* 11 octobre – La girouette géostratégique

Où souffle donc le vent de l’Histoire? Le modèle autoritaire ouvre-t-il la voie de l’avenir? Deux puissances permanentes du Conseil de Sécurité en sont intimement persuadées :  le déclin et la décadence supposés des sociétés démocratiques occidentales leur ouvrirait la maîtrise du système mondial. Bigre! Après l’attaque du Capitole de Washington et la déconfiture occidentale en Afghanistan, l’an dernier, l’amorphie des anciens dominateurs arrogants et donneurs de leçons ne faisait plus l’ombre d’un doute à Moscou ni à Pékin. L’absence de réaction sérieuse à l’annexion de la Crimée et le désamour montant des peuples du ‘’Sud’’ achèveraient de mettre le ‘’Nord’’ hors-jeu.

Pas si vite, SVP : la virginité coloniale ou impériale de ces deux gros-joueurs s’effrite à vitesse grand V, même si quelques populations africaines se plaisent à brandir leurs drapeaux dans des défoulements de rue. On perçoit depuis le 24 février, que le vent ne souffle pas sur commande des dictateurs. La Russie s’effrite de l’intérieur sous les effets des sanctions occidentales et des déboires de sa troupe occupante en Ukraine. Ses conscrits abandonnent le bateau ivre de la mobilisation militaire. Les chefs militaires se retrouvent sur le sellette et Poutine est perçu, au minimum, comme ‘’mal informé’’. La Corée du Nord et l’Iran sont devenus ses seuls fournisseurs d’armement. L’atmosphère politique se fait plus oppressive et délétère. Serait-il protégé par son privilège de veto, l’isolement du Pays au Conseil de Sécurité des Nations Unies dément l’idée d’une puissance qui a le ‘’vent en poupe’’.

Dans un premier temps, sous une neutralité prudente, Pékin ne cachait guère sa faveur pour Moscou. Poutine, espérait-on à la tête du Parti communiste chinois, allait prouver la supériorité des autocraties militarisées, ridiculiser l.Occident, gagner en prestige auprès du monde émergent. La Chine pourrait surfer sur ce ‘’vent d’Est’’ puissant, porteur pour ses ambitions. Le cas échéant, la reconquête de Taïwan pourrait survenir en apothéose.

Sept mois plus tard, XI Jinping reste muet, mais la diplomatie chinoise marque ses distances. La Russie ne lui paraît plus capable de faire triompher le modèle, en particulier sur le plan militaire. Le régime moscovite auquel il se proclamait lié par une ‘’amitié éternelle’’ commence à branler du manche. Il pourrait même devenir un risque pour le modèle commun. Lors du sommet à Samarcande de l’Organisation de Coopération de Shanghai – premières retrouvailles depuis le lancement du conflit – la partie chinoise a appelé à un ‘’respect scrupuleux du droit international en Ukraine’’. Un coup de griffe, presqu’un désaveu… Si le dispositif russe devait s’écrouler, Pékin ne veut pas se retrouver dans le camp des perdants.

L’Inde, de son côté, se garderait bien d’aller à sa rescousse porter secours et saisirait plutôt de telles déconvenues comme une occasion de renforcer son influence en Asie. La guerre en Europe va encore beaucoup de temps et de victimes avant de se solder sur un bilan tranché. Pourtant, il apparaît que les démocraties savent s’engager pour faire obstacle à la vague expansionniste brune. Le vent de l’Histoire ignore l’idéologie. Il ne suit qu’une seule direction : celle qu’indique la girouette folle de la géopolitique.

* 22 septembre – Lueur d’espoir

Il craque, il s’effrite… Nul ne peut dire quand s’effondrera l’édifice de la dictature poutinienne et ce qui la remplacera. Ce pourrait être pareil ou pire mais, en tout cas, sans le soutien du peuple russe. Celui-ci commence à se révolter contre une guerre qui tue ses enfants en n’apportant que des fléaux sur le pays. Il ne s’agit pas de comprendre l’Ukraine, mais de rejeter une machine de mort et de mensonges. Surtout, lorsque les défaites et les privations s’accumulent sur son morne horizon.

Les  »Russes qui savent » sont de plus en plus nombreux. Ils manifestent dans une trentaine de villes contre la mobilisation pour le casse-pipe de 300.000 des leurs, censés colmater les brèches sur les fronts du Donbass et du Sud de l’Ukraine. Il faut un courage ou une indignation immense pour manifester sur la voie publique, sous la dictature de Poutine. En une seule journée, 1300 d’entre eux ont été arrêtés. D’autres, plus nombreux, prennent la tangente : tout plutôt que l’enfer actuel des villes russes. Il se précipitent par paquets compacts vers la Serbie – politiquement assez proche de leur pays d’origine – ou vers la Turquie. Le vote des citoyens avec leurs pieds ne trompe pas : un mur va tomber.

C’est dire que la nouvelle rhétorique du Kremlin ne prend pas :  »l’opération militaire spéciale » s’est mue en  »guerre défensive contre l’agression de l’Occident ». Après les Ukrainiens, les Européens deviennent, à leur tour, les nazis utiles pour justifier conquêtes militaires et annexions. Il s’agit de défendre des pans de la Sainte Russie, pris de force et qui ne lui appartiennent pas. Dans ce but, le recours accéléré à des referendums pipés sous le fracas des canons répète de pathétiques précédents. C’est la dialectique du Troisième Reich autour de son  »Lebensraum » qu’emprunte une propagande moscovite en plein délire. Voilà bien le signe d’une dictature aux abois. C’est aux Russes maintenant d’élargir la brèche.

Le tsar furieux ne va pas à New-York mais, depuis son bunker, il assène ses leçons aux Nations Unies. Comme dans les mauvais films de fiction, il s’invente des persécutions et des agressions et menace de recourir en retour à ses armes de destruction massive,  »supérieures en qualité à celles de l’OTAN ». L’Europe est censée frémir de terreur dans l’attente de frappes nucléaires.  »Ce n’est pas du bluff ! ». Elle ne frémit toujours pas car cette petite phrase est précisément la marque d’un bluff difficile à faire avaler.

* 5 juin – Avec le temps, vas, tout s’en va

Sievierodonetsk est tombé, dévasté par l’artillerie, puis Lyssytchansk. L’oblast de Lougansk est désormais totalement sous le contrôle de l’envahisseur et va être russifié ; la population, chassée, triée, remplacée. Les experts militaires ne donnent plus cher de l’oblast voisin de Donetsk et présagent qu’avant l’automne, l’ensemble du Donbass sera pris par la force. C’est un tournant défavorable dans une guerre qui va connaître d’autres épisodes très durs. Le pouvoir destructeur des canons russes ne semble jamais épuisé. Celui de résistance de l’armée ukrainienne est très entamé. L’aide occidentale pourra-t-elle suivre la montée des enjeux ? On oscille entre attente, crainte et espoir.

– Ecartons d’abord l’hypothèse comme quoi l’offensive poutinienne s’arrêtera là, miraculeusement, sans que l’usure de la logistique l’y oblige. Ce serait par simple contentement d’avoir atteint un objectif militaire, même s’il n’est que partiel au regard du plan annoncé. ‘’L’affaire du Donbass réglée (comme l’a dit le dictateur tchétchène), intéressons-nous à la Pologne et aux autres’’. Le pourtour sud de la Mer noire, une fois franchi le port d’Odessa, constitue un axe d’invasion. Sur la frange-est de la Moldavie, des ‘’sabotages’’ et autres menées agitatrices sont déjà montrées du doigt par Moscou, qui y prépare le terrain. Et la région concernée, la Transnistrie, est de peuplement ethnique russe. Au-delà, c’est la Bulgarie, déjà privée de son approvisionnement en gaz, puis la  Turquie et la Grèce ouvrant sur la Méditerranée. Si donc, les forces du Kremlin poursuivent plein sud, il faudra qu’Odessa tienne bon, à tout prix. L’OTAN n’aura d’autre choix que de s’investisse en Mer noire. Sans doute pas dans les eaux russes, mais dans celles de l’Ukraine : une bataille navale en ‘’mode Wagner’’, sans exhiber les insignes. Ce n’est pas léger à dire.

– Un scénario du même type demeure aussi possible au nord, autour de la Baltique, avec une revanche à saisir sur les républiques baltes – ces transfuges de l’URSS, qui accueillent de fortes minorités russophones – et sur le bloc nordique : en l’occurrence, la Finlande, frontalière sur 1300 km avec la Russie, et la Suède, de tous temps rivale de l’expansionnisme des tsars. Elles sont toutes deux coupables de rallier l’OTAN. L’enclave russe de Kaliningrad n’a jamais autant fait figure de potentiel tremplin d’agression contre la Lituanie honnie (sanctuaire de dissidents) et la Pologne (centre de gravité de la contre-poussée face à l’invasion).  Désormais, la Baltique ne roulera plus des eaux calmes. Au-delà, aux portes de l’Arctique, la Norvège est prise à partie pour appliquer les sanctions européennes à la colonie russe du Svalbard, étrangère au lieu.

– Poutine ne tient pas à envahir l’Europe occidentale : il lui suffirait largement de la casser. Infliger une défaite – par impuissance – à l’Alliance atlantique et l’obliger à se rétracter géographiquement ; remettre, ce faisant, la main sur les franges russophones ou autrefois annexées de l’Empire ; briser l’image d’un Occident fort de ses principes et de son influence sur les affaires mondiales ; désoccidentaliser au passage les institutions multilatérales, avec l’aide des pays non-alignés et bien sûr de la Chine, sa paranoïa suit une logique implacable. Jusqu’où fera-t-il de son rêve un grand plan d’action épique pour imposer sa marque dans l’Histoire ? Etape après étape, le tableau d’ensemble apparaîtra et, dans ce tableau, notre vulnérabilité à la sidération et à l’accumulation des stresses constitue son arme secrète, quasi-imparable.

Dans son ouvrage, ‘’l’obsolescence de l’Homme’’, le philosophe austro-allemand, Günther Anders, désignait comme ‘’supraliminaires’’ les évènements trop immenses et effrayants pour que l’Homme prométhéen puisse les capter dans son esprit et, surtout, pour qu’il puisse mesurer les incidences apocalyptiques de leur répétition. Nous avons tous des connaissances qui se plaignent d’être saturées par l’actualité déprimante et en viennent à bouder entièrement les médias, en fait à demeurer l’esprit vide. L’Homme du Kremlin pense que son espace vital va s’accroître au rythme de notre résignation (et de nos divisions ou confusions), simplement avec le temps.

La fin du mois passe avant la fin du monde : c’est comme pour le climat : n’y pensons plus. En attendant, les vacances arrivent, enfin l’insouciance !

* 9 mai – Un monde d’antagonismes

Etrange journée symptomatique des divisions – que dis-je, des grands écarts – du monde actuel. Le 9 mai marque à la fois la  »Saint Schuman », fête de l’Europe, et la célébration de la fin de la seconde guerre mondiale, du côté ex-soviétique. Deux modèles s’affichent dans le plus total antagonisme.

A Strasbourg, le président français réélu va tenter de marquer les esprits avant la fin de son mandat de six mois ( »présidence de l’U.E »). Il clôt solennellement la Convention sur l’avenir de l’Europe. On veut croire qu’elle en a un. Déjà, le Brexit ne fait plus recette : l’économie est à l’arrêt et Boris Johnson vient de prendre une dérouillée électorale. Même l’Ulster  »unioniste » passe doucement à une autre union, avec sa sœur républicaine. L’Union des 27 a soutenu ce choc là et les suivants : Covid, crise économique (encore à se développer) et maintenant l’invasion de l’Ukraine, où, à l’exception de la Hongrie, elle s’engage dans une guerre par proxy pour le droit et la démocratie. Cela doit surprendre et même énerver un peu à Moscou, où les présidentielles françaises ouvraient d’autres calculs. Mais, puisqu’il s’agit de l’Union Européenne, gardons à l’esprit la fragilité de son ciment. Entre le 27, tout d’abord, où une victoire électorale  »populiste » peut lézarder l’édifice, entre les institutions européennes et les populations ensuite.

Le statu quo n’est plus tenable dans la durée, bonne raison pour invoquer l’esprit imaginatif et pondéré de Schuman (et de Jean Monnet, en coulisse). Même si la géopolitique impose une forme  »défensive » d’élargissement à l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie – sans intégration immédiate sur les autres plans – ce réflexe de sauvegarde des démocraties va contribuer à alourdir le vaisseau européen plutôt qu’à gonfler sa voilure. Cela ne facilitera pas le passage à un Parlement élu avec une proportion de transnationalité appelée à grandir. Il faut bien pourtant que les citoyens du continent prennent conscience d’être collectivement – et non pas par quotas -, les maîtres du Législatif. De même, s’agissant de la Commission, dont la présidente actuelle est en tous points à la hauteur mais pas élue. Puisqu’à l’échelon continental, on n’est pas prêt à choisir le  »président élu de l’Europe », veillons au minimum à ce que le Parlement élise le chef/ la cheffe de l’autre pilier institutionnel qu’est la Commission. Quant aux politiques, maintenant que l’Union s’est pas mal extraite de l »’obsession de Maastricht », il est grand temps de s’atteler à l’Europe sociale (le Royaume Uni ne peut plus la bloquer), à celle de la défense (pas seulement au niveau des matériels mais des budgets, des états-majors et des hommes), aux questions de l’énergie et de la santé aussi, qu’Ursula von der Leyen a pris à bras-le-corps, à l’investissement dans la recherche, le climat et l’autonomie industrielle. Tout cela est inscrit dans la feuille de route, mais les européens ne se sont pas approprié celle-ci, qui n’est pas à l’abri de possibles déraillements ou de spasmes politiques. Et la guerre comme la stagflation menacent.

Certes, le 9 mai vit l’Union soviétique triompher du nazisme dans sa  »grande guerre patriotique ». Respect pour l’histoire, mais n’allons pas croire que sans le fardeau porté par les alliés, ce triomphe  »en solo » en aurait été un. L’Union soviétique a eu ses héros, tout comme les autres belligérants. Sa masse et la manière de ses états-majors de traiter leurs troupes comme chair à canon en ont fauché bien plus que dans les autres camps (en 1942, pour un Messerschmidt 109 abattu, la VF russe, de taille supérieure, perdait 20 chasseurs). Mais la chose qui rend inintéressant le grand défilé de la victoire, à Moscou est son révisionnisme éhonté. Le tableau historique est entièrement réécrit en fonction des méfaits présents et des outrances de la propagande poutinienne : les Ukrainien incarnent le Reich, les Occidentaux, de fourbes alliés des Hitlériens, le bunker volant du maître du Kremlin et tous ses  »hyper-missiles », de sortie pour l’occasion déversent sur nous des menaces d’Apocalypse (d’ailleurs mal comprise, par rapport à la version de l’apôtre Jean).

Une conclusion s’impose : suivre l’actualité de Strasbourg ; exprimer quelques sarcasmes pour le médiocre cirque de Moscou et revenir à ce qui compte.

* 5 avril – Dissuasion

Notre pensée n’est pas vraiment faite pour le temps de guerre. D’abord, nous ne sommes pas trop sûrs d’être en guerre. L’Ukraine l’est. La Russie viole l’une après l’autre tous les garde-fous (bien nommés) du droit de la guerre, devenu droit international humanitaire. L’Europe n’est qu’en posture de moraliser, d’aider en sous-main, de sanctionner … mais elle ne croit guère être face à un défi vital. Surtout, la France se repose douillettement sur sa théorie-miracle de la dissuasion : les protagonistes sont tous rationnels. Aucun n’aura donc la folie de s’exposer et d’exposer sa population à l’anéantissement juste pour empocher une mise. Pour afficher sa rationalité et stabiliser le jeu, on ne protègera pas sa population contre un feu nucléaire ennemi et l’on maintiendra le dialogue = rationnellement = avec celui d’en face. Ce faisant, on manifeste n’avoir aucune intention d’asséner une première frappe et on ne garde sous la main qu’une force de représailles limitée, au moment de répliquer par un suicide national. Ce qui, avouons-le, n’est pas totalement rationnel. Descartes a ses limites mais c’est bien ce raisonnement subtil qui a fait dire au patron du renseignement militaire français que l’armée de Poutine n’attaquerait pas l’Ukraine en bloc, sur tous les fronts. Trop lourd de conséquences insupportables pour la Russie, le jeu n’en vaudrait pas la chandelle. Moscou l’a pourtant fait et de la pire manière. Voilà le général Videau promptement remercié pour la faillite de son analyse, très  »classique ». Et si, plus largement, la conception classique-même de la dissuasion du faible au fort – à la française – n’avait plus prise sur le réel ?

C’est l’idée très dérangeante que développe un stratège français dans l’Obs d’hier. Les indices de caducité de la doctrine  »gaullienne » du général Gallois se multiplient :

  • Poutine est totalement étranger à un raisonnement stratégique en termes de dissuasion. La doctrine soviétique puis russe fait de l’arme nucléaire une arme d’utilisation. On menace de l’utiliser (maximiser le rôle émolliant de la peur); on l’utilise effectivement, au sein d’un cocktail d’armes de destruction massive et de façon graduée pour créer l’hésitation chez l’adversaire (est-ce ma ligne rouge ou sera-ce plutôt le coup d’après ?), on en joue pour étendre sa domination militaire, annexer des populations et leurs territoires. Ceci, sans établir aucun lien avec la protection de son propre sanctuaire national. Cette indifférence est possible en dictature. Le précédent  »Poutine » crée un jeu à trois ou à quatre (agresseur, agressé, défenseurs), qui sort les acteurs de la logique binaire de la dissuasion, celle du  »tout ou rien ». Mourir pour Kiev ? La question se pose à l’Ouest. Elle n’existe pas à l’Est.
  • De 1987 à 2018, les missiles stratégiques dits  »de portée intermédiaire » (INF : de 500 à 5.500 km) ont été limités en nombre et même démantelés. C’était après la  »crise des missiles » du début des années 1980 qui avaient vu les Pershing américains maintenir l’équilibre face aux SS 20 soviétiques pointés sur les capitales et cibles stratégiques européennes. Ce bénéfice a été perdu, par décision de V. Poutine et D. Trump de dénoncer le Traité INF et de reprendre leurs billes. L’Europe est donc à nouveau placée sous l’épée de Damoclès nucléaire de la Russie. Quid de l’équilibre des forces si les Républicains réintégraient Washington ? Les dissuasions françaises et britanniques affichent les mêmes faiblesses de moyens et de doctrine. Dans le pire des cas, cette impréparation pousserait à ne pas aller jusqu’au bout du froid et rationnel raisonnement du  »tout ou rien » et donc, à fléchir.
  • L’Ennemi,  »toujours rationnel ». La France le serait elle, en effet, si, dévastée par une première frappe qui aura fait disparaître ses villes et ses infrastructures, elle décidait de se venger par quelques coups au but, en retour. Elle se placerait alors en attente d’une seconde frappe qui l’achèverait et fermerait les lumières. Quel homme politique ferait le choix du suicide, en démocratie ? Dans le cas de Vladimir Poutine, ses motivations et son état d’esprit n’auraient-ils pas changé entre la phase 1 de son offensive  »à la mode de Crimée », supposée investir l’Etat et le territoire ukrainien par surprise et sans coup férir (en tous cas, sans trop de casse) et la phase 2 , caractérisée par un délire de destruction sadique ? En fait, le dictateur russe est passé de l’hubris conquérant à la frustration destructrice.  »Vous m’empêcher de prendre MON Ukraine, alors je VOUS la détruit ». Pas très rationnel, certes, mais de Néron à Hitler, ça s’est vu ! La théorisation de la dissuasion a simplement  »oublié » la puissance perturbatrice de la colère. Ou encore, que la guerre, surtout lorsque elle est nucléaire, n’est pas un jeu  »cool » et bien structuré. Le hasard et les retours de sort, les échecs, autres contretemps et frustrations en tissent la trame et la réalité de terrain. Cela déraille toujours par rapport aux plans génériques. De plus, les populations savent que, dans une guerre moderne, elles sont la cible principale. Quels motifs auraient-elles à se conformer aux stratégies d’états majors ?
  • Elle parait d’autant plus légère, cette  »dissuasion à la française » qu’avec une centaine d’ogives opérationnelles, elle ne conduit qu’à une option unique : convaincre l’extérieur de sa force pour éviter l’annihilation du Pays. Les Etats-Unis et la Russie en possèdent près de cent fois plus et leurs arsenaux ont culminé avec, respectivement, quelque 30.000 et 40.000 engins de mort. A ce niveau, l’idée même de dissuasion est oubliée au profit du principe douteux de  »frappe préventive » (ou  »représailles anticipées »). La technologie spatiale, le renseignement, etc. permettent de déclencher une frappe contrer l’adversaire, juste quelques secondes en amont de ce qu’on interprète comme son intention de vous attaquer. Evidemment, la technologie trahit souvent ses maîtres et l’on compte dans l’histoire de la Guerre froide, des dizaines d’erreurs ayant conduit le monde à quelques microns du gouffre fatal. A ce jeu là, Paris n’est pas un acteur. Mais face à Poutine le Vengeur, la question reste posée.

* 04 avril – Fidesz pour toujours à Poutine

Avec 53 % des suffrages emportés par sa formation souverainiste, Fidesz, contre 35 % pour l’opposition, Viktor Orbá, premier ministre hongrois, proclame la victoire de son parti aux législatives organisées hier. Cela, dans des conditions de scrutin peu équitables. C’est la perspective d’un quatrième mandat Orban d’affilée, chacun étant marqué par un regain de chauvinisme et d’autoritarisme ‘’à la russe’’. Fidesz devrait conserver sa majorité des deux tiers au Parlement. Candidat de l’opposition unie, Marki-Zay dénonce une campagne de haine et de mensonges. Dans la foulée le président  ethno-nationaliste de la Serbie revendique sa réélection par 60 % des voix. Une victoire tout à fait comparable.

Les électeurs hongrois et serbes savent tout des crimes contre l’humanité commis, à Boucha et ailleurs en Ukraine, par la soldatesque russe ensauvagée. Ils se gardent pourtant de les seulement reconnaître. L’Europe des alliés de Vladimir Poutine l’emporte confortablement dans leur vision de l‘avenir. Ces massacres sont réminiscents de Srebrenica (Bosnie, juillet 1995), mais en pire, tant les exactions des troupes et des éléments Wagner dépassent en horreur les récits de l’ère Milosevic. Hélas, la conscience paraît éteinte chez certains voisins Européens, pourtant libres. « Nous avons remporté une victoire exceptionnelle – une victoire si grande qu’on peut sans doute la voir depuis la lune, et en tout cas certainement depuis Bruxelles’’ – s’est vanté sarcastiquement Viktor Orbán, sous les hourras des détracteurs de l’UE.

Comment ne pas avoir honte, dans ces conditions, de nos censeurs magyars et des candidats serbes à l’UE ? Le plus triste chez les « Poutine’’ hongrois, serbe ou africains tient à leur acharnement dogmatique contre les minorités LGBT, prétexte trop commode pour figer l’ensemble de la société dans l’obsession et la haine et l’aveugler à la perte de ses propres libertés. Une forme de manipulation, bien rôdée par l’Homme du Kremlin, à qui on l’emprunte ici et là. La surenchère de certaines églises (chrétiennes ?) dans ce registre malsain posera un jour la question de leur culpabilité dans la déshumanisation de tous ces souverainismes agressifs. Orban, toujours lui, a même su tirer parti de ses connivences avec Poutine : grâce à ses bonnes connections, il s’est projeté aux yeux de ses compatriotes en ‘’protecteur », champion de la stabilité et du pouvoir d’achat. Les précieuses livraisons de gaz et de pétrole russe leur seraient préservées (sans partage au sein de l’UE), grâce au refus de Budapest de livrer des armes à l’Ukraine et de voter des sanctions contre l’envahisseur. Une Hongrie à nouveau soumise à ses maîtres orientaux…

Pour noircir encore le tableau, le jour-même où l’impensable était commis à Boucha, la même scène de massacre était révélée au centre-Mali, à Moura. Le soupçon porte cette fois sur les troupes de Bamako … et, encore, sur les mercenaires de Wagner. Le Poutinisme s’exporte à travers le monde, grâce à l’internationale des fidèles ‘’collabos’’ de Vladimir P.

* 29 mars – Etats d’âme et fatigue de guerre

Est-ce l’effet d’une vie sur les nerfs, sans sommeil et sans répit ou de celle de son armée, la volonté de limiter un désastre humanitaire ou encore la réalisation des limites à l’engagement de l’Occident de le soutenir ? En tous cas, le président ukrainien donne par moment l’impression d’offrir des gages à l’Ennemi pour faire taire les armes. A l’occasion d’un nouveau round de négociations à Istanbul ce lundi 28 mars, Volodymyr Zelensky s’est ainsi déclaré prêt à faire ‘’quelques concessions’’ sur les exigences du Kremlin, en échange d’un cessez-le-feu. Bien sûr, la guerre psychologique étant ce qu’elle est, il opte – non sans raison – pour le rôle du gentil, un peu abandonné. Mais sa constance dans ce registre convainc.

– Le contexte est suffisamment compliqué pour qu’on s’y perde un peu : ‘’après avoir échoué à prendre Kiev et à renverser le gouvernement’’, analyse son chef du renseignement militaire, ‘’Moscou pourrait imposer une ligne de séparation entre les régions occupées et non-occupées‘’… une tentative d’instaurer une partition de l’Ukraine à la coréenne ou du type ‘’France 1940’’. Ceci entrainerait la perspective d’un conflit long, avec des phases de flux et de reflux et sans doute une entrée en guerre de l’Alliance atlantique. On finira par en arriver là. Est-ce là son message ?

– S’agissant de la candidature de son pays à l’Otan, il confie à la chaîne ABC – comme pour donner des gages à Moscou – avoir tempéré sa position et compris que l’Otan n’était pas prête à accepter l’Ukraine. ‘’ Nous avons besoin de plus d’armement. Nous devons non seulement protéger l’Ukraine mais aussi les autres pays d’Europe de l’Est, sous la menace d’une invasion russe’’. A plusieurs reprises, il a jugé insuffisante l’aide qu’il reçoit de la part des Occidentaux. L’Ukraine a demandé1 % des avions et des chars de l’Otan, expliquait-il hier. ‘’Et cela fait déjà 31 jours que nous attendons’’ !

– Parlant à plusieurs médias russes, plus ou moins indépendants, le président ukrainien s’est affirmé ouvert à deux des objectifs de guerre formulés par Moscou : une forme ad hoc de neutralité et la dénucléarisation de son pays. ‘’Nous sommes prêts à l’accepter après l’avoir étudié en profondeur’’, leur a indiqué Volodymyr Zelensky. La dénucléarisation est en fait acquise depuis les memoranda de Budapest conclus avec la Russie, en 1994. C’est plutôt de la ‘’re-nucléarisationn’’ de la Biélorussie qu’il conviendrait de traiter actuellement. La neutralité est un terrain très glissant. Zelensky a posé plusieurs conditions de bon sens. Ce statut neutre serait conditionné à un retrait des troupes russes des territoires qu’elles occupent. Qui en assurerait le contrôle ? De plus, si cela aboutissait, l’issue des négociations devrait être soumise à un référendum. Sauf à monter une mascarade électorale sous la pression des fusils russes, il y a peu de chances que les Ukrainiens acceptent de désarmer leur patrie et de la priver d’allié extérieur.

– Sur la Crimée, annexée en 2014, le président ukrainien assure qu’il est disposé à ‘’se prononcer sur certaines formes de compromis ‘’. Abordant la question des délais de temps, il enchaine : ‘’l’arrêt de la guerre, maintenant, c’est ça la question’’. Comment le contrer sur ce point ?

– Il y a trois jours, le commandement militaire russe a annoncé vouloir  désormais concentrer le gros de ses efforts sur l’objectif principal : la ‘’libération’’ du Donbass. Sur le plan stratégique, cela ne présage nullement un désengagement du quart du territoire ukrainien envahi par ses chars. On pourrait imaginer qu’au mieux les prises effectuées au Nord et au Sud serviraient de monnaie d’échange… ou même pas. Côté russe, on en est à préparer l’annexion des deux oblasts orientaux. Le chef séparatiste de Lougansk appelle ainsi à ce que cette entité (dont Moscou a reconnu l’indépendance) ‘’rejoigne’’ la Fédération de Russie, ‘’dans un avenir proche’’. Là encore, le président ukrainien ne paraît pas totalement fermé à un scénario d’accommodement. ‘’Nous devons tout faire pour que le Donbass et la Crimée nous reviennent’’, mais, dans une interview à ABC News, il s’est également dit ouvert à un compromis  quant au statut des territoires séparatistes. Selon lui, il faudrait revenir là où tout a commencé, et de là, essayer de résoudre la question du Donbass. ‘’Nous comprenons qu’il est impossible de libérer complètement le territoire, de forcer la Russie. Cela mènerait à la troisième guerre mondiale, je le comprends parfaitement et je m’en rends compte’’.

– Il a réitéré plusieurs fois sa demande d’une rencontre avec Vladimir Poutine. Ce serait, selon lui, le meilleur moyen de faire avancer les négociations. Début mars, il appelait le président russe à ‘’discuter, entamer un dialogue, au lieu de vivre dans sa bulle’’. A présent : ‘’qu’il sorte de là où il est et vienne me rencontrer’’. Moscou le déteste mais a aussi peur de lui. Il peut toujours courir pour parler les yeux dans les yeux avec son agresseur. Peut-être que ça aussi lui cause un état d’âme.

* 16 mars – L’Evangile selon Vladimir

 »Aimez vos ennemis ». On ne lira jamais cela dans l’Evangile selon Vladimir. Le  »toujours pire » qu’il affectionne ne laisse entrevoir aucune trace d’humanité, seulement un orgueil démesuré emprunt de malfaisance. Face à la destruction qu’il incarne, que pourrait-on faire qui soit moral (voire de légal) afin de soutenir l’Ukraine ?

Avant tout, il faudrait protéger le président Zelensky et son gouvernement. Les dirigeants ukrainiens semblent prêts à aller jusqu’au sacrifice personnel, à succomber héroïquement sur le Champ d’Honneur. Mais, lorsque le moment ultime viendra, la survie sur la terre d’Europe d’un gouvernement ukrainien en exil sera politiquement trop cruciale pour qu’ils s’exposent à la mort. Si leur chute advenait en l’absence d’une formule de continuité hors de leurs frontières, elle débouchait sur un dangereux vide de pouvoir. Une administration  »Quisling » (ou Laval), illégitime, les remplacerait, à la botte de l’occupant. Celle-ci devrait d’emblée être sanctionnée en usurpatrice et expulsée du système international. Parallèlement, organiser politiquement les opposants russes – par exemple à Paris – insufflerait du courage à leurs concitoyens résistant encore dans la  »prison. des peuples ». C’est un minimum sur le plan légal.

Exclure la Russie des Nations Unies ouvrirait des possibilités pour aller plus loin. Notamment, pour amener Poutine et ses proches à répondre personnellement de leurs crimes et pour permettre alors aux Russes d’organiser leur avenir, en retournant sous la Charte de l’ONU et sous l’Etat de droit. L’Assemblée générale des Nations Unies n’a pas explicitement ce pouvoir, à l’heure qu’il est, mais des précédents existe (guerre de Corée et vote de l’AG pour une intervention militaire) et les juristes sauraient trouver des biais pour contourner le veto russe, dans l’hypothèse d’une demande politique fortement majoritaire.

 Dans la gamme ‘’flexion de muscles’’, que Vladimir décrypte bien, il serait légitime et légal de  »bloquer » les groupes armés étrangers ou non constitués, complices de crimes de guerre aux côtés de la soldatesque russe. Les nervis syriens de Bachar, qui ont massacré leurs concitoyens, n’ont aucun droit à débarquer, armés, en Europe pour recommencer partout Alep. Dans le ciel du Proche-Orient, les avions qui les transportent sur le front ukrainien pourraient bien disparaître des radars en cours de route. Sans regret aucun. De même, le mercenariat étant, comme la piraterie, prohibé par le droit international, les tueurs de Wagner à l’international – qui ne valent pas mieux – pourraient trouver le chemin des tribunaux, si on les y aidait un peu. On commencerait par l’Afrique sub-saharienne, où le rapport de forces ne leur est pas si favorable. Et il y a toujours, bien sûr, les livraisons d’armes, la guerre électronique, le renseignement et … chuuut ! … les opérations spéciales (pas celles de Vladimir), les sanctions, la guerre des médias déjà gagnée …

Au total, donc, rien d’illégal, ni rien qui implique de pénétrer en force sur le champ de bataille ukrainien. Juste des signaux bien clairs. Ils disent que les Occidentaux présumés ‘’dégénérés’’ sont quand même à prendre au sérieux. D’ailleurs, aucun terrorisme – même proclamé ‘’chrétien’’ – n’est plus vivable ou plus acceptable qu’un autre. C’est l’évangile de l’Ours. Une jolie chanson pour conclure :

* * * * * * * * *

Quand les hommes vivront d’amour
Il n’y aura plus de misère
Les soldats seront troubadours
Mais nous, nous serons morts mon frère

Dans la grande chaîne de la vie
Où il fallait que nous passions
Où il fallait que nous soyons
Nous aurons eu la mauvaise partie

Quand les hommes vivront d’amour
Il n’y aura plus de misère
Les soldats seront troubadours
Mais nous nous serons morts, mon frère

Dans la grande chaîne de la vie
Pour qu’il y ait un meilleur temps
Il faut toujours quelques perdants
De la sagesse ici bas c’est le prix

Quand les hommes vivront d’amour
Il n’y aura plus de misère
Les soldats seront troubadours
Mais nous nous serons morts, mon frère

(1978 Raymond Levesque – Robert Charlebois)

* 14 mars – A chaque jour suffit sa peine

Tout en nous invitant à rester lucide et responsable face à la tragédie que vivent les Ukrainiens, Mathieu nos recommande, au chapitre 6, verset 34, de ne pas présumer sottement de la capacité de nos psychés à encaisser les chocs et à réagir avec discernement (une des plus grande qualité intellectuelle qui soit). Il n’y a aucune honte à trouver le blog de l’ours géopolitique bavard, trop spéculateur et même un rien présomptueux. Nul n’est contraint d’absorber la moutarde forte avec une cuiller à soupe. Nous sommes tous différents, notamment dans notre sensibilité à la douleur et à l’inconnu (et aussi à la moutarde). Personne n’est obligé de peser les chances que, depuis son bunker à bulbe doré,  »Vlad le Vitrificateur » déclenche ou non les feux de l’apocalypse nucléaire, biologique ou chimique.

L’Ours, ça lui clarifie la tête mais, à d’autres, pas. L’important est de ne pas se mentir à soi-même et de s’ajuster, pas à pas = un peu, chaque jour = au cours horrible des choses. Le coq écervelé chante une trompeuse invincibilité guerrière ; l’autruche, le confort du trou de sable où elle enfouit sa tête. Le corbeau ouvre le bec, tout hébété, et laisse tomber son fromage. Le pigeon croit tout ce qu’on lui dit. Le merle et la pie font dans l’infox à fond. Les moineaux s’affolent en tournant autour de l’arbre. L’aigle et la buse fondent sur leurs proies. Merci Mathieu, merci La Fontaine !

Voilà  »Vlad le Vilain » qui vous accuse de tous les sales coups de la terre : vous êtes nazi, terroriste infiltré dans un hôpital, caché derrière un bouclier humain; vous attaquez de l’étranger une terre russe prétendument nommée  »Ukraine », vous massacrez des civils à tours de bras, bombardez des corridors d’évacuation humanitaires, préparez depuis votre cambuse des armes interdites, etc., etc. … C’est simple : il vous dit ce qu’il a l’intention de faire de vous et vous livre un échantillon de sa  »belle » mentalité. C’est le syndrome de la cour de récré :  »si tu ne me files pas tes billes, je te les fait manger et je dis à la maîtresse que tu voulais me les faire manger ». Ca demande une petite gymnastique de l’esprit mais ça permet de décrypter le coup d’après.

Le coup d’après pourrait avoir à faire avec les armes de destruction massive, toutes formellement prohibées par le droit de la guerre, mais néanmoins libéralement diffusées au sein d’armées comme celles de Russie ou de Syrie. Le bas de gamme, s’est le chimique, avec tous ses inconvénients (météo incertaine, vent qui tourne, bourrasques …). Il reste que, sur une très grande surface, ce type de produits binaires (stockés dans deux flacons puis léthales dès que mélangés) est tout à fait efficace pour exterminer les populations civiles des faubourgs ou centres-villes. Souvenez vous de la Syrie de  »Bachar le chimique » et du recul de l’Amérique, en 2013, lors de la multiplication de ce type d’attaques contre la population. Russes et Syriens ont intégré le crime contre l’humanité dans leur doctrine de guerre et ils disposent en quantité du gaz et des poudres du genre Novitchok.

Un peu plus  »premium » en gamme est l’arme bio (prononcer  »bi-o » comme  »billaud »). Quelques gouttes dans l’eau potable ou dans le potage suffisent pour anéantir une population citadine. C’est tout aussi prohibé par une convention des Nations Unies et contrôlé dans le commerce civil par un  »régime australien » particulièrement vigilant. Mais, un petit flacon par million d’habitants, ça se cache aisément au fond d’une poche. De plus, c’est inodore et ça ne se diffuse pas dans l’air : indétectable ! Enfin, comme Pékin accusant les Américains d’avoir créé le Covid, vous pouvez toujours prétendre que c’est  »l’autre en face » qui l’a fait. C’est ce que Vladimir est en train de dire, d’ailleurs, pour le VX ou l’anthrax.

Si vous disposez déjà d’un siège permanent au Conseil de sécurité ou voulez simplement abattre le système des Nations Unies, les accords de contrôle des ogives et des vecteurs, multiplier votre capacité en euromissiles capables de destruction immédiate de Paris, Londres, Berlin, Varsovie, Rome, Madrid, etc. , etc. appuyez sur le bouton rouge, tout en dénonçant ces capitales nazies qui fomentaient une attaque nucléaire contre vous mais, surtout, frappez le premier, par surprise ! Plus de problème de climat car plus de vie humaine cqfd. C’est la grande classe que pourrait bientôt atteindre la mise en centrifugation du cerveau bouillonnant de  »Vlad l’Apocalypse ». Le problème avec cette drogue qu’est le pouvoir absolu, c’est qu’il faut sans cesse en augmenter la dose et qu’il n’y a pas de sevrage.

Incroyable, après l’horreur qu’on a vue et celle qu’on devine déjà un peu : certains chez nous préfèreraient l’apocalypse à la démocratie !

* 8 mars – Jeux pervers

Deux millions de civils ukrainiens sont sur les routes de l’exile et des millions, sous les bombes : cette catastrophe humanitaire en Europe est sans égale depuis le seconde guerre mondiale.. Depuis 1945, des sorts monstrueux ont été infligés à Alep, à Grozny, partout où les bombardiers russes ont tout dévasté. Même la violence armée a ses limites. Elles font fi de toute sensibilité partisane ou but stratégique, mais elles imposent des lignes rouges contre les excès de cruauté. Cela s’appelle le droit international humanitaire. Il été codifié, à la suite de la guerre de sécession et du conflit de 1870, en s’organisant à partir de ce qu’on appelait  »le droit de la guerre ». Autant, les prisonniers de guerre ne doivent pas être exécutés ou avilis, autant les populations civiles doivent être impérativement épargnées dans le cours des opérations militaires. Non pas, à l’occasion de trêves ou par voie de corridors d’évacuation éphémères, mais = = tout le temps et partout = =.

La Russie de Poutine n’en est pas, malheureusement, à ses premiers crimes de guerre (ni contre l’humanité). Depuis la destruction de Grozny, capitale de la Tchétchénie, en 2000 jusqu’à celle des hôpitaux de Syrie, dix-huit ans plus tard, la barbarie de sa soldatesque et la férocité de ses aviateurs n’ont fait que monter crescendo… jusqu’à aujourd’hui, à nos frontières européennes. L’Histoire aura déjà jugé.

La capitale ukrainienne et au moins quatre autres grands villes étaient censées être évacuées sans massacre. Juste une trêve, donc bien en-deçà des règles de droit. cependant, les armes russes ne se sont pas tues : retour dans les sous-sols misérables. Le président ukrainien a accusé l’envahisseur d’avoir miné les routes et mitraillé les bus de civils, contre sa parole donnée.

Mais, dans la cruauté, il y a plus pernicieux encore. Après cette rupture d’engagement, Moscou repart à l’assaut, avec une manœuvre plus grossière encore : proposer de livrer directement les populations bombardées à leurs bourreaux ! A cette fin, six couloirs humanitaires seraient brièvement ouverts, des quartiers bombardés vers des camps (d’internement) en Russie ou en Biélorussie ! C’était  »inouï de cynisme moral et politique », comme le président Macron l’a relevé. J-Y Le Drian a, pour sa part, évoqué une  »norme » poutinienne de réduction d’un peuple, par phases successives de fausses promesses, de manipulation des esprits puis d’attaques frontales. Ceci est tellement vrai que Vladimir Poutine en est arrivé à jeter dans la bataille ses tueurs de Tchétchénie et de Syrie, tristement célèbres pour leur capacité à  »nettoyer les rues ». Indignons-nous !

Ce piège grossier a été déjoué par le président Zelensky. Donc, les habitants de Kiev et d’ailleurs sont toujours transis et physiquement usés, accroupis dans leurs sous-sols. Le HCR dénonce – sobrement – ce déni sadique du droit humanitaire. La Croix rouge internationale se montre plus timide, s’agissant de principes qu’elle devrait pourtant défendre avec force, sans que cela ne la fasse sortir de sa neutralité politique. La défense de l’Humain n’est pas une affaire partisane. Il nous faut garder une conscience. Ceci est encore plus vital que nos contributions à cette résistance qui s’organise sur l’échiquier géopolitique.

* 8 mars – Dictateur pathologique

 »Retirer à l’Ukraine son statut d’Etat » et en faire une vaste prison, voire un charnier; assiéger les principales villes pour en chasser la population; au passage, frapper un lieu de commémoration de la Shoah … Voilà autant de signes de l’état mental inquiétant d’un psychopathe retranché dans son bunker. , Après ces dix jours sanglants, nous sommes tous convaincus qu’il peut mettre ses menaces à exécution, sans limite aucune. Au grand public européen, frappé d’effroi, on en vient à offrir les secours de la thérapie psychiatrique. Mais là n’est pas la solution : il faut rester lucide, il faut s’endurcir.

En Ukraine, l’armée tient encore face à une guerre qui devient  »totale ». L’Occident s’est dégrisé de son quiétisme géopolitique et répond aux menaces par une montée symétrique et puissante du registre des sanctions. Défensive (mais pas neutre), sa stratégie est d’avance circonscrite par certaines précautions essentielles pour ne pas se retrouver en belligérance ouverte. Les enjeux sécuritaires pourraient monter jusqu’à l’échelle nucléaire, ce dont le monde entier – excepté  »Vlad le Barbare » – ne veut pas. Ce dernier est passé de l’équilibre de la terreur à la terreur tout court en tant que méthode offensive. Il contraint les Occidentaux à faire face à une guerre extensible, dans le temps comme dans l’espace, sur plusieurs strates additionnées :

  • une menace de conflit  »conventionnel » généralisé, pour le cas où l’Alliance s’engagerait in situ, dans une intervention humanitaire unilatérale, a fortiori dans l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne destinée à stopper les bombardements qui dévastent l’Ukraine et jettent sa population sur les routes. Antony Blinken est venu sur la frontière Ukraino-polonaise activer la ligne de 10 milliards débloquée par le congrès américain pour une aide humanitaire et militaire à la résistance.
  • une menace nucléaire, au sommet de son arsenal pour terroriser l’Occident;
  • une politique de représailles aux sanctions. On voit bien qu’elle finira par  »couper le gaz », le titane, le blé, etc. … sans doute aussi par confisquer les investissements étrangers sur son sol; Forcer partout sa version brutale de l’économie de guerre;
  • une menace sur les quinze réacteurs nucléaires de l’Ukraine. Attaquer, sept heures durant, un site de six réacteurs (dont cinq ont du être arrêtés en urgence); tirer à bout portant de canon de char sur des enceintes de protection; enlever et faire disparaitre les dirigeants de cette centrale; investir la salle de contrôle et tenir en joue les techniciens : ce n’est pas improviser dans le feu de l’action, c’est délibéré;
  • l’agression contre les populations civiles et la guerre psychologique qui l’accompagne est sans doute le crime le plus choquant généré par sa haine froide mais recuite (un paradoxe). Comment ne pas songer à Varsovie et à Stalingrad, à Grozny, en replongeant dans notre passé ?

Pour faire une pause  »sourire », amusons nous un peu du spectacle bigarré d’une foule centrafricaine, un rien agitée mais très enthousiaste, qui célèbre les  »hauts faits » de l’ami Vladimir en Europe. Ces braves gens se soucient-ils du sort des étudiants africains coincés sous les bombardements, en Ukraine ? Ce sont des images burlesques sur fond de tragédie. A l’inverse, l’angoisse se propage dans la société russe citadine et éduquée. Elle se voit écrasée dans un étau qui se resserre et l’emprisonne dans son propre pays. Il lui faut quitter le bateau ivre. Nous aurons à accueillir des réfugiés russes aussi.

La Géorgie et la Moldavie, toutes deux partiellement occupées par des troupes russes, se voient promises au même asservissement que l’Ukraine. Tbilissi et Kichinau emboîtent le pas à Kiev en pressant l’Union Européenne et l’Alliance atlantique de les intégrer pour les protéger. Sans fournir au Kremlin l’aubaine d’un casus belli, une forme de protection est à trouver du côté de l’OSCE et des Nations unies (observateurs, casques bleus, forces d’interposition sur les frontières). En fait, les buts de guerre poutiniens sont devenus, sinon inatteignables, du moins extrêmement ardus à réaliser. Raison de plus pour qu’il joue son va-tout stratégique. Au moins trois scénarios de fuite en avant se présentent à lui :

*renoncer à une grande part de souveraineté et peut-être, à la Sibérie, en se jetant dans les bras de la Chine pour se protéger des sanctions et sauver son régime;

*saigner à mort l’Ukraine, la Biélorussie et aussi son pays, pour tenter d’en extraire les ressources qu’impliquent un effort de guerre prolongé à mener sous autarcie;

* »mettre le paquet » pour conclure l’offensive, mobiliser le banc et l’arrière banc de ses réserves militaires, de ses mercenaires et de ses milices parallèlement aux outils d’une dictature renforcée.  »Finir le travail » à marches forcées, implique une escalade continue des destructions et des massacres de populations civiles. Ceci l’amènerait s’en prendre,, tôt ou tard, à  »l’arrière » des combattants ukrainiens, c’est à dire d’attaquer leurs bases logistiques en Pologne, dans les républiques baltes, etc. Bref, en se laissant emballer dans ses émotions froides, le stratège-psychopathe en viendrait à tenter le tout-pour-le-tout, au final, à franchir le seuil d’une guerre généralisée et donc nucléaire.

Ce dernier scénario supposerait qu’aucun contre-pouvoir interne n’ait pu arrêter son bras alors qu’il en était encore temps. Une carte reste à jouer de ce côté là. Inéluctable, la déchéance de Poutine devrait être précipitée (par son entourage), pour qu’on n’en arrive jamais là.

* 4 mars – Disjonction neuronale

 » Le plus dur est à venir ». Le président-candidat français ne mâche plus ses mots concernant Vladimir Poutine car c’est très inquiétant. Depuis son bunker sous bulbe, le forcené du Kremlin a appelé Emmanuel Macron. En bon psy gérant une prise d’otage (et quelle prise d’otages !), ce dernier a tenté, une heure et demie durant, de raisonner un peu le chef de guerre devenu dément.  »La France ne fait pas la guerre à la Russie » (quoiqu’ elle n’est pas loin d’avoir à défendre l’Europe contre l’armée Russe). Lui, Vladimir, veut faire la guerre à tout ce qui pourrait faire obstacle à ses plans démentiels. Il ne décroche pas de son charabia fascisto-historique assénant la nécessité d’en finir avec nous reliquats que nous sommes tous du IIIème Reich, réactivé – on ne sait trop comment – 75 ans plus tard. Cherchez donc qui marche sur les pas d’Adolf …

Quatre avions russes ont opéré des incursions dans le ciel suédois et c’est un peu la panique à Stockholm ( »les Russes arrivent »). De même, la Pologne, où s’organisent deux plateformes de résistance (accueil de l’exode des Ukrainiens et fourniture d’armes  »européenne » à leur vaillante armée), commence voir ressurgir les spectres de son passé (côté Est). Les Baltes, qui contribuent de même à l’effort de solidarité internationale mais sont aussi à portée de feu de l’enclave russe de Kaliningrad, appellent l’OTAN à la rescousse. On les comprend, tant la virulence et les objectifs de guerre du dictateur dépassent les bornes imaginables. Laisser bombarder une centrale nucléaire, celle de Zaporijjia, composée de six réacteurs, cela dépasse tous les scénarios d’horreur vus au cinéma. Même si le cœur nucléaire n’a pas été directement menacé, la destruction des dispositifs annexes et des moyens de contrôle génère le risque d’une surchauffe potentiellement catastrophique. Deux réacteurs ont été arrêtés par les Ukrainiens. Les troupes de Vlad-le-Tueur les laisseront ils refroidir ? Et que font-elles à Tchernobyl ?

Face à cette surenchère de folie meurtrière, les esprits aussi s’échauffent en Europe et le ton général de l’Alliance atlantique passe de la dissuasion psychologique à la mobilisation de défense active. L’agence officielle RIA Novosti a brièvement mis en ligne un communique de  »victoire » russe – plus que prématuré – . On peut y lire que l’intégralité du territoire ukrainien a été soumise par la force armée et que l’Occident à été réduit à peanuts,  »sorti des affaires du monde » et, si on comprend bien, désarmé. Les trois peuples russe, biélorusse et ukrainien n’en font plus qu’un : russe. Telle serait la loi du sang. On va chanter la Marseillaise dans nos chaumières, mais avec gravité, en serrant les dents …