Un raid-surprise de combattants jihadistes a été lancé dans le nord du Mozambique, contre la ville de Palma (75.000 habitants), nœud logistique en zone d’extraction gazière, proche de la frontière tanzanienne. Le signal de l’attaque a été l’arrivée d’un bateau chargé d’épicerie, dont l’attaque a immédiatement suivi l’accostage dans ce petit port. Des scènes de pillage et de meurtre aveugles s’en sont suivies. Le groupe djihadiste Al-Sunnah Wa Jamo (ASWJ) ou « Al-Shebab » (les Jeunes), affilié à Daech et fort d’une centaine de combattants, hante la zone depuis 2017. Il revendique cette opération et affirme contrôler la ville. Celle-ci – ce n’est pas un hasard – n’est éloignée que d’une dizaine de kilomètres du mégaprojet gazier de 60 milliards de dollars piloté par Total. Censé devenir opérationnel en 2024, le projet mené en consortium avec l’italien ENI et l’américain Exxon Mobil est à l’arrêt depuis plusieurs mois. Le calendrier ne sera pas tenu et l’ambition de doper l’économie mozambicaine pour en faire une puissance gazière s’en trouve contrariée. L’assaut a visé aussi les casernes et les administrations du gouvernement mozambicain.
Maputo (à 2300 km au Sud de Palma) évoque un bilan de plusieurs dizaines de morts dont, au moins, un ressortissant sud- africain et un sujet britannique, des sous-traitants de Total. Il y aurait entre 6 000 et 10 000 personnes réfugiées ou cherchant un abri à l’intérieur du chantier de construction du complexe gazier. La firme française indique fournir une aide humanitaire et logistique à ces populations civiles. Après le transfert de 1.400 travailleurs et civils à Pemba, port situé à quelque 200 km au sud, pirogues et voiliers traditionnels chargés de réfugiés continuent à affluer. Les agences de l’ONU présentes sur place s’efforcent de coordonner l’organisation du retour vers des zones sécurisées de milliers de civils réfugiés dans les forêts ou sur les plages environnantes. Ces victimes s’ajoutent aux 670 000 personnes ayant dû fuir les attaques au cours des dernières années. Car ce drame a des racines plus anciennes : la province du Cabo Delgado, à majorité musulmane, est l’une des plus pauvres du Pays. Le chômage généralisé des jeunes y favorise le recrutement des djihadistes, de même que les enlèvements d’enfants-soldats dans les villages. Ce jihad ‘’à bas bruit’’ n’avait pas été décelé, le cône Sud de l’Afrique étant supposé plus ou moins immune de la gangrène terroriste. Le réveil est très dur : du Nord au Sud, les gouvernants et les programmes d’aide au développement se montrent dépassés face à l’évolution de populations laissées à elles-mêmes et à leur misère, offertes aux pires prédateurs. Le Continent noir est-il en voie de basculer – avec les conséquences qu’on imagine – de Tamanrasset au Cap de Bonne Espérance ?