* 14 juin – Le bon climat du Sommet

Après la pandémie, la Chine (surtout, elle), la Russie, la démocratie, les engueulades intra-européennes sur le respect de la frontière de l’UE avec l’Irlande du Nord, le G7 s’est attelé à l’urgence climatique en conclusion du sommet de Carbis Bay. L’enjeu est primordial, mais, dans l’immédiat, il s’agit de rehausser le prestige du Royaume-Uni-hôte. Faute de gérer correctement les suites du Brexit, Boris Johnson tente de relever la tête en s’emparant d’un sujet conforme à l’option du ‘’grand large’’ dont il se réclame. Ainsi, son pays accueillera en novembre la conférence de suivi de l’ONU sur le Climat (COP26). Selon lui, il existe ‘’une relation directe entre la réduction des émissions, la restauration de la nature, la création d’emplois et la garantie d’une croissance économique à long terme ». On peut cependant s’interroger sur le type de croissance que promettent ses options ultra-libérales et sur l’aptitude des grandes entreprises mondiales à pratiquer la vertu d’un tel schéma vert. A l’initiative de Londres, le G7 devrait aussi plancher sur un plan mondial de création d’infrastructures, visant à relancer la croissance verte du ‘’Sud’’. Un grand programme d’investissement dans les énergies renouvelables et dans les technologies propres va être lancé. Ce projet se présente comme une réplique aux « Nouvelles routes de la soie », que Pékin tisse pour étendre son expansion économique mondiale. Emulation, concurrence ou clash en vue ?

Les chefs d’Etat ou de gouvernement des ‘’sept’’ affirment vouloir stopper le recul de la biodiversité d’ici 2030. L’objectif serait de protéger au moins 30% des terres et des mers. En l’état, c’est une ‘’idée’’, pas encore un plan. De son côté, Londres dévoile un fonds de 582 millions d’€uros, destiné à la préservation des océans et des écosystèmes marins dans le monde émergent. Le concert occidental va aussi réitérer son engagement à réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre, d’ici 2030, et à cesser, dès cette année, les aides publiques aux centrales à charbon. Ces mesures s’inscrivent dans l’objectif ancien de limiter l’augmentation des températures en dessous de 1,5°C, par rapport à l’ère préindustrielle. La question est toujours : ‘’cela suffira-t-il pour nous mettre à l’abri d’une perte de contrôle dévastatrice sur les dérèglements climatiques, qui menacerait progressivement de rendre impossible la vie sur Terre ?’’. La réponse est toujours : ‘’non’’.

Ces initiatives collectives – qui n’expriment que de louables intentions – fournissent au moins quelque matière aux médias. Mais l’élément saillant de cette semaine bien chargée restera la présence forte du président Biden, très actif à démontrer à quel point ‘’America is back’’ et qu’elle peut compter sur ses alliés. L’isolement caractéristique de l’ère Trump est terminé. Derrière la bonhommie de Joe Trump, chacun tentera de percevoir si l’heure est au leadership ou bien au partenariat. Emmanuel Macron s’y est essayé devant l’intéressé, tout sourire mais silencieux. Le ‘’Club des riches’’ se montre d’autant plus actif qu’il s’était mis en sourdine ce dernières années. Est-t-il pour autant réellement entreprenant ? Oui, si l’on en croit sa volonté de parler en ‘’directoire des démocraties occidentales (auquel le Japon est agrégé). En tout cas, le climat s’est installé dans la sphère des intérêts géostratégiques traités à 7, même si la réalisation de plans performants n‘est pas encore avérée. Les ONG n‘ont pas été entièrement convaincues par les annonces de résultats à venir, mirobolants mais par des approches ‘’molles’’. Elles manifestent, comme il se doit, leur scepticisme. Le bon climat du Sommet va-t-il nous porter au sommet du combat pour le climat ?

*10 juin – Hello, Old Joe !

Bush était allé au Mexique, Trump en Arabie saoudite, Joe Biden choisit l’Europe pour la visite inaugurale de sa présidence. Il débarque au Royaume Uni avec son Irlande ancestrale à l’esprit, principale ‘’victime du Brexit’’ ; il arrive sur le vieux continent avec des annonces vaccinales pour le monde émergent; il parlera au cœur de l’OTAN avec le souci de ‘’souder’’ (sic) la solidarité occidentale face aux puissances totalitaires ; il tournera dans le grand musée européen de la révolution industrielle avec une détermination inébranlable à refouler l’ambition hégémonique de la Chine. Ce dernier thème, le seul qui fasse l’objet d’un consensus au Congrès, pourrait marquer plus que tout autre cette première tournée à l’étranger, celle du ‘’retour » de l’Amérique. ‘’Mon voyage en Europe est l’occasion pour l’Amérique de mobiliser les démocraties du monde entier‘’. Après la période de grâce ouverte par son arrivée aux affaires, les Européens réajustent leur perception de ‘’Papy Joe’’ : la nouvelle administration ne va-t-elle pas ressortir le mantra du leadership mondial ? L’Union Européenne ne se retrouvera-t-elle pas, comme toujours, à jouer la partition du ‘’fidèle allié’’, alors que sa vocation devrait être celle d’un partenaire égal ?

L’appétence de Joe pour les dossiers internationaux ne date pas d’hier. Il arrive avec des habitudes datant de sa vice-présidence sous Obama et, avant cela, de trois décennies de diplomatie au sein de la Commission des AE du Sénat. Au seuil de ‘’l’orgie de sommets’’ de huit jours qu’il entame, il connaît tout le monde, a une idée sur chacun et peut désormais exprimer ses préférences personnelles. Le programme est dense : G7 de vendredi à dimanche, Otan lundi, Etats-Unis /Union européenne, mardi. Il culminera sur un tête-à-tête avec Vladimir Poutine, mercredi à Genève, où il va devoir démontrer tout son punch sous peine de se retrouver en difficulté face à son congrès.L’autocrate russe est-il, de son côté, désireux d’une relation plus stable et plus prévisible avec Washington ?

Premier arrêt : Londres, pour un sommet bilatéral avec Boris Johnson, jeudi ; dimanche, la protocolaire et prestigieuse visite à la reine Elizabeth II. Peut-être sera-t-il plus facile de parler d’ouverture et de paix avec celle-ci qu’avec son inconséquent et peu scrupuleux premier ministre. De toute façon, Londres s’affichera comme la principale tête de pont des Etats Unis en matière de vitalité de l’Alliance atlantique. Après la rupture recherchée par Trump, les autres capitales sont rassurées de ce retour, mais aussi un rien appréhensives quant aux évolutions internes à plus long terme de la première puissance du monde, alors que les forces populistes ou suprémacistes y restent puissantes.

A Bruxelles Biden multipliera les rencontres bilatérales. Il aura des paroles d’hommage pour l’Union Européenne mais ira-t-il plus loin que ces douceurs oratoires pour encourager la parité entre Venus-UE et Mars-USA ? On va scruter ses intentions de près. Quant à son message au G7 pour la ‘’périphérie’’ (‘’the rest of the world’’), Biden, qui se sait critiqué pour avoir tardé à partager ses vaccins contre le Covid-19, a annoncé une livraison massive de doses de vaccins, d’ici fin juin, au dispositif de partage Covax. Rendez-vous bientôt pour examiner ce qu’en pense Xi Jinping.

* 4 mai – L’Occident en gants de velours

Quelle définition donner aux ‘’menaces mondiales’’ ? La liste pourrait en être très longue, mais quand ce sont les acteurs du G 7 qui en fixent les items, on est bien en présence d’un agenda occidental. Pour le coup, les ministres des Affaires étrangères des principales démocraties se sont réunis en présentiel – une habitude qui s’était perdue avec le Covid – à Londres, afin de coordonner les répliques de leur camp. Les représentants de l’UE, de l’Australie et de la Nouvelle Zélande, de l’Inde, de la Corée du Sud ainsi que de l’Asean s’y sont joints en qualité d’invités. Les consultations préfigurent les débats que conduiront les chefs d’Etat et de gouvernement, dans ce même cadre du G 7, en juin.
Protéger les démocraties. Ce n‘est plus un trait d’alarmisme malsain, mais bien une nécessité, tant les attaques et autres tentatives de déstabilisation politique se multiplient, venant de l’Est et du Sud. L’Etat de droit dépérit depuis longtemps, mais la société mondiale établie sur des règles édictées, admises et respectées, paraît-elle aussi bloquée, voire en danger. Les agressions-surprises par voie des mercenaires, les annexions territoriales, les expulsions de populations sont redevenues monnaie courante, sans doute plus encore que dans les années 1930. Chine, Libye, Ethiopie, Turquie et Russie sont bien sûr à l’ordre du jour des échanges. On ne les pointera pas forcément du doigt, au risque de les braquer, mais elles se reconnaîtront. Les chefs des diplomaties prendront mois de gants pour évoquer l’Iran, la Corée du Nord, la Somalie, la Syrie, le Sahel ou la Birmanie où sont à l’œuvre des régimes tueurs ou desperados.

Antony Blinken a marqué son souci de voir rétabli un « ordre international fondé sur des règles », pour sauver la paix mais aussi pour faire face aux défis globaux allant du dérèglement climatique à la relance économique post-pandémie. Au sein du club des riches, les campagnes de vaccination progressent vers une forme d’immunité collective, alors que, dans le Sud, d’autres pays affrontent des résurgences catastrophiques de la maladie Covid 19. Ce fossé béant face à la contagion devra être comblé pour parvenir à une sortie globale du cycle pandémique. Les ‘’7’’ devront contribuer à un dispositif mondial autour du programme Covax (accès universel aux vaccins) et d’aides matérielles au cas par cas, comme celles pratiquées pour l’Inde. Concernant le dérèglement climatique, enfin, le Royaume Uni veut démontrer que sa sortie de l’Europe ne handicape pas sa diplomatie et il cherche à maximiser les contributions annoncées par les pays riches e accueillant à Glasgow, en novembre, le sommet de la COP26.


Bonne chance, le G 7 ! Mais vous n’avez pas de mandat pour dénouer le désordre mondial. Ceci n’interdit pas d’afficher de l’exemplarité avec un zest d’intelligence et même d’audace. Renouveler l’image plutôt trouble de l’Occident dans ce monde où aucun autre acteur n’apparaît, non plus, ‘’sans tache ni reproche’’: quel défi exaltant !