très mal parti pour se faire réélire, en octobre 2022, face à Lula. Osera-t-on encore parler de ‘’mains propres’’ pendant la campagne électorale ? Est-ce que le populisme crée, même dans les sociétés les plus sympathiques, cette forme d’infantilisme aveugle que certains confondraient (à tort) avec de la bêtise ? Elle paraît un peu décevante, la démocratie au Brésil ! La délinquance des hommes providentiels s’oublie très vite, même si on omet aussi de la leur pardonner : on n’y pense plus, c’est tout … et le cycle recommence.

* 12 mars – Flash-back sur Brasilia

.En Europe, on pense pouvoir comprendre le Brésil, cet enfant du soleil sud-américain et des aventuriers portugais. Avant sa chute ignominieuse et largement téléguidée (à la fois), sur une triste et banale affaire de corruption – la société pétrolière Petrobrazil et ses affiliés du BTP ayant largement ‘’servi’’ la classe politique – Luiz Inacio Lula da Silva y était particulièrement populaire, à la fois pour ses origines prolétaires authentiques et pour ses programmes sociaux, qui changeaient la face et la vie du Brésil pauvre, ultra-majoritaire. Mais le leader historique de la gauche brésilienne a été condamné pour corruption à plusieurs reprises et à des peines jusqu’à 12 années de détention, sous l’étendard de la campagne Lava Jato. Il a dû passer cinq cent quatre-vingts jours en prison, entre avril 2018 et novembre 2019. La droite exécutive et parlementaire a poussé son avantage en forçant, en 2016, la destitution de sa dauphine et successeur, Dilma Rousseff, sur un chef d’accusation ténébreux de mauvaise tenue de statistiques. Elle règne depuis sans partage sur les institutions et les destinées du pays, c’est-à-dire en déni des besoins des pauvres, de leur sécurité, de la santé publique et de l’écosystème. Un désastre que traduisent toutes les statistiques, en particulier celles du Covid (près de 300.00 morts). Le visage derrière ces maux est celui du ‘’meilleur’’ disciple de D. Trump, le très cynique Jair Bolsonaro. Or, tout peut changer dans les 18 mois …


Le 8 mars, un juge du Tribunal Suprême Fédéral a, en effet, annulé quatre condamnations de l’ex-président de gauche, portant sur de présumés pots-de-vin immobiliers. Les irrégularités qui avaient altéré ces jugements conduisent à la levée de toutes les condamnations, le tribunal de Curitiba (sud), n’ayant pas été compétent, à l’époque où il a jugé ces affaires. En même temps que la liberté, Lula recouvre donc ses droits politiques, sans être totalement blanchi sur le fond. La décision prise par le juge Fachin pourrait encore être soumise à réexamen si le procureur général de la République, Augusto Aras (nommé par Jair Bolsonaro) l’exigeait. Lula pourra-t-il prendre part à l’élection présidentielle de l’automne 2022 ? La gauche mise sur lui et rêve de sa victoire contre Bolsonaro. A 75 ans, l’ancien métallo, syndicaliste puis président (2003-2011), est prêt à rebondir en politique. Selon les sondages, 50 % des Brésiliens seraient prêts à voter pour Lula en 2022, contre 38 % pour l’incombant.


Certains commentateurs locaux estiment que la remise en scelle de Lula ne procède pas de motifs purement juridiques, mais d’un mouvement de fond politique et de l’opinion. En termes plus clairs, le catalyseur en serait l’épreuve de force que traverse aujourd’hui le Pouvoir judiciaire face à l’Exécutif. Le Tribunal suprême a initié plusieurs poursuites contre des proches du président Bolsonaro. Ce dernier contrattaque durement et s’efforce de museler la Justice. En mai 2020, il aurait même décidé de faire investir le Tribunal suprême par la troupe, pour destituer les juges. Il s’est ravisé au bord du gouffre. Il ne s’est pas moins dévoilé comme un ennemi des institutions démocratiques. La Justice brésilienne n’est peut-être pas uniquement préoccupée de droit. Mais si c’est pour protéger la démocratie (je ne finis pas ma phrase)…