Y être ou ne pas y être : angoisses croisées d’un partenariat en Chine

Le Monde chinois, version cruelle
« Il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, trop de citoyens, vu qu’il n’y a richesse et forces que d’hommes« . (Jean Bodin, économiste français du XVI ème siècle)

La Chine, Goliath démographique du XXème siècle, est à la veille de sa consécration comme la première puissance mondiale du XXI ème. En termes de parité de changes, le FMI lui confère déjà la première place parmi les PIB du monde. Elle incarne  »le dernier Empereur du PIB », s’amuse un article du Monde, façon de remettre à sa juste place le critère de la valeur ajoutée nationale, qui ne reflète ni la richesse des individus ni leur niveau de développement humain ni à fortiori, celui de  contentement d’une société en tension. Il n’empêche. Le  »rêve chinois », que glorifie le Patron du Parti Communiste Chinois, XI Jinping, est bien celui d’une mondialisation  »gagnée » par l’Empire du Milieu et par ses multiples ramifications extérieures. Le peuple chinois croit dur comme fer en son avenir, en la puissance de son économie et il fait volontiers écho au nationalisme intransigeant de ses dirigeants, quand bien même il n’associe pas forcément ceux-ci aux mérites que s’est gagnés la Chine.

Le rang de la Chine rétabli dans le monde

Première puissance économique du monde, premier producteur industriel et premier commerçant de la planète la Chine n’outrepasse pas son rang. Elle l’a simplement rétabli, conforme à la trame longue de l’Histoire.

– A son apogée, l’Empire romain pesait économiquement moins lourd (22 %) que l’Empire du Milieu (26, 5 %). De même, l’Europe de Louis XIV face au domaine des Qing. Selon l’économiste Angus Maddison, sous la Renaissance, la Chine représentait avec l’Inde la moitié de la richesse du monde. Elle construisait des vaisseaux cinq fois plus lourds et plus grands que les caravelles de Christophe Colomb. Ses navigateurs maîtrisaient mieux le compas, la cartographie marine, etc. mais l’Empereur Kubilai, de qui émanait toute politique, ne voyait pas grand intérêt à pratiquer un lointain expansionnisme, commercial ou autre. Dans son Livre des Merveilles, Marco Polo décrivait avec ébahissement les impressionnants immeubles de Hangzhou, hauts d’une dizaine d’étages. Le grand Voltaire, lui-même, louait le système de gouvernement mandarinal et l’organisation des institutions du Céleste Royaume. En 1820, deux décennies avant les guerres de l’Opium et son effondrement sur lui-même, l’Empire  produisait encore un tiers de la richesse du monde.

– Souvent, nous ne retenons pourtant de l’histoire de cet immense pays que des stéréotypes sur ses déboires face à l’Occident. En passant par-dessus  les Guerres de l’Opium, à l’origine du démembrement de la Chine, l’on prend comme point de départ la quête brouillonne de modernisme par le jeune régime communiste de Mao Zedong. C’est le modèle marxiste-agricole aux couleurs du terroir chinois. Les repères suivants concernent les outrances de la Révolution Culturelle (1966-76) et toute la funeste litanie maoïste. On s’éveille plus concrètement à la Chine (et réciproquement) avec l’ère des réformes et l’avènement du concept biscornu ‘’d’économie de marché socialiste,’’ caractéristique des décennies 1980-2000. Il s’en dégage la perception d’un retour au bon sens – qui nous rassure – et celle d’une gigantesque arnaque : l’appropriation par les fonctionnaires des actifs publics (‘’propriété populaire’’) du Pays.

Dans nos clichés plus récents, on retrouvera le retour en force d’un hégémonisme affirmé sur la sphère asiatique (aux dépens du Japon); le déferlement planétaire des produits manufacturés dans  »l’Atelier du monde »; la mainmise des mandarins du Parti – toujours eux – sur l’argent, les ressources et les profits; leur corruption et l’avidité matérielle qui accompagnent cette montée en puissance. On n’oubliera pas, non plus, la facette totalitaire et policière de ce régime qui, dans ses consignes internes, ose ériger en ennemis tout à la fois ‘’la société civile’’, internet, et la  »pensée occidentale’’, à commencer par ces ‘’prétendus » droits de l’Homme, qu’il rejette comme un complot contre lui. Lire la suite