* 18 février – Le Coq et l’Aigle dans un sous-marin

Le président Macron a-t-il fait un pas dans l’édification d’une défense européenne en appelant les partenaires européens à un ‘’dialogue stratégique’’ autour de la dissuasion nucléaire française ? Ce thème tient de l’Arlésienne et du monstre du Loch Ness. Depuis l’origine, la force de dissuasion française constitue une source d’embarras qui déstabilise le confort ‘’atlantique’’ des voisins de la France. Des offres assez similaires avaient été avancées, depuis 2006, par les trois prédécesseurs du locataire de l’Elysée. A chaque fois, derrière l’écoute courtoise, une méfiance générale a enterré le sujet, la France étant soupçonnée de vouloir se valoriser aux dépens du ‘’parapluie’’ américain et de l’OTAN, sans volonté aucune de jouer collectif. Il ne faut donc pas s’attendre à une réponse claire, nette et unanime à l’invite lancée à la ronde à la présence d’observateurs aux ‘’exercices’’ des forces françaises de dissuasion. D’ailleurs, ceux-ci ne concerneront pas la mise en œuvre réelle des forces – notamment de la composante sous-marine (la composante terrestre ayant été démantelée depuis des lustres et celle, aéroportée, ne devant pas être renouvelée à obsolescence -. Resterait la pédagogie, laquelle constitue un artifice politique. L’initiative n’en recoupe pas moins des enjeux majeurs, dans un contexte stratégique où le Royaume-Uni, l’autre puissance nucléaire de l’Europe occidentale, a opté pour le grand large et où l’environnement géopolitique de l’Europe se dégrade rapidement, au Sud comme à l’Est. Le continuum de crises et de menaces imbriquées qui l’encercle est, pratiquement, sans issue politique. Ainsi a été dénoncé, en août, le traité russo-américain de 1987 sur les armes nucléaires à portée intermédiaire (de 500 à 5 500 kilomètres), qui constituait une assurance irremplaçable, pour les Européens. Ceux-ci redeviennent des cibles autorisées pour la Russie. Comment sortir de là ?


Pas de partage des codes nucléaires (le décideur unique reste le prérequis de toute crédibilité), mais une analyse plus collégiale des intérêts vitaux de la France en lien avec ceux de l’Europe. Se pose alors la question, pour les partenaires, de l’accès-même à l’information stratégique, alors qu’en interne, les commissions spécialisées du Parlement, les dirigeants de partis et la diplomatie n’ont droit qu’à des versions expurgées et simplettes des stratégies en cours face aux enjeux perçus. Partagerait-t-on, vraiment ? Sans doute, non. Intervient ensuite la priorité accordée – ou non – au bouclier américain. Contrairement au français, il est de taille à couvrir le vaste espace stratégique de l’Alliance … mais il n’est crédible que si le président américain y est déterminé de façon absolue et constante, ce qui paraît rétrécir ses marges de priorité stratégiques et étendre trop loin son ‘’devoir d’intervention’’. Les calamiteuses années Trump ont montré que rien n’était acquis une fois pour toutes, en la matière. Ceci a fortement ébranlé le confort sécuritaire des Européens. Et rendu plus audible l’hypothèse d’un plan complémentaire made in France ? C’est dans ce créneau peu rassurant que joue l’offre française.


De leur côté, les bombardiers allemands ont déjà la capacité de s’armer de bombes nucléaires américaines, stockées sur place, sans évidemment pouvoir en commander l’amorçage. Berlin, qui, avec Paris, détient la carte-maîtresse pour toute avancée collective, est partagé et donc précautionneux. La gauche allemande et les Verts refusent de confier le sort de leurs concitoyens à un monarque, serait-il français. Du côté de la CDU, le vice-président du groupe au Bundestag, défie E. Macron d’ouvrir en grand la coopération militaire nucléaire, en faisant sortir la force de dissuasion du giron national, pour la placer entre les mains de l’UE … ou de l’Otan. L’Europe serait amenée, dans cette situation, à reprendre le siège de la France au Conseil de Sécurité. J’entends 67 millions de Français pousser des cris d’orfraie.