Asile et Migrations – Version Palais Bourbon et version RAMY

Le radeau de Lampédusa, Lanzarote, Museo Atlantico, 2016

Le présent blog ne parle pas beaucoup du projet de loi sur l’asile et les migrations. Ce n’est pas par manque de motivation mais plutôt par distanciation d’avec les nombreux angles morts, fausses pistes, leurres et évitements que révèle le travail du Législateur : on nous mène en bateau !
La preuve par le barreau de Paris : L’asile, un droit en danger : une analyse du barreau de Paris

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La France de M. Collomb fait « le grand ménage » chez les exilés


Grand coup de balais sur les exilés : expulsions vers le pays d’origine, retours forcés vers le premier pays de transit, refoulement à la frontière,«centres de retour» fermés: le Gouvernement prépare le renvoi en masse des «sans-papiers», mais aussi de demandeurs d’asile”. Un projet de loi à dénoncer.

Depuis le début de son mandat, Emmanuel Macron assume une politique répressive sur le contrôle de os frontières, contrepartie à son attitude supposément accueillante à l’égard des réfugiés. Double discours, réalité unique… Alors que le chef de l’État insiste sur le distinguo entre « demandeurs d’asile » et « migrants économiques », les mesures introduites à petites doses ici et là au cours des derniers mois visent à renvoyer aussi bien les uns que les autres. Le langage « moral » tenu à nos partenaires européens ne souffre pas critique. La réalité du terrain, celle que dictent les préfectures, est aux antipodes du respect de la Loi et de tout sentiment d’humanité. On sait qu’en vertu des accords de Dublin III, le premier pays d’entrée dans l’UE est considéré compétent pour statuer sur une demande d’asile. Lors de sa campagne électorale, le Président de la République avait jugé cette règle inique, parce qu’elle fait peser toute la charge des procédures sur les quelques mêmes pays du pourtour européen. Dont acte.

– Ce temps est révolu. Le Lapin jovien s’évertue désormais à maximiser le “rendement” des expulsions. La police aux frontières organise les renvois, de très peu celui d’exilés dans leur pays d’origine, mais beaucoup plus de « dublinés« chez nos partenaires européens. Sans forcément aboutir, d’ailleurs, puisque les pays de première arrivée dans l’UE – en principe responsables de faire eux-même le tri – s’ingénient, de leur côté, à empêcher toute réadmission sur leur territoire de ces égarés, sans destiation. Du fait de la géographie, beaucoup de ces «dublinés» arrivent chez nous en transitant par l’Italie, la Grèce ou la Bulgarie. Mais depuis quelques mois, ils sont nombreux à rejoindre la France par l’Allemagne, où 400.000 à 500.000 personnes ont vu leur demande d’asile déboutée (sur plus d’un million d’exilés accueillis, entre 2015 et 2016). Le Gouvernement craindrait particulièrement ce mouvement migratoire «secondaire». Du coup, il réagit très fort. Lire la suite

Accord UE-Turquie : les droits fondamentaux en danger

Réfugiés arrivant à Lesbos

Résumé d’article, d’après l’analyse de Mathilde Mase, responsable des programmes Asile, Courrier de l’ACAT 339, juillet-août 2016.

Le 18 mars 2016, l’UE a conclu un accord avec la Turquie, au motif de protéger ses frontières contre les migrations irrégulières. Ce faisant, elle porte gravement atteinte à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile, mais aussi aux droits de l’Homme dont bénéficient les migrants, comme toute personne (cf., à ce propos l’article L’Europe achète le Grand Turc et ferme la Sublime Porte …. )

– Dès son adoption, l’accord a alarmé l’ONU (Haut Commissariat aux droits de l’Homme), le Conseil de l’Europe (Commissaire aux droits de l’Homme) et les ONG actives sur ce secteur.

La Turquie étant, aux termes de l’accord, considéré comme un  »pays sûr » (NDLR : même si Ankara participe à trois guerres dont deux intérieures ; n’applique pas le droit international de l’asile et de la protection pour les citoyens des pays actuellement en conflit et a suspendu les libertés fondamentales pour ses citoyens, depuis la tentative avortée de coup d’Etat du 15 juillet 2016), tout exilé entrant clandestinement en Grèce, depuis la Turquie, est passible d’un refoulement manu militari vers ce dernier pays. Les demandes d’asile ne sont examinées – de façon expéditive – que si le demandeur serait manifestement mis en danger par un renvoi en Turquie. En violation des obligations actées par la Convention de Genève de 1951 et intégrées dans le socle du droit européen, pour tout clandestin renvoyé, sera admis en Europe un Syrien réfugié dans les  »camps officiels » du gouvernement turc (300.000 sur un total de trois millions, en Turquie).

Dans la limite de 72.000 places au total, les transferts de Syriens effectués via les procédures européennes de réinstallation doivent donner lieu à répartition parmi les pays-membres. On sait ce qu’il en est. En revanche, les demandeurs d’asile d’autres nationalités, même fuyant un conflit, ne peuvent même pas espérer, pour eux, cette forme de  »repêchage ».

– A la veille des vacances d’été environ 400 personnes avaient été renvoyées en Turquie (sans doute 500 à 600, à la rentrés) tandis que seulement deux centaines de Syriens ont été accueillies dans l’UE. On est donc très loin de la mise en œuvre de ces dispositions sur une grande échelle à laquelle on aurait pu s’attendre ! En fait, après seulement deux semaines, le dispositif installé par l’UE aux frontières maritimes de la Grèce a suspendu ses opérations de refoulement, trop ouvertement illégales et discriminatoires, mais aussi gérées sans méthode par un groupe de fonctionnaires européens de formations et de cultures disparates. 140.000 exilés  »non-syriens » restent bloqués en Turquie, sans issue. Les nombreux échos perçus en Europe occidentale quant aux mauvais traitements infligés à certains des fugitifs arrivant en Turquie de même que les cas de  »retours volontaires forcés » vers la Syrie ou de refoulement à la frontière syro-turque de civils syriens fuyant les combats rendaient franchement intenable le postulat d’une  »Turquie, pays sûr ».

– Surtout, le but de l’accord euro-turc était d’inhiber l’afflux humain et non pas d’ouvrir aux demandeurs d’asile une voie d’arrivée légale et en bon ordre vers l’Europe. On a ainsi constaté que la  »dissuasion par l’arbitraire » fonctionne bien : 80 % du flot entrant a déserté les îles grecques de la Mer Egée … pour un accomplir un long détour par la Libye, la Tunisie, l’Italie, impliquant, au passage, des records historiques de noyade en Méditerranée. Ceux qui s’entêtent à tenter la voie des Balkans, n’ont d’autre choix que de se faire recenser et de demander l’asile à la Grèce. Généralement placés en rétention, ils n’auront aucune chance de rejoindre leur destination finale, en Allemagne, en Suède, au Royaume Uni, voire (beaucoup moins nombreux) chez nous.

L’Europe achète le Grand Turc et ferme la Sublime Porte

A l’occasion de son dernier sommet du 7 mars, l’UE s’est offert la Turquie pour 6 milliards d’€uros. Du moins, pense-t-elle avoir marchandé un  »droit de gestion » sur les masses de fuyards s’entassant de part et d’autre de la Mer Egée. La Sublîme Porte se referme : inutile, désormais, de tenter la périlleuse traversée vers l’Europe par la route des Balkans occidentaux. La Forteresse-Europe se barricade et emprisonne sur son rivage méditerranéen les dizaines de milliers de clandestins et autres exilés « mal-documentés » qui s’y trouvent actuellement pris au piège.

En se donnant quand même dix jours pour acter ses décisions, notre U.E en multi-décomposition se fixe pour projet de rétablir,  »selon des modalités accélérées et sur une grande échelle » (termes de son communiqué), la vision égoïste d’un glacis démographique stabilisé sur ses franges. Celui-ci consisterait à ignorer – ou au moins à minorer comme facteur périphérique « absorbable » – la détresse infinie des populations du grand Moyen-Orient de même que l’élasticité limitée de l’accueil que peut leur accorder la Turquie. Oublions donc vite que cette région voisine est devenue « l’enfer sur terre » de notre époque !
Est-ce jouable ? légal ? opérable sur le long terme ?

– Tout n’est pas forcément mauvais dans ce plan grandement improvisé où se mêlent un sursaut d’inquiétude de Berlin face à la « déferlante » et un remarquable opportunisme de la part du Sultan. Au passage, des contreparties substantielles lui sont cédées, serait-ce du bout des lèvres, par le Conseil Européen, en termes d’ouverture de nouveaux chapitres du dossier d’adhésion turc ou de circulation plus aisée des ressortissants turcs en Europe. Elles vont plutôt dans le sens de l’équité, même si la fixation faite sur les milliards promis au gouvernement – très corrompu – d’Ankara est de nature à inquiéter. Mais c’est là un autre sujet.

Istanbul, Byzance, Constantinople : Sublime Porte
Istanbul, Byzance, Constantinople : Sublime Porte

– Ce qui choque, au XXIè Siècle, c’est que l’on décrète la déportation en masse, le refoulement vers la Turquie de populations déjà parvenues en Europe et, ce, après quelles épreuves ! La logique prévalant est de faire peur, de dissuader au plus vite, avant l’été, les candidats qui s’apprêteraient à partir. Imagine-t-on la souffrance et le désespoir infligés aux malheureux qui se croyaient à l’abri et vont être renvoyés vers la case-départ ? A-t-on prévu quelque chose pour les familles qui, migrant par échelons successifs, se trouvent prises à contre-pied, avec des chances de regroupement soudainement ruinées ? Pense-t-on éviter les réflexes d’évitement de ces hot spots installés en Grèce ou en Italie, les actions de résistance potentiellement violentes, face à Frontex, de la part de ces gens qui auront galéré absolument pour rien pendant de longues années ? Imagine-t-on enfin que les passeurs, désignés comme les méchants de l’Histoire – sans doute, ils le sont – ne trouveront aucune alternative à la route actuelle Mer Egée- Grèce-Balkans ? Déjà, en Albanie, certains s’apprêteraient à prendre le relais des trafiquants Turcs pour ouvrir une nouvelle voie d’accès à l’Italie. La triste réalité veut que tant que des « passants » se bousculeront pour partir, ils susciteront des « passeurs » dans leurs rangs ou dans leur entourage.

Le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) des Nations-Unies peut-il accepter de cautionner une politique de refoulement vers la Turquie, absolument contraire aux obligations de la Convention de Genève de 1951 et que l’on justifiera, à posteriori, par un accord de réadmission opportunément signé entre Athènes (en fait, l’U.E.) et Ankara. Et voudra-t-il continuer à gérer malgré tout, à l’intérieur de la Turquie et aux frontières de la Syrie, les camps de déplacés alors que l’U.E. en a remis les clés à la Turquie ? Enfin, comment combiner un projet repoussant les réfugiés, d’Ouest en Est, en liaison avec l’OTAN, à un autre, formulé avec la même Alliance Atlantique, consistant à créer, d’Est en Ouest, des « zones sûres » humanitaires protégées au plus près des zones de guerre syriennes ? Que fera-t-on des Kurdes de Syrie, proches du PKK : les livrer tout ficelés à la Turquie ou laisser celle-ci procéder à son propre tri au delà de ses frontières, quitte à saper la seule infanterie qui vaille contre Daesh ?

– Principale bizarrerie du dispositif envisagé, le troc « un syrien contre un syrien » dépasse l’entendement. En poussant plus loin encore la logique du quota de demandeurs d’asile, contraire à la Convention de Genève, on instaure une sorte de compte-gouttes pour mieux étrangler le flux : la Turquie « réadmettra » chez elle, aux frais de l’Europe, un « mauvais » migrant (« n’ayant pas besoin de protection internationale », selon le communiqué de l’UE) que si, en échange, l’Europe en prélève un « bon » dans le vivier turc de demandeurs d’asile disposant d’un dossier bien documenté. Le moteur d’un tel échange ne sera plus l’existence effective d’un besoin de protection pour des populations menacées mais la capacité de Bruxelles et d’Ankara à « se tenir par la barbichette », pour peut-être bientôt « se donner une tapette », au premier accès de mauvaise humeur… et il y en a souvent entre eux. Les réfugiés subiront alors l’interruption du goutte-à-goutte et s’affronteront entre « bons » et « mauvais » sujets pour se positionner au mieux par rapport à leurs nouveaux maîtres. Quand on considère la vaste zone grise qui s’étend du demandeur d’asile non-prioritaire au migrant économique qui a tout perdu et ne peut rebrousser chemin, on peut s’inquiéter des conditions du tri expéditif qui va être opéré, en Grèce comme en Turquie. Là aussi, respectera-t-on l’existence des familles ou s’accrochera-t-on à la logique purement géographique de la procédure de Dublin (renvoi vers le premier pays de transit, qui a prélevé les empreintes et enregistré la personne) ?

– D’évidence, le grand tournant de la politique européenne ne rend pas compte que de la question des réfugiés. Le partenariat avec la Turquie – pays malade en interne mais plus que jamais stratégique dans un Moyen-Orient incandescent – y tient sa part et, partant, la posture sécuritaire européenne face au terrorisme de Daesh et d’Al Qaida. La nécessité existe aussi de recoller une unité sérieusement ébréchée entre les Etats européens : Est contre Ouest, pays d’accueil contre pays de transit. Un consensus à 28 inespéré pourrait rendre leur chance aux décisions inappliquées des précédents sommets concernant la « relocalisation » de quelque 360.000 réfugiés parmi le million deux cent mille accueilli l’an dernier dans le nord de l’Europe. Et si tout cela devait se faire comme par enchantement, la libre circulation de Schengen pourrait même être rétablie d’ici la fin de cette année. Ce serait trop beau.

Il restera quand même qu’en édifiant, pour gérer les réfugiés, une usine à gaz d’une fragilité qui n’a d’égale que son cynisme, notre vieux continent s’apprête à sortir nettement du droit international. A moyen terme, ce n’est pas la meilleure façon de conforter la démocratie ni l’état de droit interne, ni la meilleure réponse qui soit aux populismes européens. Mais tout cela est déjà mis à mal, il est vrai.

Migrant noyé

De nos voeux négatifs, éradicateurs ou vengeurs

ne touchez pas à la Constitution, elle est trop mignonne
Pour 2016, je vous souhaite d’échouer à bidouiller ma jolie constitution !(Plantu, détourné)

Chronique n° 20

Une fois les voeux affectueux envoyés à ceux qui nous sont chers, il faut savoir enchaîner sur les voeux négatifs. Où sont les vicieux, les fourbes, les pervers, les affreux absolus à qui adresser, en une rafale sèche mais conclusive, nos anti-voeux d’abominable (et fatale) Année 2016 ?

Surtout n’attendez pas, dans ce blog régulièrement suivi par jusqu’à une petite dizaine de lecteurs égarés et infidèles (join the gang !) qu’on vous dresse une liste nominative, détaillée et exhaustive. Il faut laisser leur boulot à la Cour Pénale Internationale, au Chaudron de Belzébuth comme au Tribunal du Père.

Tout d’abord, j’omettrai prudemment de vous désigner les membres de la classe politique qui échappent à ce lot maudit (et pourraient donc recevoir des vœux positifs) : pas assez nombreux; Assignation à résidence probable pour tout glapisseur de vœux se prenant pour Louis Antoine de Saint Just. J’ajoute, sans malice aucune, qu’en fait, tout citoyen a le représentant qu’il mérite. C’est l’effet-miroir.
Alors, en vrac :

– Un petit vœu négatif pour les chefs de katiba libyens, grâce à qui La Syrak-Afgha-tripolitaine sera bientôt réunie en une seule et unique entité sanglante;

– Un vœu de fessée bien administrée pour le Club franchouillard de Raqqa (capitale de Daesh), en lui souhaitant plutôt la sévérité de nos juges que celle de nos bombes;

– Une pensée narquoise pour les « papas-dictateurs » africains, qui bidouillent et rebidouillent leur constitution pour se sur-bidouiller eux-mêmes au pouvoir. Qu’ils songent un peu à l’état pathologique qui les guette, avec l’âge;

– Une pensée allergique contre l’état d’urgence constitutionnalisé en Hexagonie flicaillotte : que l’exception devenue la règle et l’état de droit érigé en pure bienveillance du Prince ne survivent pas à l’Année du Singe ! Par contre, que l’état d’amour perpétuel n’en profite pas pour nous faire sombrer dans l’ennui !

– Une pensée, de même, pour le distingué corps préfectoral s’agitant au chevet des fort louches individus  »migrants », sinistrés des guerres, des catastrophes et de la misère du monde. Que tous ces redoutables envahisseurs ne soient plus empêchés de bosser pour faire croître notre PIB national et payer nos retraites et qu’ils n’oublient pas, quand nous serons à notre tour des réfugiés chez eux, de nous inviter à partager leur couscous.

– Que Schengen ne soit pas enterré prématurément et qu’il ressurgisse de sa tombe en mettant à bas les murs et les barrières en Europe : libre circulation et une tournée pour tous, patron !

– Une pensée assassine (eh, oui!) pour le monstrueux moustique Tigre, vecteur du Chinkungunya, de Zika et de la dengue, qui, venant des tropiques, remonte vers la Loire et le Pays d’Oï. Idem pour la larve éradicatrice de l’olivier, le H5 N1, la préférence nationale, le tabac et ses additifs, le vin aux sulfites, la théorie du complot, l’égoïsme et la paranoïa en général !

– Un vœu de court-circuit pour les 1500 radars supplémentaires, qui seront bientôt semés le long de nos routes, aux endroits où ne nous guette nul autre danger que la machine à sous du fisc (mes vœux mitigés, M. le Percepteur !);

– Un vœu d’échec cuisant pour cette longue file de gens qui me ressemblent (ils ont des noms qui s’écrivent en lettres romaines), et qui font la queue devant la préfecture pour obtenir la déchéance de leur nationalité française. Sont-ce les mêmes qui avaient fait acte de contrition auprès du fisc pour leurs comptes planqués en Suisse ?

Bref, je vous souhaite du fond du cœur de fermement refuser tout vœu négatif et que 2016 ne vous soit pas triste…
Et, avec ça, une carte de Vœu gratuite.

Carte de Vœu, bourg et villages
Carte de Vœu, bourg et villages

… et le sommaire de l’Ourson au fil de l’Ourson …

L’exil en France, un parcours du combattant

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article documentaire n° 14
La réforme législative de l’asile

Dans la définition qu’en donne la Convention de Genève : la demande d’asile (protection internationale) se fonde sur la ‘’crainte == à raison == d’être persécuté par ses autorités’’ : elle ne requière pas une persécution avérée mais des éléments de situation personnelle subjectifs, laissés à l’appréciation des Etats.

* En 1951, les réfugiés étaient européens. Maintenant, ce sont des ‘’envahisseurs’’ venus du ‘’Sud’’, dont le chemin de croix n’est pas moins lourd. Notre accueil est pourtant chiche et peu humain, jalonné d’innombrables obstacles administratifs ou policiers et de délais d’attente. Le dispositif sert à extraire, parmi les demandeurs, une majorité (83 %) de cas à rejeter, implicitement pour fraude à l’asile.

* Or, en matière de besoin de protection, il existe une graduation, du ‘’tout blanc’’ jusqu’au ‘’tout noir’’. La ligne de partage n’est pas claire entre une personne fuyant le risque d’être persécutée (réfugié) et un migrant ayant tout perdu et contraint à risquer sa vie pour s’en sortir. Nécessairement, l’asile s’intègre aux flux migratoires. Par préjugé, on va les confondre dans la même suspicion (fiche sur l’accueil en France). Pratiquement, on ne peut pas, il est vrai, traiter l’asile hors du contexte général des migrations.

1 – Motifs de la Réforme (compréhensibles et parfois louables, souvent critiquables)
– L‘objectif affiché des autorités françaises : ‘’désengorger’’ le système d’accès à l’asile en triant entre ‘’vrais’’ et ‘’faux’’ demandeurs (fraudeurs présumés). L’OFPRA accumule les retards (plus d’un an d’arriérés). L’embolie n’est pas due à une invasion soudaine ou un accueil libéral de la part de la France, même si le flux global vers l’Europe explose (guerres d’Afrique et du Moyen Orient, Kosovo…).

* Parmi les causes : la réticence des préfectures à traiter les demandes d’entrée de jeu (autorisations provisoires de séjour remplacées par de simples reçus), les délais excessifs de recours ou d’obtention de l’assistance juridictionnelle (un an de plus), l’interdiction du travail (légal), le déficit d’hébergement (20 à 25 % de SDF), la formation sur le tas des officiers de protection et des juges administratifs… Pourtant, les ‘’fugitifs’’ ont franchi un point de non-retour, leur refoulement étant heureusement prohibé par la Convention de Genève. Ils vont entièrement dépendre des prestations sociales et juridiques qu’on leur accorde (rôle important, ici, des ONG).

Les chiffres sont parlants : la demande d’asile en Europe explose. Le nombre de réfugiés reconnus par la France reste égal, au fil des ans, entre 10.000 et 12.000. L’Allemagne en accueillera quatre vingt fois fois plus en 2015 ! Non sans regimber, Paris a finalement accepté de relocaliser sur son territoire 15.000 demandeurs de plus en 2016 et autant en 2017. Sur la même durée, la Suède, trois fois moins peuplée, en accueille 8 à 10 fois plus. Le Liban, quant à lui, compte 1 réfugié pour 5 habitants. Un pays hospitalier, la France ?

* Les forces armées françaises interviennent dans de nombreux pays du ‘’Sud’’ pour défendre la souveraineté d’Etats fragiles et pour protéger les populations (parfois d’elles-mêmes). Dans le même moment, tout est fait pour fermer notre porte aux fugitifs de ces mêmes pays : aux Syriens (8 millions de fugitifs et 500 places en France/an jusqu’à récemment !), Irakiens, Libyens, Maliens, Centrafricains, Kossovar, Congolais, etc. Le sort des tibétains en France est plus enviable, un effet d’empathie culturelle ?

2 – Le grand centre de tri projeté par la réforme

– Il instaurera un traitement à deux vitesses : personnes vulnérables / pays non-sûrs (traitement normal) et ‘’ tous les autres’’ : les ressortissants de ‘’pays sûrs’’, les auteurs de récits contradictoires, les ‘’lents à demander’’, les déjà déboutés, les identités mal-documentées, les demandeurs confinés dans des lieux de privation de liberté = traitement accéléré (ex-‘’prioritaire’’ = bâclé). Aujourd’hui : 1/3 des dossiers, demain : 50 % des cas sera orienté vers des recours non-suspensifs, au risque de radiation, à l’absence d’accès à l’autorité de décision. Les « hot spots » que l’Europe s’échine à improviser à sa périphérie procèdent de la même essence.

– L’OFPRA est juge et partie, sur la base des jugements qu’elle porte sur les pays d’origine des demandeurs. Son pouvoir administratif est discrétionnaire. Ses officiers de protection sont soumis à des cadences de travail éprouvantes. Ils sont seuls à décider, sous la pression de l’urgence et de la politique du chiffre. Eux aussi expérimentent des difficultés avec les traducteurs. Ils sont incités à soupçonner une fraude dans toute demande d’asile (cf. fiche ‘’parcours du combattant’’ du demandeur d’asile).

– Les demandeurs sont marqués par leurs épreuves subies, par la perte de repères, l’ignorance de la langue et du milieu d’accueil. Ils éprouvent une certaine méfiance envers les administrations et les fonctionnaires en uniforme. Cette méfiance leur a permis d’accéder jusqu’à nous en contournant les barrières migratoires. Face aux expédients visant à ‘’faire le tri’’ parmi eux, ils ne comprennent pas bien ces procédures complexes et doivent naviguer à vue entre des écueils : trop d’assurance et de précisions dans leur récit de vie = soupçon de faux témoignage. Inhibition à raconter leurs épreuves et à documenter leur dossier = désintérêt pour eux.

* La réforme introduit plusieurs motifs nouveaux pour les disqualifier, avant l’étape de la comparution: ‘’ irrecevabilité’’ de la demande, radiation de la personne, ‘’clôture du dossier’’. On sanctionnera ainsi un rendez-vous manqué à l’OFPRA ou un refus de rejoindre le CADA désigné en province. On requerra du demandeur hébergé de pointer et une autorisation d’absence s’il va contacter une ONG ou ses parents ailleurs en France.

* En fait, des nouvelles directives de l’UE, la France n’a repris que les dispositions pouvant étendre son pouvoir de contrôle, ce qui rend son dispositif plus restrictif encore.
– Demeurera le problème des recours non-suspensifs devant les juridictions administratives d’appel, dénoncé par la CEDH. Celle-ci voit dans ces démarches sous couperet, sans moyen d’aboutir (traducteur, conseil, accès à un fax, etc.) la marque d’un droit ‘’non-effectif’’= en trompe-l’œil. Dans les situations courantes, le droit de recours sera consolidé (recours en CNDA ? recours depuis les CADA) et on attendra que le juge ait statué pour expulser. Dans d’autres (Zones d’attente aéroportuaires, CRA) l’administration gardera les mains libres.

– De plus, pour diminuer le coût de fonctionnement des juridictions on s’engage vers des cours administratives siégeant avec un juge unique au lieu de trois. Les problèmes de compréhension du parcours de vie des personnes et de la situation qui les fait fuir leurs pays vont donc empirer.

3 – L’U.E protège jalousement ses frontières. Elle traite les réfugiés sans cohérence ni ménagement

– Un autre point que la réforme française ne règlera pas est l’inégalité de l’accessibilité à la protection, au niveau des Etats-membres de l’UE (cf. fiche sur l’Europe). Certains pays européens ne respectent pas leurs obligations juridiques. Ainsi, la Grèce renvoie les Afghans, la Pologne les Tchétchènes, la Hongrie et la Bulgarie ne mettent en place que l’incarcération, s’affranchissant de tout dispositif d’instruction de l’asile ; l’Italie est très libérale pour le transit, beaucoup moins pour l’installation ; la Grande Bretagne se retranche derrière ses frontières (non-appartenance à l’espace Schengen) ; la France n’est pas toujours dans les clous, on l’a vu. Seules la Scandinavie, l’Allemagne et Malte jouent plutôt bien la règle du droit.

* Ailleurs, aux frontières de l’espace Schengen, bien menacées désormais d’un retour au « chacun pour soi », des murs anti-migrants sont parfois érigés (Hongrie – Serbie & Croatie ; Grèce-Turquie ; Bulgarie – Turquie ; Enclaves espagnoles – Maroc) et des dispositifs navals policiers – ceux de l’agence Frontex – gardent les frontières contre les migrants, quitte à en sauver quelques-uns de la noyade lorsque le drame est trop visible depuis nos côtes (plus de 4000 noyés recensés en 2014).

– Une fois l’exilé parvenu, malgré tout, en Europe, la loterie sur la vie des gens est aggravée par la procédure de Dublin. A chaque passage de frontière, le clandestin risque d’être refoulé vers son premier point d’arrivée en Europe – pays auquel revient, seul, la décision d’asile – et au pire, vers son pays d’origine. Il n’y a donc pas de choix libre de destination pour un fugitif, mais un jeu du chat et de la souris, imposé par la géographie de l’UE. Le Conseil Européen de Varsovie (automne 2015) a insisté sur la nécessité de revoir tout ce dispositif, parallèlement à l’attribution de « quotas d’admission » / clé de répartition, aux Etats-membres. Mais, alors que Schengen se délite, que les Pays-Membres de l’Ouest (plus accueillants) et de l’Est se renvoient la balle, rien ne se fait dans cette direction.

¤ Conclusion : La France ne connaît pas de vague d’immigration plus importante que dans son passé récent.

– Alors que ‘’ tous les malheurs du monde’’ dirigent sur l’Europe une petite partie du vaste exode de victimes (8 réfugiés sur 10 sont accueillis dans les pays du sud), elle se situe, surtout, au carrefour de routes migratoires empruntées. Pour autant, l’afflux vers l’UE ne se retrouve pas – pour le moment – dans les statistiques de demande d’asile de l ‘OFII et de l’OFPRA (5 % des arrivants seulement sollicitent et obtiennent une protection  et l’augmentation n’est que de 8 % en 2015 par rapport à la même période de 2014!).

– Surtout, la ‘’Patrie des droits de l’Homme’’ prend quelque liberté avec le droit international en matière d’asile et sa population se montre peu accueillante aux éprouvés. La réforme ne va guère corriger cette culture du soupçon mais contribuer à expulser plus vite les supposés fraudeurs. C’est un problème de débat citoyen qui dérive, hélas, vers la paranoïa contre ces autres nous-mêmes, que l’humanisme nous invite justement à aider. A l’heure de la réforme de l’asile, il y a là un motif urgent de plaidoyer.

notre aimable sommaire au fil de l’Ourson …

Accueillir les réfugiés en France… la matraque derrière le dos

FlicAccueillir les réfugiés
Chronique n° 13
On parle beaucoup du parcours du combattant auquel sont soumis les rescapés des conflits d’Afrique et d’Orient.
Ce site a consacré plusieurs articles à ce sujet. Mais, parvenir aux portes de l’Europe, est-ce, pour les victimes des guerres et de la violence, la certitude d’y être accueillis ? Ils sont près d’un million à s’entasser à nos frontières nationales, puisque  »exit Schengen ». Mais pas tant sur le territoire de la  »Patrie des droits de l’Homme », dont la jungle de Calais, les bastonnades policières à Paris, l’inertie administrative et le manque flagrant de volonté de se doter de moyens d’accueil – sans parler de l’interdiction de travailler faite aux postulants à l’asile – ternissent sérieusement l’attrait à leurs yeux… et aux nôtres.

Ne serait-ce que pour ne pas laisser le beau rôle à Mme Merkel et aux Scandinaves, une partie même modeste du flux va devoir être rabattue vers la France. Cette « relocalisation » par les moyens du bord serait au maximum pour un à deux mois, avant que la logistique d’Etat ne prenne le relais. Telle était la première hypothèse traitée par le ministère de l’Intérieur lorsqu’il est apparu, en septembre, que l’option de se fermer totalement aux efforts de l’Europe ne serait pas électoralement plus payante que celle de s’ouvrir un peu.

Sur la foi des directives données par la préfecture, le maire d’une petite commune des Yvelines où l’Ourson fait son miel a donc invité à s’organiser les administrés, associations, paroisses et autres entités locales sensibles au drame des réfugiés des guerres. Nous étions nombreux à cette réunion d’octobre et bien décidés à mutualiser nos contributions sous le chapeau de la commune : héberger les arrivants dans les familles, se partager le fardeau pour que nul ne soit abandonné à ses seuls moyens, participer à l’insertion sociale, à la découverte du territoire, à l’initiation linguistique et culturelle, assurer un accompagnement pour les démarches administratives… la bonne volonté ambiante créait même un lien d’amitié entre les participants, c’était vraiment bien !

Puis, l’initiative du maire n’a plus reçu d’écho de la préfecture et nous sommes restés tous en stand-by. Finalement, on a appris que quatre étudiants irakiens étaient venus loger dans l’appartement de secours de la commune, pas chez les résidents. En fait, il s’agissait de réfugiés déjà présents dans les Yvelines et que l’on rapprochait de la fac où on les avait inscrits, à Versailles. Pas très sensationnel ! Toujours dans le 78, les Jésuites accueillaient une soixantaine de rescapés des guerres, dans un ancien monastère transformé à la hâte (en centre de rétention ?). Là encore, la préfecture gérait seule, en séparant les flux et en isolant les nouveaux arrivants.
Finalement, à notre grande déception, la mairie a laissé transpirer de nouvelles directives de l’Intérieur, répercutées par la préfecture : pas d’hébergement commun d’étrangers avec des résidents français; centralisation par un organisme d’Etat de l’allocation des logements  »autonomes » où les réfugiés seraient strictement confinés entre eux; pas d’hébergement, sauf exception, en Ile de France : on va donc disperser le flux humain aux quatre coins de l’Hexagone, là où il ne s’attend pas à se retrouver. Une drôle de solidarité à la sauce policière de l’Etat, tenant à distance ses citoyens.

On pourrait mieux faire pour accueillir ces gens ayant tout perdu que de les traiter en cinquième colonne jihadiste (ou autres subversifs), alors qu’ils en sont pour la plupart les victimes et qu’ils représentent aussi le principal espoir pour la reconstruction future de leurs pays.
Pour rester dans les clous de l’admission à l’asile (12.000 personnes par an depuis de nombreuses années, peut être 20.000 désormais si tous les réfugiés de guerre sélectionnés sont admis), on va procéder de façon expéditive à l’éloignement de ceux venant de pays moins incandescents que la Syrie. La réforme de la loi française sur l’asile, en vigueur à compter du 1er novembre 2015, va actionner un terrible couperet contre ceux qui émergeront du processus comme « réfugiés économiques » (une étiquette infamante, qui vous tue), leur vie serait-elle autant en jeu que celle des autres.

Espérons, pour ceux qui seront finalement accueillis avec froideur et en nombre ridiculement restreint, que les citoyens-électeurs honnêtes dénonceront ce déficit d’humanité de la classe politique et de la haute administration. Même si d’autres, plus nombreux, dénonceront machinalement une  »invasion » du Pays, totalement imaginaire.

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L’Europe, miroir aux alouettes : protéger les frontières ou les migrants ?

Frontex - 0Couverture
Chronique partisane (parre-tisane?) n° 6
En matière d’immigration, la politique de l’Union Européenne (U.E.) reflète largement la volonté de ses Etats-membres. Les préoccupations humanitaires s’y mêlent à des objectifs prioritaires – moins nobles – tenant à la surveillance de l’accès au Vieux Continent et au refoulement des flux migratoires entrants. Plus l’Europe se ferme aux étrangers en quête de refuge, plus ceux-ci courent de risques sur leur vie, persuadés qu’ils sont de n’avoir pas d’autre choix.

– Les Directives européennes sur l’asile (dites de Dublin) organisent le  »chacun pour soi ».
Le principe mis en œuvre est celui de l’étude d’une demande individuelle d’asile par un seul pays de Schengen, le premier où un réfugié a été enregistré. On comprend l’intérêt d’éviter des demandes d’asile multiples faites par la même personne dans différents pays de l’espace Schengen. Ce faisant, le choix d’une destination d’asile devient, sinon impossible, dicté par les aléas de la géographie. Pour, ne pas être refoulés du premier pays européen qu’ils atteignent, les demandeurs vont devoir laisser prendre leurs empreintes (programme communautaire EURODAC) et se faire enregistrer. Aux termes du Règlement de Dublin, le pays qui effectue ces opérations sera le seul responsable de leur demande d’asile. Ceci, même si le candidat-réfugié se trouve alors dans un simple couloir de transit vers un autre pays où il est attendu. La France, qui pourra, par exemple, être la destination choisie, sera justifiée en vertu de Dublin I, II & III de refouler cette personne. Cela se fera rapidement, si le pays de premier transit accepte de reprendre le demandeur et, dans la négative, avant le 7ème mois de sa présence en France.

– Le règlement européen prévoit, en principe, qu’on tienne compte des risques qui seront encourus par les personnes renvoyées dans le pays de leur 1er transit. Ainsi, la Grèce, la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie, officiellement soumis au règlement de Dublin, ont la réputation de ne rien accorder aux demandeurs d’asile transitant sur leur territoire. Elles ne respectent guère le principe juridique absolu de non-refoulement d’un demandeur d’asile aux frontières. En France, les personnes ‘’dublinées’’ ont la possibilité de déposer un recours en tribunal administratif pour bénéficier d’une procédure d’examen de leur dossier. Mais, ce recours n’est pas suspensif de la décision de renvoi. Avant-même l’ordonnance du juge administratif, l’administration expulse généralement ces demandeurs de protection, sans autre forme de procès. De sorte que si l’on réalisait, ultérieurement, qu’une telle la décision de renvoi était illégale, ce serait trop tard, de toute façon.

– L’agence de surveillance des frontières, FRONTEX
L’agence Frontex a été créée et installée à Varsovie en 2005, sur la base d’un mandat ambigu : assurer le respect des frontières de Schengen contre tout franchissement illégal; ne pas laisser non plus les migrants se noyer sous nos yeux et se conformer au droit maritime.

– La catastrophe maritime de Lampedusa en octobre 2013, dans laquelle 384 migrants ont péri dans les eaux méditerranéennes, a montré toute l’ambigüité d’une gestion policière des eaux frontalières de l’Europe. De quoi parle-t-on : d’intervenir pour sauver de la noyade les naufragés abandonnés à quelques brasses de nos côtes ou plutôt de dissuader le passage et les passeurs, et pour cela de renvoyer les migrants sur les côtes de l’Afrique, là où pourra ne plus voir ces embarcations délabrées et leur cargaison humaine ? Peut-on vraiment refouler vers la Libye actuelle ?

– Dans les semaines suivantes, l’Italie a lancé ’’Mare Nostrum’’, une opération de sauvetage confiée à sa marine militaire. En un an, celle-ci a permis de secourir plus de 150.000 personnes (plus de 400 naufragés par jour) et d’arrêter 351 passeurs. Elle n’a toutefois pas empêché d’autres naufrages plus loin en pleine mer : 3.300 migrants ont trouvé la mort, en Méditerranée durant l’année, plus de 4.000, en 2014. Sur ce triste bilan, ‘’Mare Nostrum’’ s’est conclue le 31 octobre pour une dépense globale de 114 millions € sur un an. Dès le 1er novembre 2014, une nouvelle opération navale aux frontières de l’Europe a pris le relais. Baptisée ‘’Triton’’, elle a été confiée à Frontex, qui coordonne les moyens mobilisés par huit pays (France, Espagne, Finlande, Portugal, Islande, Pays-Bas, Lituanie et Malte). Ceux-ci mettent à disposition, à tour de rôle, du matériel technique et des effectifs humains. Cet ensemble de moyens est jugé insuffisant.
* Concrètement, Triton ne pourra compter, au maximum, que sur le tiers du potentiel que déployait ‘’Mare Nostrum’’ : 21 navires, quatre avions, un hélicoptère et 65 agents détachés pour des durées variables, le tout représentant un budget mensuel de 2,9 Mns € (contre 9 Mns concernant l’opération précédente). L’opération se cantonnera à des patrouilles, à proximité des côtes italiennes (Sud de la Sicile, îles Pélages et Calabre). Au-delà de ce théâtre d’opérations, ce qui se passera pourra être ignoré.

– Certaines frontières de l’Europe sont les défenses d’une forteresse hostile
Entre l’Espagne et le Maroc (enclaves de Ceuta et Melilla, dans le territoire chérifien), entre la Grèce et la Turquie (île de Lesbos), entre la Hongrie et la Serbie se déroulent des quasi-guerres migratoires. On y dresse des murs – en partie financés par l’U.E – sur des centaines de kms. L’incarcération systématique des sans-papier constitue une invitation aux mauvais traitements. Il est, ainsi, impossible de demander asile à la Hongrie, parce que son gouvernement a suspendu toute procédure en la matière. Le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) y dénonce l’incarcération systématique et l’usage de psychotropes pour soumettre les fugitifs à la volonté de leurs geôliers.

– A peine un réfugié sur trois trouve un abri en Turquie, pays, il est vrai, saturé par la présence de plus d’un million de Syriens. La Grèce, la Bulgarie et même l’Espagne ne se conforment plus à l’obligation d’un examen individuel, au cas par cas, de la situation de chaque arrivant. Elles les renvoient à leur point de départ, sans les interroger, ce qui est illicite au regard de la Convention de Genève de 1951. L’Italie, dépassée par le flux et ne voulant plus assumer la part majeure du fardeau, laisse assez libéralement transiter à travers ses frontières septentrionales (Menton). Elle ne respecte plus les procédures de Dublin ni celles du HCR. Le Royaume Uni, non-soumis à la mobilité dans l’espace Schengen, a installé à Calais son avant-poste migratoire pour bloquer tout accès, créant ainsi l’engorgement chez nous. Quant à la France, elle s’est engagée magnanimement à accueillir en liaison avec le HCR 500 Syriens par an (chrétiens et à condition qu’ils y aient déjà de la famille), sur les 10 millions de déplacés victimisés dans ce pays. Une telle pingrerie laisse pantois !

– De fait, sur la rive Nord de la Méditerranée, tout le monde triche avec le droit et avec les drames de ses voisins du Sud. Que ce soit pour endiguer l’afflux, le détourner ou pour transmettre la ‘’patate chaude’’ au voisin. Ces divers accrocs à la solidarité européenne et au droit international laissent percevoir que l’harmonisation des politiques souhaitée par Bruxelles n’ira pas bien loin. La Commission et le Conseil de l’U.E, en gros, font montre de compréhension ‘’sécuritaire’’, pour autant que de nouveaux drames de type Lampedusa soient évités. Le Parlement européen, lui, se tait. Avec le Traité de Lisbonne, l’UE avait adopté une Charte des droits fondamentaux valant pour tous. Elle a coulé. Existe-il encore quelques valeurs humanistes sur notre vieux continent ?


Pour aller plus loin : les textes

* Convention de Dublin du Conseil du 15/06/1990 I, (II 2003) & (III 26/06/2013), l’outil le plus mal appliqué.
* Directive 2013/32 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 relative aux procédures communes pour l’octroi et le retrait de l protection internationale (refonte)
* Directive 2013/32 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale
* Directive 2011/95 sur les conditions à remplir pour bénéficier de la protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés bénéficiant de la protection subsidiaire et au contenu de celle-ci.

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