Premier scrutin en principe immune du syndrome de guerre civile depuis 2010, des élections législatives se sont tenues le 6 mars en Côte d’Ivoire, selon la règle majoritaire à tour unique. Initialement prévues en octobre 2020 mais reportées de quelques mois du fait de la pandémie de covid, elles vont renouveler les 255 sièges de l’Assemblée nationale. Pour la première fois depuis les troubles civils d’il y a dix ans, les principaux partis politiques du Pays étaient en lice, à l’exception de Générations et peuples solidaires (GPS) de Guillaume Soro ainsi que d’une dizaine de partis mineurs. Mais, le Front populaire ivoirien (FPI) de l’ancien président Laurent Gbagbo avait signé son retour, après dix années d’absence. 800 candidats se sont présentés par ailleurs sans étiquette, en tant qu’indépendants. La campagne s’est plutôt bien déroulée, sur fond d’appels à la réconciliation et d’un espoir de retour à un climat politique, sinon apaisé, moins conflictuel.
Depuis le référendum constitutionnel de 2016 instaurant une Troisième République et la mise en place du bicamérisme de précédentes législatives avaient été convoquées, en décembre de la même année, dans un climat de tension extrême (87 morts et 500 blessés). Boycottées par les principaux partis d’opposition, elles avaient été emportées par le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) du président Alassane Ouattara, avec une majorité absolue de 167 sièges sur 255. Candidat à un troisième mandat, après la mort subite de son dauphin, Amadou Gon Coulibaly, Ouattara, malgré son image traditionnelle d’ ‘’Homme du Nord’’, peu crédité électoralement dans le sud du Pays, a gagné la présidentielle d’octobre 2020 face, encore, au boycott de son opposition. Cette fois-ci, le RHDP présidentiel, tout en cherchant à conserver sa prédominance parlementaire, cherche voudrait susciter un dépassement des haines et une cicatrisation des plaies du passé. Cela consoliderait sa légitimité. Est-ce réussi ?
En Afrique, les adversaires électoraux revendiquent presque toujours la victoire, sans attendre la publication des résultats (parfois eux-mêmes sujets à caution). Le scénario s’est donc produit en Côte d’Ivoire. Finalement, selon la Commission électorale indépendante, le RHDP au pouvoir aurait confirmé sa majorité législative au terme d’un décompte publié (un point positif), tout en perdant la majorité des deux-tiers et donc son contrôle absolu des institutions. Son score s’établirait à 137 sièges sur 254, contre 91 aux partis d’opposition et seulement une petite vingtaine pour les indépendants. Le parti de Gbagbo et ses divers satellites obtiennent 81 sièges. Globalement les résultats sont crédibles et l’absence de violence leur confère de la légitimité. On peut donc parler d’un processus institutionnel et civil en cours de stabilisation. Il faut s’en féliciter. Mais, alors que le Sénégal s’enflamme et que les voisins de la Côte d’Ivoire sont devenus des cibles pour la nébuleuse jihadiste – qui vise un débouché sur l’Atlantique – Abidjan n’a plus beaucoup de temps devant elle pour rétablir un minimum de cohésion et de résilience politique face au péril porteur de la bannière noire.