* Mardi 8 novembre – La démocratie partie en vacances ?

Pendant que la pénombre géopolitique persistait sur le monde, des élections ont eu lieu ça et là. Peut-être faudrait-il s’en réjouir. Peut-être, car la sagacité des gouvernements ne s’en trouve pas accrue, la démocratie n’y trouve pas toujours son compte, l’alternance se fait le cas échéant vers le passé, les populations ne s’attachent pas prioritairement aux vraies questions, celles qui touchent à leur (future) vieillissement, à la Paix, à la guerre, à l’émancipation, au climat et à la biodiversité, bref à la viabilité du monde à venir.

– L’exemple du bref passage à Downing Street de Liz Truss est sans doute le plus accablant. Elue à la barre d’un navire qui prend l’eau depuis le Brexit, la dirigeante conservatrice tirait sa légitimité du vote de 0,03 % de l’électorat britannique. C’est presque surréaliste survenant après l’isolement, le déclin et les mauvaises manières induits par son prédécesseur ébouriffé, l’inimitable brouillon, Boris Johnson. La dame s’était perçue comme réincarnant Margaret Thatcher, dans les heures graves des Falklands. Reniement des liens avec l’Europe, affirmation d’une grandeur toujours victorienne du Royaume auquel le monde devait rendre hommage, dureté avec les pauvres et fiscalement dévotion aux riches : elle n’est parvenue qu’à affoler sa propre banque centrale, les marchés et une majeure part de la classe politique anglaise. Las ! Rattrapée par le monde réelle, elle tente un tour de passe-passe faisant peser le coût des dégâts sur son chancelier des finances, Jeremy Hunt. Celui-ci annonce que le gouvernement de sa Majesté fera tout le contraire de ce à quoi la Première ministre s’est engagée devant le parlement de Westminster. Trois semaines après avoir été ‘’inaugurée’’ par le roi Charles III, Liz a été débarquée par ses amis les plus proches. Le maire de Londres, vaincu du scrutin interne des Torries récupère la place.

– Au Brésil, la campagne présidentielle a ressemblé à une guerre civile en vraie grandeur. L’insulte a dominé l’espace des débats. Jaïr Bolsonaro, le sortant, obsédé par le précédent créé par Donald Trump n’a pas manqué d’afficher un colossal mépris pour les règles de la démocratie. Au point que son silence au lendemain du scrutin a pu être interprété comme un appel lancé à l’armée – dont il est issu – pour qu’elle effectue un putsch. Ignacio Lula da Silva a gagné, ric-rac, sans gloire ni grandeur particulière. Le dirigeant syndicaliste et ancien chef d’Etat emprisonné pour concussion n’est plus le héros populaire qu’il avait été avant son prédécesseur. On a un peu l’impression que la geste politique brésilienne tourne en rond… mais n’arrive plus à reproduire les hauts faits passés, dans un contexte économique et social très dégradé. Lula garde comme atout un fort potentiel pour le dialogue et le compromis. Son vice-président a été choisi au centre droit, son programme n’est plus très progressiste. On peut prédire que le Brésil se dirige, cahin-caha vers de nouveaux épisodes de crise interne.

– Le cas israélien est à part. Cinq scrutins généraux sont intervenus en trois ans, mettant aux prises la droite dure, l’extrême droite hystérisée et les extrêmistes religieux, complètement déjantés. La gauche n’existe plus et le Centre s’est rangé à droite : le jeux politique ne peut donc plus produire une vraie alternance, car il est enchassé dans des considérations ethnico religieuses et un racisme d’Etat. Le choix est entre un état de guerre autoritaire et insensible aux épreuves des Palestiniens (eux-mêmes incapables d’organiser un scrutin) et un apartheid armé, en bonne et due forme. Les accords d’Oslo ne sont plus de ce monde et la confrontation sert de fuel à la classe politique. Le deal proposé aux citoyens est : ‘’ne faites plus de politique, nous nous en chargeons. En retour, confiez-nous sans état d’âme votre sécurité’’. François Guizot aurait-il dit autre chose alors que Louis Philippe 1er préfigurait l’humeur actuelle de l’incontournable ‘’Bibi’’ Netanyahu, centre de gravité indévissable de l’ultra-nationalisme bourgeois israélien. Le prix à payer sera élevé le jour, encore lointain, où le système s’effondrera sur fond de guerre civile, car les citoyens-électeurs seront revenus en force dans le jeu.

– Aujourd’hui se tiennent, aux Etats Unis, des élections de mi-mandat pour le renouvellement du Congrès, une échéance politique toujours défavorable à la présidence en place. En temps normal, l’enjeu partisan reste dans les limites raisonnables d’un débat programmatique et de préférences idéologiques d’ordre commun. Mais le précédent de la révolte encouragée par Trump contre les institutions (jusqu’au raid de janvier 2021 sur le Capitole de Washington) et l’ascendant toxique que le milliardaire caractériel conserve sur le parti Républicain pourraient faire monter les enchères dans une situation où les ennemis du système’’ s’empareraient des deux chambres du Congrès. L’inflation galopante, notamment celle qui impacte les coûts de l’énergie, incite les électeurs à faire passer ‘’la fin du mois’’ avant  »la fin du monde’’ et Joe Biden pourrait se trouver impuissant à maintenir l’ordre civil et la cohésion sociale à un niveau vital minimum. Les présidentielles et législatives françaises ont été également marquées par cette propension au court-termisme, on ne peut donc blâmer l’électeur américain. Mais le poids des Etats-Unis dans les grands défi mondiaux est d’une tout autre dimension. Sous les traits d’un D. Trump de retour en 2024, un retrait définitif de l’Oncle Sam des affaires du climat, de celles de la prolifération nucléaire ou encore du soutien accordé à l’Ukraine dans la défense du droit et de la justice tracerait les contours d’un véritable cauchemar géopolitique.

* 10 mai – Quand on ressort Hitler et la Shoah

‘’Zelensky, comme Hitler, a du sang juif et c’est le cas aussi de plusieurs dirigeants de l’Ukraine … d’ailleurs les pires persécuteurs des Juifs sont généralement Juifs’’.

On voit rien qu’à sa tête que M. Sergueï Lavrov n’est pas un intellectuel raffiné, mais, lorsqu’il parle aux médias, c’est encore pire. La remarque du ministre russe des affaires étrangères a outré le judaïsme mondial. Ce dernier a de plus mentionné une vingtaine de nationaux israélien accusés de participer aux activités du  »camp ennemi » (l’Ukraine). Lavrov s’est donc attiré une vive réaction de la part du gouvernement israélien. Yaïr Lapid, l’homologue du Russe, a fustigé un langage ’scandaleux, impardonnables et une horrible erreur historique’’. Mais la tirade russe n’est pas aussi balourde qu’elle en a l’air. Les propos antisémites du ‘’yesman » de Vladimir Poutine n’étaient pas gratuits : ils contenaient un élément de mise en garde à l’intention de l’Etat hébreux. Moscou a remis le couvert dans un long texte diffusé sur la chaîne Telegram : ‘’Le gouvernement israélien actuel soutient le régime néonazi à Kiev’’. Aucun remord, donc, aucune velléité d’arrondir les angles…

Pourtant Moscou et Jérusalem se ménageaient jusqu’alors. Israël tient à contrebalancer les penchants russes pour les autocraties moyen-orientales qui lui sont hostiles et, concrètement, à sauvegarder quelques accès aériens au ciel syrien (pour tenir à distance l’Iran), ceci, en dépit du contrôle qu’y exerce l’armée russe. Depuis l’invasion de l’Ukraine, l’Etat juif maintenait d’ailleurs un profil bas et prudemment neutre. Mais quel intérêt il y avait-il alors, pour Moscou, à caricaturer et manipuler l’histoire de la Shoah ?

Sans pouvoir enquêter dans la tête du Tyran, y a là toute une gamme de raisons : la narration révisionniste de ‘’l’opération spéciale’’ contre les nazis deviendrait plus convaincante en y incorporant l’antisémitisme russe atavique ; le lien fort d’Israël avec les Etats Unis et l’Europe ‘’ennemis’’, jusque dans les technologies militaires ; le blocage des renforts islamistes syriens en partance pour l’Ukraine (initiative turque où l’on devine peut-être la main de l’Etat juif) ; le jeu syrien d’influence à Moscou ; les liens personnels nombreux de Juifs ashkénazes avec l’Ukraine et leur solidarité ; les sanctions économiques …

On peut aussi y voir, finalement, l’effet de la névrose guerrière, toute binaire, qui réduit tout à la dichotomie : ‘’si vous n’êtes pas dans notre camp, vous êtes dans le camp ennemi’’. Ce serait aussi une forme d’avertissement pour l’Inde et la Turquie. Mais, au niveau d’un chef de diplomatie, l’insulte – surtout raciale – est, en dernière analyse, le signe d’une régression mentale, l’indice d’une faillite politico-militaire inscrite en filigrane dans l’avenir.

Alors, tant mieux !

* 13 janvier – L’Iran, 3ème risque de guerre

Pendant que l’Aigle américain se frotte durement au Dragon chinois comme à l’Ours russe, un nouveau danger le guette du côté du Moyen-Orient. Washington voudrait y échapper pour concentrer son action d’endiguement sur son principal challenger : la Chine. Mais le camp occidental au sein des Nations Unies détient la responsabilité d’avoir fondé la stabilité stratégique du monde sur le traité de Non-prolifération de 1970 (TNP) : les cinq puissances  »possessionnées » du conseil de Sécurité s’y engagent à contrôler mutuellement puis à éliminer graduellement leurs armes nucléaires. En retour, les puissances dépourvues de l’Arme, s’obligent à ne pas entrer dans un processus de développement et d’utilisation de celle-ci. La prolifération, a fortiori lorsque elle est dissimulée, constitue une des plus graves menaces sur la Paix du monde : elle rend inéluctable le recours, un jour, à l’atome, qu’il soit préventif, en première frappe ou punitif. Dans tous les cas, on bascule dans un scénario d’apocalypse.

Une bonne vingtaine d’Etats ont atteint aujourd’hui le  »seuil nucléaire », voire la possession revendiquée (Pakistan, Inde, Corée du Nord) ou cachée (Israël) d’arsenaux de bombes A ou H. Pour beaucoup, particulièrement au Moyen Orient, la dissuasion ne constitue pas la justification ultime de son emploi. La résolution d’un simple différend territorial ou idéologique, une défaite militaire, l’affirmation d’une hégémonie, la protection d’un régime dictatorial justifieraient à leurs yeux une frappe-surprise, au moment  »opportun ». Et le monde est tragiquement instable. La République islamique d’Iran est encerclée par des pays arabes sunnites envers lesquels sa détestation (réciproque) est intense et sa rivalité stratégique, insurmontable.

Personne ne doute qu’elle a échappé à la surveillance in situ de l’Agence internationale de l’énergie atomique de Vienne (AIEA), gardienne du TNP. Ni qu’elle se soit patiemment hissée jusqu’au seuil nucléaire, qu’elle dispose de matières fissiles très proches du niveau d’enrichissement militaire mais aussi de moyens balistiques à courte ou longue portée pour  »délivrer » les charges sur Israël et, le cas échéant, sur des capitales arabes ou occidentales. Le plus gênant dans ce délit inavoué est que l’ordre de mise à feu viendrait de vieillards implacables, méprisant leur propre population comme leurs ennemis fantasmés. Pour le dire par une image, la possession d’un revolver au saloon – lorsque les autres cow-boys laissent leur arme au vestiaire – tourne à la catastrophe dès lors que c’est un doigt haineux qui s’est posé sur la détente. La nature névro-pathologique du tireur, sont exaltation mentale sont plus dangereuses encore que l’arme qu’il brandit.

Longues et chaotiques, les négociations des six (les cinq permanents plus l’Allemagne) ont débouché un temps, en juillet 2015 puis se sont effondrée du fait d’une surenchère de sanctions du Congrès américain, puis de leur dénonciation par l’administration Trump, en 2018. Nouvelles sanctions économiques et nouveaux épisodes de provocation se sont succédé, réduisant le théâtre multilatéral de la non-prolifération à une confrontation bilatérale obsessionnelle Iran – Etats Unis. Elle n’avait pas lieu d’être. Avec les Européens – en médiateurs quasi-transparents –, les pourparlers ont repris durant l’hiver 2021-22, à Vienne.

Entre temps, les centrifugeuses iraniennes ont pulvérisé les limites que leur fixait l’accord de 2015, enrichissant le combustible à un taux de 60 %, quand l’AIEA ne leur autorisait que 3,7 %. Pour passer de 60 % à 90 %, un taux permettant la production de l’arme, un mois suffirait aux dires des experts. Ce très court répit exacerbe la tentation israélienne, voire israélo-américaine d’une frappe préventive pulvérisant le projet nucléaire iranien. On voit bien comment s’activerait alors l’engrenage de la réplique puis de la guerre. Ceci dit, les dirigeants américains actuels sont un peu lassés de jouer partout au  »Shérif global ». Ils préfèreraient sortir – sans dégât majeur – du terrible dilemme qui se pose à eux (en fait, à nous tous) : faut-il une guerre, sur un théâtre d’opération secondaire à leurs yeux, pour arrêter la course folle de l’Iran ou temporiser jusqu’à ce que ladite course folle provoque d’indicibles embrasements et dévastations à travers le grand Moyen-Orient ?

*26 juillet – Faisons tout pour être espionné

Il y a l’espionnage à sensation et la petite routine moucharde des entreprises et des réseaux. Seule, la première fait le buzz… et encore ! Amnesty International, l’ONG de défense des droits humains, partie au consortium de médias sur le logiciel espion Pegasus, appelle à un renforcement des règles et des contrôles de la cyber-criminalité et, dans l’immédiat, à l’instauration d’un moratoire sur la vente et l’utilisation des technologies de surveillance. Il en va de la survie de la démocratie et de nos libertés fondamentales. La société israélienne NSO, qui a conçu le logiciel, ‘’est une entreprise parmi d’autres. Il s’agit d’un secteur dangereux qui opère depuis trop longtemps à la limite de la légalité » (litote), déplore l’ONG. Le consortium Forbidden Stories et Amnesty se sont procuré une liste de 50 000 numéros de téléphone, ciblés par les clients de NSO depuis 2016 en vue d’une possible surveillances. Introduit dans un smartphone, le logiciel Pegasus récupère nos messages, photos, contacts, nous géolocalise, décrypte nos messages chiffrés et active à distance micros et caméra : 180 journalistes, 600 personnalités politiques (dont treize chefs d’Etat ou de gouvernement) , 85 militants des droits humains de même que 65 chefs d’entreprise ont été ciblés au Maroc, en Arabie saoudite, aux Emirats, au Mexique, en Hongrie et même au plus haut niveau de l’Etat et du gouvernement, en France…ceci, à l’initiative de gouvernements courtisés par celui d’Israël…


L’avertissement est grave et solennel. Mais il y a d’autres mouchaards, peu connus mais du même tabac. Allez donc voir les sites Amnesty Report, Refugee International, Euro News ou encore CNN 24-7. Une seule visite sur leur page d’accueil provoque l’installation du virus Candiru sur votre système d’exploitation. Si vous vous voyez plutôt Big Brother, achetez- plutôt cette appli sur internet, à une autre entreprise israélienne. Vous ne serez pas déçu : il possède toutes les fonctionnalités de Pegasus et il vous permettra de terroriser la planète et d’abattre quelques démocraties … si vraiment tel est votre plus grand désir (et votre inquiétante psychose). Il y a toute une forêt de la cybersurveillance derrière l’arbre Pegasus , des milliers d’outils qui permettent d’espionner tout ce qui passe dans un téléphone portable ». En plus, l’usage en est simplissime (mais pas donné). Ces espions, à la pointe de la technique, utilisent des vulnérabilités technologiques des smartphones iPhone et Android – encore inconnues des fabricants. Les enteprises du secteur achètent à des hackers les failles mises à jour sur un ‘’marché des vulérabilités informatiques’’, pour le moins louche. Le crime organisé y croise les entrepreneurs les plus cyniques, par l’entremise de pirates sans scrupule et de gouvernements policiers. Ainsi, tout le monde se réunit sous l’étendard de l’argent sale et des coups louches.


Mais à bien y penser et au niveau du quotidien, nos multiples cartes de fidélité dans les magasins, les coockies qu’on nous impose sur internet, les fonctionnalités discrètes de nos cartes bancaires, la caméra-globe fixée sur le lampadaire de rue, le GPS de notre téléphone ou de notre véhicule, les formulaires de satisfaction, les publicités invasives, nos multiples passages dans les réseaux sociaux (et je ne citerai pas l’innocent ‘’Linky’’) font le même travail, à notre petite échelle de citoyen-consommateur lambda. Ils espionnent = individuellement = des milliards de braves gens. Sommes-nous des pommes ? On devrait exiger d’être informés de tout ce ‘’big data’’ extrait de nos vies. Si on ne le fait pas, c’est parce que l’on ne sait pas faire face au ‘’big business’’. On sent bien que le ‘’système’’ vit d’argent, de marketing et de domination numérique et qu’ilse fiche bien de nous, ses produits. Il est plus fort que nous. En tout cas, à court terme.

* 15 juin 2021 – Bibi Nétanya out ?

C’est fait depuis le vote, dimanche, de la Knesset. A part cet objectif cardial de virer le sortant, le cabinet de Naftali Benett n’est pas encore aux manettes mais déjà, chacun se demande quelles sont ses chances de durer. Faibles. A la Knesset, les députés du Likoud, de l’extrême droite et des partis ultraorthodoxes ont déclenché une tumultueuse bronca contre Naftali Bennett, qui a eu bien du mal à se tirer du pétrin. Netanyahou avait déjà connu une éclipse de dix ans dans l’opposition, à l’arrivée d’Ehoud Barak aux affaires (1999-2009). Mais, cette fois, il pourrait réaliser un  »come-back express » puisque, comme son comparse Trump, il dispose encore d’une base populaire, un peu hystérique mais solide. Donc, l’appel d’air frais que génère l’alternance politique ne durera qu’un instant. un, deux, trois… hop, c’est fini !

Après douze années de guerre, d’autoritarisme et de scandale, Bibi, contraint de quitter son poste à contre-coeur, exhale une haine horrible à l’égard de son ancien allié et successeur, Benett, qu’il annonce bientôt descendre en flammes, à la première occasion. Là encore, on retrouve chez lui un peu de l’ex-furibard aux cheveux orange, qui régnait à la Maison Blanche. Sa conception très personnelle de la démocratie fait songer à la vision ‘’biblique’’ expansionniste qui lui tient lieu de ‘’droit international fait-maison’’. Le conflit en est l’essence de ce personnage. Le problème est que Benett partage, hélas, cette vision de la cause israélienne (mais pas le caractère extrême de son ex-mentor), que d’autres composantes de la coalition voient les choses autrement et que personne ne comprend ce que le Parti islamique israélien vient faire dans cette galère. C’est un peu comme si on voulait jouer la prochaine guerre israélo-arabe à l’intérieur du cabinet. Après tout, si cela devait permettre de ne pas guerroyer en terre palestinienne…

A moins que ce soit l’ennemi iranien et sa bombe en devenir qui constitue le seul et unique ciment de la classe politique israélienne – avec ou sans Bibi – le seul sujet sur lequel elle puisse avancer d’un même pas… le pas qui déclenche une attaque préventive. Hypothèse glaçante, qui horrifie ce blog. Pas vous ? Ouvertement hostiles à Joe Biden, les dirigeants de Jérusalem ne se laisseront pas retenir au bord du gouffre par la main prudente de l’Oncle Sam.


Si, le temps de mettre cet article en ligne, la situation au proche et au Moyen-Orient a soudain dégénéré, ne m’en veuillez pas ! J’aurai fait de mon mieux pour vous préparer à l’incroyable volatilité de cette zone de crise.

*4 juin 2021 – Bibi, c’est fini ?

La coalition ‘’carpe-lapin’’ des oppositions était remontée à bloc contre le Premier ministre israélien sortant. Ses chefs de file ont fait le forcing, parvenant à un accord de gouvernement. au terme d’une journée de folie. La gauche, le centre et une partie de la droite dure ont finalement réussi à former une coalition, avant que ne sonne le gong d’un possible retour aux urnes, le cinquième sous la mandature en cours. Transformer l’essai impliquera que la Knesset valide, sous dix jours, un gouvernement issu de ce conglomérat atypique, à la limite des normes de fonctionnement des institutions d’Israël. Le seul objectif commun à tous ces prétendants au pouvoir est de congédier Benjamin Netanyahou et son Likoud, qu’ils honnissent, et de réaliser leur slogan ‘’tout sauf Bibi’’.

Curieux spectacle que celui de Naftali Bennett, l’intégriste religieux, champion du pouvoir des colons et prétendant autodéclaré à la direction d’une future coalition, écoutant tout sourire le libéral et laïque Yaïr Lapid, ancien allié de Natanyahou, devenu aujourd’hui son plus sévère censeur. La présence des Travaillistes dans cette entreprise baroque pose question : sont-ils résignés à jouer les utilités aux dépens de leurs propres convictions ? Bien que mandaté pour la former, Lapid ne conduira pas l’alternance partisane.  »Partisane » et non pas politique, car sur la question vitale de la cohabitation avec les Palestiniens, il n’y aurait pas l’épaisseur d’un papier à cigarette entre les obsessions du sortant et celles de son successeur présumé. Toute l’énergie et la fureur se sont concentrées sur la seule personnalité – sulfureuse et polémique – de Netanyahou. Beaucoup estiment que ses douze années à la tête du pays, marquées par une suite de guerres et de scandales de corruption, cela suffit. Mais l’opinion pro-Bibi n’a pas encore désarmée. La défaite de Donald Trump aux Etats-Unis n’a pas provoqué pas mécaniquement la chute de Netanyahou en Israël, mais elle a privé celui-ci de son principal soutien. Aujourd’hui, l’administration démocrate se cantonne dans une prudente neutralité à l’égard de ce terrible  »sac de nœuds » que constitue la politique intérieure israélienne. La règle de la proportionnelle quasi-intégrale achève d’y produire des assemblages contradictoires de partis morcelés et adverse, sans programmes. Un cauchemar.

Bennett serait donc premier ministre pendant deux ans, avant de céder son poste à Lapid. Contre toute vraisemblance, Yesh Atid, le parti de ce dernier et le parti centriste Kahol Lavan (Bleu et Blanc) de Benny Gantz se seraient mis d’accord sur les grands axes politiques de leur futur gouvernement, notamment sur le renforcement de la démocratie dans la société israélienne. Gantz garderait même le portefeuille de la Défense dans le nouveau cabinet. Faut-il vraiment y croire ? Ces tractations se doublent d’autres, plus surréalistes encore, avec les travaillistes du Meretz ainsi qu’avec le parti nationaliste Yisrael Beitenu d’Avigdor Lieberman, si célèbre pour ses orientations guerrières et intégristes. Tout est réuni pour faire exploser en vol la composante juive de cette étrange coalition !

De son côté, la Liste arabe unie hésite à rejoindre ce  »bloc » largement anti-arabe, mais elle veut encore moins se marginaliser au sein de l’arène politique. Elle a décidé, pour l’heure, de rejoindre la coalition, ce qui constituerait une première incroyable : l’arrivée au gouvernement d’Israël d’une formation musulmane (islamiste) indépendante. L’embrouille politique (‘’combinazione’’, en langue italienne) dégagera-t-elle, malgré tout, une majorité viable ? Plutôt prédire que le blocage n’est pas loin. La question des colons et des discriminations, selon la communauté d’appartenance, dans l’accès à la construction d’habitats devrait être la première posée par les députés musulmans. Les positions sur ce problème se sont durcies dans tous les camps. Le changement d’ère et d’air politique n’est donc pas gagné et ‘’Bibi’’, à la tête du premier parti en nombre de sièges (le Likoud), n’est pas aussi électoralement fini que le clament ses ennemis. Chaque opération militaire conforte son aura, malgré ses piteuses tribulations judiciaires. N’attendons aucun beau miracle : le débat partisan se fiche royalement de l’intérêt général !

* 14 mai – Ruminer le Proche-Orient

La situation du Proche-Orient est si dramatique, si violente, qu’on ne peut échapper au sujet. Avouons néanmoins que tout ou presque a déjà été dit et même essayé – et depuis longtemps – concernant ces enchainements de violence et de haine. Ceux-ci sont devenus, depuis des décennies, le marqueur de la tragédie israélo-palestinienne. N’attendez donc aucune révélation de cette brève, juste un souffle de tristesse devant le plus significatif, le plus impardonnable, des échecs de la Paix. De même pour ce qui est des pertes de vies innocentes, dont le décompte s’amplifie inexorablement. Ajoutons que celles-ci ne sont hélas qu’une carte ‘’dissuasive’’, pas même un enjeu, dans la stratégie de terreur concoctée, comme par connivence, entre l’extrême droite israélienne, dominée par les colons et les ‘’orthodoxes’’ (bien télécommandés par les derniers gouvernements de Jérusalem) et une jeunesse arabe palestinienne désespérée et risque-tout, que le Hamas sait porter à ébullition (pour étendre son influence aux dépens du Fatah). Dans un conflit aussi ancré dans les psyche collectives, lesquelles sont presque fossilisées par un siècle d’affrontement, les crimes se répartissent inévitablement entre les deux bords.


L’entrée du ‘’Grand Israël’’ dans un épisode de guerre civile va unifier les conflits et les camps protagonistes : c’est à la fois la Saint Barthélémy (deux populations, habitant Jérusalem et les villes mixtes, qui se massacrent), les croisades et l’occupation territoriale, l’ethnicisme suprémaciste conduisant à l’apartheid et enfin une posture guerrière face aux alliés extérieurs de l’ennemi intérieur. Tout cela est toxique. Dans toute enquête sur les facteurs déclenchants, le respect de la vérité oblige à pointer les mesures d’extorsion (expulsions de Jérusalem Est) et d’humiliation (non-respect des lieux saints de l’Islam, nouveau dispositif sécuritaire discriminatoire, quartier libre donné aux extrémistes anti-arabes) comme impliquant une responsabilité supérieure (mais pas exclusive) du gouvernement de l’Etat hébreux. Celui-ci a suivi cette ligne, de façon constante, sous les gouvernements Natayahou successifs.


En élevant le niveau d’analyse à la géopolitique, il apparaît que la puissance dominante devrait reconnaître qu’elle détient l’avantage d’une conscience plus éthique et d’une responsabilité plus grande, comparativement au protagoniste dominé, dont la faiblesse n’est compensée que par la vigueur de son désespoir. Nous n’avons guère perçu cette vérité au travers de nos anciens conflits coloniaux, ni les Etats-Unis dans leurs expéditions impériales en Amérique centrale. La Chine reste aveugle à ce principe, au Xinjiang comme au Tibet. Pourtant, la nécessité de compenser l’asymétrie des forces est désormais admise comme un adjuvant au rétablissement du droit international, quand il est bafoué. Par essence, la question des territoires occupés n’est pas très différente, de celle du Donbass occupé ou de ce que fut la guerre d’Algérie. Sur le terrain, demeure, au contraire, le ressassement mortifère des torts subis. Qu’il serait heureux d’oublier les blessures de l’Histoire et d’y voir plutôt une science utile pour nous faire échapper au déterminisme des ruminations vengeresses sur les errements passés ! Les émotions négatives finissent par rendre fous des peuples entiers …Vous ne lirez pas ça dans votre journal habituel car c’est une vérité incorrecte à dire.


La fin du mandat britannique en Palestine remonte au 14 mai 1948, il y a 73 ans. C’était le jour premier de la Nakba, cette dispersion forcée des habitants musulmans et chrétiens qui composeront, au fil des épreuves, le peuple palestinien. L’anniversaire est explosif. Il reste, comme le peuple juif, accroché à son malheur, mais le sien se perpétue et n’est jamais soigné. Nakba contre Shoah, les deux identités douloureuses se ferment l’une à l’autre les voies de l’avenir. Celui-ci devrait évidemment être une réconciliation et un partage (les deux Etats), mais il est désormais quasi-impossible d’y parvenir contre les acteurs eux-mêmes. Aux dépens des vieux idéaux démocratiques, l’affrontement enkysté est devenu la Loi, conférant un pouvoir fanatique guerrier aux  »profiteurs de guerre », sur des civils apeurés ou simplement inertes. Des deux côtés, la vengeance et l’humiliation de l’autre justifient une gouvernance ‘’sécuritaire’’, sans âme ni vision. Par résonnance identitaire, cette impasse menace de contagion une partie de la jeunesse européenne mais aussi l’ensemble monde arabo-musulman. Le reste du monde reste muet et impuissant. Encore et toujours d’autres guerres ?

* 11 mai – Jour de la ‘’réunification’’ de Jérusalem

Les violences de ces derniers jours dans la Ville Sainte étaient liées à de nouvelles méthodes d’expulsions de Palestiniens de Jérusalem Est. La furie s’est généralisée.

Depuis juin 1967, Jérusalem-Est constitue le nœud le plus inextricable du contentieux israélo-palestinien. C’est, à la fois, la question la plus douloureuse et la moins traitée du contentieux. De fait, les négociateurs des accords d’Oslo de 1993 l’avaient mise de côté comme étape ultime d’un processus de paix, sachant trop bien le potentiel de déchainement des passions qu’elle contenait. Ceci s’explique de par la concentration de tous les lieux saints dans un mouchoir de poche géographique, mais aussi du fait de l’enjeu politique attaché, de part et d’autre, à la fonction très symbolique de capitale d’Etat. Bientôt trois décennies et des dizaines de relances vaines, américaines ou européennes, auront scellé l’impossibilité d’un plan autour de deux Etats vivant en coexistence.


Les générations se sont succédé : intransigeante, insensible au droit et ancrée dans la confiance en sa force, du côté d’Israël ; déstructurée, abandonnée et révoltée de sa propre faiblesse et de l’indifférence du monde, du côté des Palestiniens. La cassure entre l’OLP et le Hamas, depuis 15 ans, de même que 12 années de gouvernement Netanyahu à la tête de l’Etat Hébreu ne procurent, à chaque camp, que des séquences de violence absolue, en guise d’unité retrouvée. Les prédations des colons israéliens, les collisions entre fidèles de confessions rivales, les décisions de justice iniques – dont les expulsions forcées de Palestiniens de leurs logis ou de leurs terres ancestraux – les cycles de vengeance prenant pour cibles des non-combattants, la mort qui rôde dans les airs… On aurait du mal à recenser toutes les étincelles qui peuvent mettre le feu aux poudres. Une circonstance aggravante s’y ajoute : après quatre scrutins accouchant de coalitions impossibles en Israël, ‘‘Bibi’’ a perdu tout mandat mais reste néanmoins au mannettes comme gestionnaire des ‘’affaires courantes’’. Il s’est fait une spécialité de se maintenir au pouvoir par la guerre. Ce n’est guère mieux du côté palestinien, où Mahmoud Abbas, totalement déconsidéré, rechigne à l’exercice de la démocratie et frustre la jeunesse palestinienne.


A Jérusalem Est,  »partie inaliénable de la capitale éternelle d’Israël », la présence arabe est méthodiquement grignotée au fil des expulsions. Cette menace réveille le douloureux souvenir des grandes dépossessions de 1948 et 1967. Comme stratégie de conquête, elle déstabilise les Palestiniens dans leur espace de vie traditionnel. L’épicentre en a été le quartier de Cheikh Jarrah, où vivent 300 000 Palestiniens, progressivement chassés par l’expansion de plus de 200 000 extrémistes juifs. Il n‘en fallait pas plus pour faire exploser les territoires occupés et tout l’espace israélo-palestinien. En pleines cérémonies de fin du Ramadan, les violences ont éclaté sur l’esplanade des Mosquées, puis partout.
La justice israélienne n’approuve pas explicitement, mais elle ne se hâte pas non plus à trancher les litiges. Elle laisse simplement le déplacement de population se produire de facto. C’est donc aussi à cause d’elle que l’idée d’une solution à deux États est devenue pratiquement impossible, le grignotage continu des territoires occupés ayant privée ce schéma de toute viabilité. Plusieurs pays arabes (Bahreïn, Émirats arabes unis, Maroc, Soudan) ont normalisé leurs relations avec Israël, l’ex-administration Trump a transféré son ambassade à Jérusalem… Tout va dans le même sens : le Grand Israël prend forme – sous un régime d’apartheid – et plus personne ne semble à même d’arrêter ce processus destructeur autant qu’illégal.


Réagirait-on encore à l’annexion de Jérusalem Est ? Par des mots courroucés, certainement. Mais qui aurait la folie d’introduire la force du droit dans cette poudrière ? Pour le système des Nations Unies et toute la chaîne des institutions post-1945, fondées sur la Charte de San Francisco, se serait un terrible revers systémique. Accepter ce précédent reviendrait à entériner les conquêtes en Ukraine, Moldavie, Géorgie, etc. de la Russie de Poutine ou d’attribuer toute la Mer de Chine et les franges de l’Himalaya à la Chine. Ce serait aussi passer aux pertes et profit le droit international humanitaire et celui des conflits, dont dépendent les vies de centaines de millions d’innocents (à commencer par les 83 millions de civils déplacés ou exilés). Une ère de colonisation débridée et violente ne pourrait-elle pas s’en suivre, alors que les catastrophes climatiques suscitent des convoitises pour la terre et pour l’eau et qu’elles se concrétisent par des bruits de bottes ? Le monde n’en peut plus du conflit israélo-palestinien. Celui-ci use les énergies positives et menace la sécurité de l’Europe, où ses résonnances sociales et psychologiques sont multiples et mortifères. Cela fait des décennies que le contrôle de l’incendie depuis l’extérieur est perdu. Les pompiers de la Paix y renoncent. Il faut néanmoins espérer que de nouveaux acteurs, mieux pourvus en discernement et plus courageux politiquement, émergeront parmi les protagonistes. Plaise à Dieu !

* 7 mai – Bibi à la retraite

Après 12 ans de fanatisation de la vie politique israélienne et d’entorses au droit comme à la justice de son pays, Benjamin Netanyahu est en passe de quitter la scène publique. Il a dû s’avouer incapable de former un nouveau gouvernement, à l’issue des dernières législatives. Il avait survécu à tous les excès et tous les scandales, mais, avec l’accession de Joe Biden à la tête des Etats-Unis, il n’est plus guère courtisé que par Poutine, Bolsonaro et Orban. Surtout, chez lui, les Israéliens ont dû subir quatre élections générales en deux ans, sans qu’une majorité viable ne sorte des urnes : ils sont lassés. Leur priorité reste ‘’la sécurité’’ (par quelles voies ?), mais le temps leur paraît venu de confier à une personnalité moins polémique et moins autocentrée le soin de diriger les affaires.


Ancien présentateur vedette de la télévision, le centriste Yaïr Lapid est le chef de file incontesté du camp anti-Netanyahu et, désormais, l’homme de la situation. Il a été désigné, le 5 mai, par le président Reuven Rivlin, pour former le prochain gouvernement de Jérusalem, un exercice d’acrobatie redoutable s’il en est. En fait, personne ne souhaite une cinquième convocation aux urnes. Chef de file du Yesh Atid, un parti laïc (honni des Juifs orthodoxes) et centriste proche des sensibilités idéologiques européennes (il est dans les meilleurs termes avec Emmanuel Macron), il va devoir composer avec une opposition hétéroclite comprenant les partis de gauche, les ultranationalistes, d’anciens membres du Likoud et les formations arabes. Il a 28 jours pour y parvenir. Le rejet de Netanyahu suffira-t-il à souder cette coalition disparate ? Dans l’affirmative, un nouveau chapitre s’ouvrirait dans l’histoire de l’Etat hébreu. Le système israélien de micro-partis pratiquant la surenchère et les retournements d’alliance est plutôt un handicap qu’une source de souplesse politique.


Le Changement de circonstances n’a pas échappé à l’attention des diplomaties européennes. Très probablement en coordination avec les Etats-Unis – qui ne peuvent pas se permettre d’apostropher Israël de front – la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni viennent de demander au gouvernement israélien de « mettre un terme à sa politique d’extension des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens occupés’’. Le gouvernement plus ou moins vacant de Jérusalem est plus précisément prié de cesser, dès à présent, la construction illégale de 540 nouvelles habitations dans la colonie de Har Homa, en Cisjordanie occupée. Au-delà du cas précité, la pression vise à réactiver, à plus long terme, le plan d’Oslo dont l’objectif est d’établir deux Etats côte à côte et mutuellement reconnus, l État palestinien, viable, ayant Jérusalem (Est) comme capitale. Même si elle est muette, la signature de l’administration Biden apparaît bien dans ce changement de politique, peut-être difficile à présenter au Congrès. Et la propension des européens à coopérer en mode atlantique se confirme, là encore. On croyait le règlement de la question palestinienne enterré une fois pour toutes, sous une couche épaisse d’indifférence. Tout pourrait bouger dans l’avenir.

* 23 mars – Bibi barbotte

 »Occupez-vous de la vie des Juifs, pour tout ce qui est extérieur, ne pensez pas, laissez-moi cogner nos ennemis ». Ce pourrait être la devise de Benjamin Netanyahu, alors que quelque 6,5 millions d’Israéliens sont appelés aux urnes pour des quatrièmes élections législatives en deux ans. Toutes les formules de coalition gouvernementale ont été essayées et usées prématurément par celui qui domine la vie politique et militaire de l’Etat hébreux depuis deux décennies. L’opposition est en miettes. Au pouvoir sans discontinuer depuis 2009, il fait face cette fois-ci à un nouvel adversaire peu dangereux, en la personne de Yaïr Lapid, un ancien ministre des Finances à la tête du parti centriste Yesh Atid. Il n’a qu’un rôle de ‘’faire-valoir’’. Le Likoud conservateur gagnera de toute façon en voix, mais sans obtenir une majorité à lui seul. On peut se demander quelle nouvelle formule baroque de gouvernement multipartite Bibi va sortir de son chapeau. Une hypothétique alliance alternative, sans lui, est assez improbable en tout cas. L’intense campagne de vaccination de la moitié de la population constitue son viatique électoral. elle lui sert de pare-feu, pour faire oublier sa piteuse situation judiciaire personnelle, celle du premier chef de gouvernement aux affaires dans l’histoire d’Israël à être inculpé (pour corruption et favoritisme), dans l’exercice de ses fonctions. En soi, une anomalie et un scandale.

Lassés par ces élections en rafale, les Israéliens veulent avant tout la stabilité politique et éviter un cinquième scrutin législatif, dans les mois qui viennent. On les comprend. Mais, hormis une minorité infime de ‘’partisans de la Paix’’, ils ont cessé de s’intéresser aux enjeux que le monde extérieur attache à la politique d’Israël, en particulier à la question de l’avenir des Palestiniens (qui n’en n’ont plus guère). Néanmoins, les manifestations se succèdent contre l’impétrant. Elles ont réuni 50.000 citoyens, hier. S’il gagne encore, à 71 ans et malgré son usure, Netanyahou composera sans eux sa coalition hétéroclite – avec l’extrême droite – sans avoir à se soucier de l’opinion publique : elle est ‘’débranchée’’.

C’est aussi un peu le cas d’Israël, par rapport à la nouvelle administration américaine. Certes, il n’est pas question d’abandonner un allié traditionnel, mais les dirigeants américains n’ont plus envie de se faire sans cesse manipuler comme l’administration Trump a bien voulu l’être. A l’époque du milliardaire narcissique, sa base évangélique et réactionnaire s’est peu à peu substituée, comme lobby d’Israël, à la communauté juive américaine, qui penche plutôt du côté démocrate. Il devient donc plus difficile pour Jerusalem de s’appuyer ouvertement sur les adversaires Républicains radicaux de Joe Biden. Tel est pris qui croyait prendre.