On reproche souvent à la politique africaine de la France de se cantonner au cercle un peu faisandé de la France-Afrique. C’est assez injuste car Paris recherche depuis trois décennies des approches nouvelles auxquelles résistent généralement les pouvoirs en place. Raison de plus pour ne pas négliger ces nouvelles (et jeunes) élites et les petites classes moyennes africaines qui voient leurs aspirations bloquées par les’’ vieux crocodiles’’ incrustés dans leurs trônes. Pour un président français, même bien intentionné, la chose n’est pas facile tant sa personne incarne, aux yeux des sociétés civiles du Continent noir, une histoire (ancienne) d’exploitation et une pratique politique ‘’complice’’ des potentats locaux.
A l’occasion d’une visite à Ouagadougou, Emmanuel Macron avait débattu à bâtons rompus, il y a quelque temps, avec un panel d’étudiants burkinabés. Malgré sa brillance et quelques bons arguments, ceux-ci l’avaient poussé dans ses retranchements et il n’avait pas emporté leur confiance. Affirmer que la colonisation a été un crime contre l’humanité ne remet pas, d’évidence, les compteurs à zéro.
Remettre le couvert, mais cette fois, pas moins que pour un ‘’sommet’’ avec la société civile africaine à Montpellier – à Paris c’eut été un affront diplomatique à l’égard des capitales – voilà qui était forcément risqué. Avec la complicité d’un habile penseur camerounais du ‘’post-colonialisme’’, Achille Mbembe, l’ambition affichée par l’évènement était de ‘’refonder les relations de la France avec l’Afrique’’. Un exercice irréaliste et grandiloquent dont on ne pouvait pas ne pas remarquer l’inspiration et la finalité essentiellement franco-françaises.
On y a vu ressurgir tous les abcès de souffrance du continent noir, par focalisation constante sur l’histoire coloniale. Pour se faire reconnaître, les ‘’forces vives africaines’’ doivent faire assaut de patriotisme et en appeler à la conscience de l’ancienne métropole. C’est assez classique et les citoyens invités n’ont pas mâché leurs mots, face au président-incarnation de leur histoire, un peu donneur de leçons en démocratie, qui les surplombait de son autorité et de son aura de puissance.
L’histoire était au rendez-vous mais tout le monde a été un peu court, s’agissant d’imaginer un partenariat également bénéfique aux deux bords et démocratique. L’Afrique est trop enserrée dans ses maux actuels, la France ne peut abandonner aucun des intérêts stratégiques qu’elle détient au sud du Sahara. Qui plus est, les Africains qui savent gratter, sous la superficie des mots, ont mis à jour les contradictions des stratèges parisiens : une succession dynastique au Tchad avalée sans trop de grimace puisque s’agissant d’un allié militaire, un engagement au Sahel contre le terrorisme jihadiste, destiné à protéger l’Europe plus que les Africains et encore, peu après le ‘’sommet’’, une méchante crise avec l’Algérie qui montre combien Paris peu perdre ses positions à poser publiquement en observateur critique (sans doute lucide et sincère) , de l’identité, de l’histoire et des mœurs politiques d’un peuple étranger. La diplomatie française ne pourra pas longtemps adopter une posture de Janus, mi-abbé Pierre, mi-Machiavel s’adressant au Prince.
Il y a des formules plus consensuelles bien que plus lentes. L’Europe entretien des assemblées de voisinage actives, liées aux accords de coopération qu’elle passe. Les nationalismes y sont moins exacerbés. Les Nations Unies aspirent à mieux accueillir les débats d’ONG et d’organismes d’opinion dans leurs nombreux fora. RFI propose chaque semaine à ses auditeurs africains d’exprimer leur opinion sur l’actualité, telle que vue en France. Il ne faudrait surtout pas renoncer à s’écouter et à se comprendre de peuple à peuple. Mais de façon horizontale, de préférence, désintéressée et avec constance.