* Lundi 7 novembre – Méthodes civiles de guerre

L’Ours Géo et moi nous sommes absentés pour célébrer la fête des défunts plantigrades. A notre retour, autant vous le dire : le soleil ne s’était pas levé sur la pénombre géopolitique que nous traversons.

L’Ukraine tout d’abord. A la bataille des drones lancée par la Russie sur les populations civiles comme militaires de son adversaire a succédé une guerre de destruction des infrastructure et des moyens de la survie de l’Ukraine, comme Poutine l’a pratiquée en Syrie (le terrain d’expérimentation du nouveau chef militaire de l’’’opération spéciale’’).

Déjà, l’échange d’engins volants Shahed iraniens contre des drones turcs marquait un élargissement du cercle des protagonistes aux deux pôles ennemis de l’Islam : un détail peu rassurant. Sans oublier les livraisons nord-coréennes à Moscou, qui introduisent un forcené de plus dans la bergerie en feu. Mais derrière ces facteurs de contagion, s’est dessinée une nouvelle stratégie russe de ‘’tuer le civil par le civil’’. Kiev a répondu par des drones ‘’suicides’’ aux bombardements opérés par le flotte russe depuis Sébastopol en Crimée occupée. Moscou en a pris prétexte pour redoubler sa campagne de destruction systématique des infrastructures, cherchant à couper toutes sources d’énergie à la population comme à l’économie. En novembre, ceci veut dire plonger des dizaines de millions d’habitants dans le froid, la nuit et peut-être la disette.

Quelle géniale trouvaille, ce front de destruction civilo-civil, après l’utilisation des centrales nucléaires comme des explosifs atomiques menaçant des territoires entiers ! Il est déjà acquis que le temps de la reconstruction sera plus long que celui qu’aura duré la guerre : l’Ukraine est rasée, poche après poche de son territoire. Mais les Ukrainiens résistent plus que jamais et, avec le soutien des armes occidentales, ils encerclent désormais Kherson, la capitale du Sud, que les Russes vide de sa population (où aboutit-elle ?).

L’autre arme ‘’civile’’ de Poutine s’adresse au monde entier et particulièrement au Sud de la planète, consommateur des céréales acheminés par la Mer Noire. C’est la planification de la faim ou du moins de son spectre. Le gouvernement de Moscou s’est un temps retiré de l’arrangement négocié par la Turquie et les Nations Unies pour ‘’laisser sortir’’ le précieux graal alimentaire. Ce schéma dispose le retrait des mines placées sur le chenal de sortie des eaux ukrainiennes en échange d’un engagement russe à ne pas s’emparer du corridor humanitaire aux fins d’attaquer Odessa. Kiev a donné de nouvelles garanties sur la ‘’démilitarisation’’ du chenal et la démonstration visée par Moscou (l’Ukraine et l’Occident fomentant la guerre sur le passage du blé, des engrais et du maïs) a fait long feu. De fait, dans la présentation que Poutine a faite devant un ‘’pensoir’’ stratégique local, la diplomatie russe mise à fond sur une représentation belliciste de l’Occident, qui serait prêt à sacrifier le monde en émergence à sa ‘’haine de la Russie’’. Sa thèse prône un ‘’nouvel ordre mondial’’ fondé sur la mise hors-jeu de l’Europe et des Etats Unis (et de leurs autres alliés), avec un retour très ‘’Westphalien’’ et démagogique à la ‘’souveraineté absolue des peuples’’.

Le tableau d’un futur commun placé sous la loi de la jungle et sous celle de l’exclusion est censé flatter la fibre des régimes non-alignés ou tiers-mondistes. Il est sûr que Cuba, le Mali, le Venezuela, la Corée du Nord, l’Erythrée et la Centrafrique applaudissent à cette claque flanquée à l’ordre mondial de 1945. L’Afrique subsaharienne, en particulier, manifeste à New York son désintérêt pour le calvaire ukrainien. Certes, certains gouvernements s’en démarquent (timidement), mais la rue salue la hardiesse de ‘’l’homme blanc fort’’ qu’elle voit en Poutine. C’est en termes de neutralité complaisante ou désabusée que Moscou entend recueillir un bénéfice inquiétant : désintéresser les Nations Unies de son agression en Ukraine et contre l’Occident, s’assurer la plus grande marge politique possible pour mener jusqu’au bout une offensive en tout point criminelle aux termes de la Charte de San Francisco et de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

S’il se généralisait sur la rive nord de la Méditerranée, ce mépris du droit pourrait rendre un peu moins spontané l’accueil fraternel dans l’UE de  personnes qui fuiraient la misère chez elles tout en se montrant satisfaites du mal fait à l’Europe. On doit savoir écouter ses frères, de façon réciproque. C’est maintenant au tour du Vieux Monde de les éveiller patiemment à la réalité du sinistre ‘’nouveau monde’’ actuel.

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