* 14 décembre – Ingérence vs intégrité

Le scandale éclate en pleine Coupe du monde de football. Des sacs de billets de banque ont été découverts au domicile de l’Eurodéputée socialiste grecque et vice-présidente, Eva Kaili, et de trois complices exerçant également des fonctions au sein du Parlement européen. Celle-ci a été incarcérée. Les soupçons pointent vers le Qatar qui serait à l’origine de cette corruption. La députée insoumise, Manon Aubry, a détaillé sur twitter la façon dont elle avait vécu en direct « l’ingérence du Qatar », lorsque Eva Kaili déployait son énergie à bloquer les résolutions condamnant la politique de l’émirat envers les travailleurs émigrés. Lors du vote, l’eurodéputée grecque avait reçu le soutien de la droite et de l’extrême droite -mais pas des socialistes français -, signe que les réseaux de corruption transcendent les appartenances politiques.

Pour le Parlement européen, le défi est violent. On le savait depuis longtemps perméable aux lobbies financiers et économiques, ce qui est en soi déjà grave. Le voilà désormais soumis à des incursions étrangères. Celle du Qatar et ses dollars, donc, mais aussi celle de la Russie, souvent également par le biais financier, comme cela est le cas avec le RN français. Des réseaux mafieux de quelques correspondants y sont à l’œuvre, entravant parfois l’expression majoritaire des députés. Ils entachent la crédibilité du Parlement. L’invasion de l’Ukraine a levé toute inhibition à manœuvrer l’équilibre géopolitique du monde. Des pays non démocratiques – Russie, Chine ou Iran, dont le Qatar est proche – démontrent chaque jour à quel point ils considèrent les démocraties occidentales comme un ennemi ou comme une chose malléable à merci, au gré de leurs intérêts les plus chauvins. Leurs ingérences sont inadmissibles. Comme l’a dit la présidente Roberta Metsola : il s’agit d’attaques contre le pouvoir législatif : il faut impérativement organiser sa défense.

Une règle ‘’sacro-sainte’’ voudrait que ‘’le sport ne doive pas être pollué par la politique’’ (apparemment, la réciproque n’intéresse pas). Ceci vaut pour les inimitiés et les rancœurs partagées entre les équipes nationales participantes, mais sûrement pas concernant l’intégrité des institutions et les instruments de souveraineté des peuples. Tout le gaz du Qatar ne fera pas oublier les mœurs corruptrices et la malfaisance comportementale de ce petit émirat arriviste. Il faudra que justice passe. Au minimum, pourrait on séparer le contentieux politique et moral qui nous oppose à lui d’avec le partenariat énergétique qui nous lie à lui. Ce dernier va contre le sens de l’histoire et contre nos intérêts à long terme. Il arrive néanmoins que le commerce ne fasse pas de ‘’politique’’. La raréfaction du gaz, la guerre hivernale en Ukraine imposent une dose de réalisme teinté de résignation.

De là à aller parader à Doha en assumant donc de côtoyer l’Emir… Pour une demi-finale, voire une finale électrisant la fierté nationale, ce serait pécher par inconséquence populiste et complaisante complicité. Que ceux qui incarnent la souveraineté nationale n’aillent pas s’exhiber à la fête, la tête vide ! ‘’Soutenir les Bleus’’ n’implique pas une proximité physique avec le corrupteur. C’est d’abord une question de morale élémentaire, bien plus qu’un principe d’écologie ou un souci (légitime) de droits humains. Et l’Europe ne mérite pas un second affront.

* 2 novembre – Lutter pour le climat

Brèves des jours précédents

Pierre Larrouturou, rapporteur général du budget de l’Union au Parlement européen a entamé une grève de la faim depuis une bonne semaine. Le député européen affilié au groupe des Socialistes et Démocrates veut, par ce geste, attirer l’attention des institutions européennes sur les opportunités manquées affectant le projet de budget qui sera voté dans les prochaines semaines et qui définira la perspective financière européenne pour la période 2021-2027. 
Il réclame une rallonge substantielle (50 milliards €/ an) de la part consacrée à la lutte contre le dérèglement du climat. L’effort de court terme accompli sur le plan de relance a, en effet, conduit à réduire les ressources de ce chapitre sur le plus long terme, dans le cadre du budget septennal. Le rapporteur demande qu’y soit associé un plan d’adaptation sociale ambitieux. Pour se faire, plutôt que de ‘’tirer’’ à l’infini sur les ressources des marchés financiers, il revendique l’instauration, à partir de 2024, de la taxe sur les transactions financières (TTF), souhaitée au-delà même de la gauche, depuis des décennies (la fameuse taxe ‘’Tobin’’, des années 1970-80). La majorité des eurodéputés se sont ralliés à cet outil financier. Il devrait rapporter quelque 50 milliards d’euros chaque année.

Pour Larrouturou, » ce n’est qu’une fois tous les sept ans qu’on va déterminer s’il y a de l’argent pour le climat, pour la santé, pour la recherche, ou encore pour les réfugiés, le budget européen n‘étant plus discuté par la suite ». D’où l’urgence à agir et le choix d’une certaine dramatisation des enjeux. ‘’Si, pendant sept ans, il n’y a pas d’argent pour isoler les maisons ou développer les transports en commun, c’est foutu’’. ‘’Pour simplement acheter de quoi manger, il faut acquitter 5,5% de TVA, mais si on va acheter des actions et des obligations sur les marchés financiers, la taxe, alors, c’est 0%.’’. En supposant qu’on paie 0,1%, et 0,01% de taxe sur les obligations ou le trading à haute fréquence, ça ferait rentrer 50 milliards de recettes en plus, chaque année, sans demander un centime au citoyen’’. Mais, note-t-il,  »avec le projet proposé par la France, ce sont 99% des transactions qui ne seraient pas taxées ! ». Autant dire que l’adoption d’une ressource et donc d’un plan d’action efficaces est bloquée par Paris. Le rapporteur propose une coopération renforcée entre pays-membres adoptant la taxe sur les transactions financières. Ceux qui taxeraient la spéculation apporteraient cette ressource à l’UE qui, en échange, les dispenserait de rembourser le plan d’urgence de 390 milliards € voté en juillet. D’autres gisements fiscaux sont aussi à exploitables parallèlement, telle, la taxe sur les plastiques non-recyclés (7 mds de rendement par an).
Au lendemain de la Convention citoyenne sur le climat, ce débat essentiel pour notre avenir est pourtant très peu couvert par les médias et par la classe politique. Dommage !