* 18 janvier – Gueule du Loup

« J’ai pleinement le droit de rentrer chez moi ! ». Mais, ‘’chez lui’’, les autorités ont tenté au moins deux fois de l’assassiner, allant jusqu’à l’asperger d’un violent poison neurologique sorti de leur arsenal militaire. A peine rétabli de cette monstrueuse attaque, l’opposant russe Alexeï Navalny quitte son le sanctuaire berlinois où a été soigné son empoisonnement au Novitchok, pour se jeter délibérément dans la gueule du loup. Insondable sens du martyr, qui reste un mystère pour les Occidentaux ou volonté de passer dans l’Histoire en émouvant l’âme russe tourmentée ? Résultat (annoncé par avance) : il est interpellé à l’aéroport Cheremetievo de Moscou, dès l’arrivée de son vol. De même, soixante-cinq de ses alliés, dont sa directrice de campagne, à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Ceci confirme bien l’objectif de V. Poutine, qui est d’éradiquer son opposition politique. Dès l’annonce de son retour au pays, le dissident, champion de l’anti-corruption, s’était attiré les mises en garde des autorités. Il serait aussitôt arrêté, prétendument pour avoir violé les conditions d’une peine de prison avec sursis prononcée en 2014 (face à l’entreprise Yves Rocher).

En Russie, il est de bon ton d’aller pointer poliment au commissariat chargé de vous liquider physiquement. En tout cas, on est fortement sanctionné de ne pas pouvoir le faire. Et, ce, en particulier, quand la police insiste pour vous expédier ad patres. Toute une logique … Moscou refuse – cela fait sens – d’ouvrir une enquête sur sa tentative d’assassinat d’Etat, arguant d’un refus de l’Allemagne de lui communiquer les données en sa possession. Mais, depuis que Berlin lui a transmis des éléments d’enquête judiciaire – notamment des échantillons de sang et de tissus – Moscou est singulièrement aphone.


Selon un communiqué des services pénitentiaires, Alexeï Navalny « restera en détention jusqu’à la décision du tribunal » sur son cas. On imagine déjà le style du tribunal. Même si 20 % seulement des Russes – essentiellement des jeunes citadins – connaissent et approuvent les actions de Navalny, son succès auprès des générations montantes, capables de ‘’repolitiser’’ l’électorat russe apathique, est perçu comme un défi intérieur insupportable, par la dictature vieillissante de Poutine. La France, les États-Unis ainsi que l’Union européenne appellent Moscou à une « libération immédiate ». Sans illusion aucune. Les dossiers de contentieux sont si nombreux avec la Russie et la crainte d’une confrontation de grande ampleur avec elle, si omniprésente que nos dirigeants vont surtout devoir trouver des mots nobles pour magnifier ce sacrifice un peu fou. Soutenons plutôt, et discrètement, la société civile biélorusse, en attendant que sa voisine russe se réveille, d’elle-même.