L’Iran a-t-il vraiment annoncé l’abolition de la police des mœurs à l’origine de l’arrestation de la jeune Mahsa Amini ? La mort en détention de cette jeune femme avait provoqué une vague de contestation qui perdure depuis près de trois mois. Le procureur, Mohammad Jafar Montazeri, a avancé cette hypothèse et également annoncé que ‘’le Parlement et le pouvoir judiciaire travaillaient sur le port du voile obligatoire. Il n’a pas précisé ce qui pourrait être modifié dans la loi de 1983 l’ayant imposé quatre ans après la révolution islamique. La décision est donc encore virtuelle mais déjà difficile à interpréter. Elle survient à la veille d’une tentative de grève générale qui constituera un test décisif pour la révolution en marche. Est-on en présence d’une vraie concession faite à la jeunesse du Pays – peu suivie par les générations plus âgées – ou d’une tentative de manipulation des manifestants ? Ou encore d’un cafouillage au sein du pouvoir théocratique ?
Rappelons que cette question ultra-sensible (le droit individuel de se voiler ou non) a conduit à la mort de plus de 300 jeunes manifestants depuis la mi-septembre. De part et d’autre se joue désormais le jeu de la mise à bas du régime des mollahs ou de l’enfermement de la génération montante dans une soumission abjecte. La ‘’révolution des femmes’’ succède à la vague de contestation de juin 2009 (liée à l’élection truquée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence), à une première bronca contre le voile, en 2017, et à un mécontentement très large devant l’état calamiteux de l’économie et le chômage massif. L’avenir tiendra à la convergence des luttes en cours ou, au contraire, à leur éparpillement. La frustration des jeunes résulte aussi de l’enfermement du Pays dans un contexte de confrontation avec les pays voisins et avec l’Occident, lequel reste un phare, qui fascine la nouvelle génération.
La réponse du Guide et de son régime est toujours la même depuis 2009 : une répression sans pitié. Khamenei garde à l’esprit la fin du régime du Shah, en 1979, malgré toute une suite de réformes tardives et de concessions sociales qui n’avaient fait qu’accentuer sa posture défensive et son image de faiblesse. De plus, il n’est pas dans la mentalité des Ayatollahs, qui forment désormais une ploutocratie, de céder quoi que ce soit de leur dictature à la ‘’population d’en bas’’.
Aucun scénario ne s’impose encore : une convergence de toutes les classes d’âge pourrait faire basculer l’Iran dans la guerre civile. Une nouvelle révolution pourrait s’ensuivre. Un répit assorti de quelques desserrements des contraintes ne changera pas grand-chose et risque surtout de déboucher sur un regain ultérieur de répression faisant de nombreuses victimes. Un putsch en sous-main des Pasdarans aux dépens de l’autorité du clergé (pour sauvegarder leur Etat dans l’Etat) transformerait l’Iran en dictature militaire classique, à l’image de ses voisins arabes, englués dans leur mauvaise gouvernance.
Sauf à vivre dans l’œil du typhon, il serait vain de prendre un pari. Inch’Allah !