Des projets de réforme du régime d’asile européen commun sont en cours. Dans ce cadre, l’ACAT-France appelle l’État français, qui assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (UE), à impulser une dynamique d’harmonisation des législations par le haut.
Ainsi, lorsque des familles afghanes sont contraintes de fuir leur pays, en raison de risques de persécutions, leurs membres éparpillés par les circonstances, devraient, en principe, bénéficier de conditions d’accueil et d’accès à l’asile semblables, quel que soit les pays européens d’enregistrement de leur demande de protection internationale. Juridiquement, les États membres de l’UE disposent d’un socle commun en matière d’asile. Les textes élaborés leur assurent-elles des normes communes, la même chance de s’en sortir et de préserver leur dignité, sur le territoire de n’importe lequel des ‘’27’’ ? Et bien, non. Le sort que l’Europe leur réserve est fortement dissemblable.
La politique européenne en matière de droit d’asile n’est, en effet, pas appliquée de bonne foi par les Etats-membres. Des variations dans un rapport de un à quatre caractérisent les chances d’octroi du statut pour un demandeur. Selon le pays, l’accès à l’étape initiale du processus sera parfois empêchée. En France, l’OFII est quasi-impossible à joindre par les arrivants et elle leur impose des délais de réaction démentiels, qui mettent en danger ces requérants, jugés ‘’sans papier’’ par la police. En Grèce ou en Hongrie, Slovaquie, etc., l’exilé standard est prestement enfermé.
En France, c’est une loterie parfois tempérée, parfois implacable. Le résultat – ou le but – en est de camoufler, dans une clandestinité opaque et dangereuse une bonne partie du flux : les faire disparaître des radars et des aides. Les préfectures divergent en matière de dureté et donc,, les règles présumées ‘’communes’’ varient d’un cas à l’autre. Le Ministère de l’Intérieur (le seul à qui ces administrations sont loyales) cherche à maquiller, aux yeux des électeurs, sa générosité nano-microscopique et son respect du droit international (la loi des chiffres, toujours ces chiffres qui nous gouvernent !). Le refoulement aux frontières – surtout celles de l’Italie – de fuyards, hommes, femmes et enfants réduits à un état misérable est la règle, dictée à nos policiers aux frontières. Le choix d’un double langage et d’actions antagonistes remonte, en fait, au sommet de l’Etat. Mais écoutez aussi le discours purement idéologique des partis politiques … sur le sujet, ils se montrent partisans et très peu humains.
Avec cette loterie infernale de l’asile, les Afghans et les Syriens ont reculé dans l’échelle des priorités. Certains voisins européens renvoient les Afghans aux Talibans… un acte de complicité de crime contre l’humanité – ou les Syriens au Liban (sans les livrer directement au Hezbollah, il est vrai).
Mais un bouleversement d’ampleur s’empare depuis quelques jours du sinistre monde des 83 millions de personnes déplacées, celui de toutes les victimes de l’injustice et de l’insécurité croissante du monde. Le premier signe en a été l’exode des Biélorusses libres, frappés par la répression de la police d’Alexeï Loukachenko. Dans sa stratégie cynique, le tyran de Minsk a brandi contre l’Occident, une forme d’accueil forcé des demandeurs d’asile et autres migrants. La misère des exilés est ainsi devenue une arme pour instrumentaliser de pauvres gens dans la nouvelle guerre froide qui commence. Pour se venger de l’exode de ses concitoyens vers la Pologne et la Lituanie, le comparse moustachu de Poutine a machiné des filières d’entrée en Europe piégeuses en puisant dans plusieurs pays troublés du Moyen-Orient. On se souvient de la fureur de nos voisins est-européens et de leur répugnance à accueil ces milliers de morts vivants congelés et bloqués, au cœur de l’hiver, dans les forêts frontalières de la Biélorussie.
Vladimir Poutine est en train de faire pire encore. En envahissant un grand pays d’Europe, il crée un énorme mouvement d’exode vers l’Ouest, pour des millions de victimes ukrainiennes forcées de fuir leur pays sous les bombes et les obus. Ne doutons pas qu’il croit ainsi déstabiliser les Européens, en même temps que se débarrasser des patriotes ukrainiens. Mais, cette fois, l’Europe va faire de son mieux pour les accueillir.
Tendra-t-elle la main, de la même façon, aux Africains et aux Moyen-orientaux fuyant Kiev, Kharkiv ou Odessa ? Là se trouve le message de ce blog : toutes les guerres sont horribles et tous ceux qui cherchent à en réchapper ont droit à la même attention, à la même solidarité et au même réconfort. Espérons que les directives européennes assureront une certaine équité et, surtout, qu’elles seront respectées.
Qui va rappeler ce principe d’équité, dans cette campagne électorale française, où la transgression de l’Humain et les discriminations entre les identités de souffrance semble emporter l’opinion majoritaire ?