Le cauchemar israélo-palestinien rattrape Joe Biden, qui espérait bien échapper le plus longtemps possible à ce conflit sans issue. Détourné, malgré lui, de ses priorités asiatiques et des grands défis globaux (climat, crise du Covid, relance de l’économie, etc.), le voilà confronté, comme ses prédécesseurs, à la violence enracinée dans le Proche-Orient incandescent… et exposé à la pression de l’aile gauche de son parti : le dilemme se situe entre le droit d’Israël à se défendre et la prise en compte des droits des Palestiniens.
L’aile progressiste des Démocrates l’appelle à revoir la politique traditionnelle des Etats Unis d’appui inconditionnel à la sécurité de l’État hébreu. Bernie Sanders, l’incarnation de la gauche qui se réveille au sein de la jeunesse, comme la très populaire Alexandria Ocasio-Cortez, élue de New-York, l’appellent à pousser plus à gauche le curseur d’un grand nombre politiques intérieures. La question est également posée pour la diplomatie, désormais.
Mais la crise israélo-palestinienne n’était pas censée ressurgir aussi vite, avant le délai nécessaire à une revue générale des politiques extérieures, nécessitant d’intenses et longues tractations internes. Les incidents de Jérusalem et leur généralisation aux territoires mixtes ou occupés – et même au-delà – créent soudainement la nécessité d’une posture face à la violence extrême que rien n’a pu éteindre, depuis le 10 mai. Cette violence s’est muée en guerre entre Tsahal et le Hamas. Le monde arabo-musulman risque la contamination et le reste du monde désigne le président américain comme le seul qui puisse y mettre fin, du moins du côté israélien. Selon Mme Ocasio-Cortez, l’absence d’admission des faits à l’origine du cycle de violence – à savoir ‘’les expulsions de Palestiniens et les attaques contre la mosquée Al-Aqsa -escamote les motifs de révolte des Palestiniens et laissent prévoir que les États-Unis vont fermer les yeux sur la catastrophe humanitaire en cours. ‘’Pourquoi cette question n’est-elle presque jamais posée ? »Quels sont les droits du peuple palestinien ?’’ questionne, de son côté Bernie Sanders.
Nombre de personnalités démocrates issues de la majorité modérée pressent aussi la Présidence de prendre ses responsabilités, démarquées de l’engagement inconditionnel pro-israélien de l’ère Trump, en mettant en avant son souci déclaré des droits humains et une volonté d’équité entre les protagonistes. Un émissaire américain a été dépêche sur zone. Biden a contacté le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, mais pas le Hamas, taxé de terrorisme. A ce jour, il s’est contenté d’appeler à la retenue militaire tout en soulignant surtout le droit d’Israël à se défendre. La frustration du camp du changement est à son comble et le reproche monte qu’il fait fi des droits des Palestiniens et de la situation humanitaire à Gaza. Signe de leurs hésitations à franchir le pas, les États-Unis assistent aux réunions du Conseil de sécurité pour y refuser toute résolution qui pourrait imposer (en théorie) une cessation des hostilités. Un répit sanglant est donné à Nétanyahou, pourtant privé de toute légitimité politique dans son pays, pour ‘’finir le travail’’. Dans cette mer de critiques, l’administration Biden cherche surtout à maintenir l’équilibre entre l’aile gauche et l’aile traditionnelle des Démocrates, tout en se préservant d’ouvrir un nouveau front avec les Républicains, par principe alignés sur les positions israéliennes. On ne gouverne pas les Etats Unis comme on piloterait un hors-bord : c’est un très lourd vaisseau et tout changement de cap est laborieux. Rarement à 180 ° d’ailleurs sur ce genre de question ‘’quasi-interne’’ mobilisant le Congrès, mais pas impossible. Souhaitons que le timonier soit vaillant et musclé, à la barre !