* 20 avril – Diplomatie du silence des cimetières

Il y aurait, face au scrutin présidentiel français, 10 millions de malheureux qui ne se reconnaissent pas dans l’un ou l’autre des camps en présence. D’ailleurs, l’Ours à lunettes qui s’agite à l’intérieur de ce blog me paraît un peu morose sur le plan partisan. Il suit habituellement deux principes contradictoires :

(1) considérer la politique intérieure et l’action extérieure d’un pays comme formant un tout indissociable. (2) et ne pas trop s’aventurer dans les arcanes du militantisme partisan et toutes ces choses qui fâchent. Comme toute règle française s’impose essentiellement par l’existence d’exceptions, alors il transgresse.

Le Monde a titré : ‘’Marine Le Pen projette une diplomatie à l’opposé de celle d’Emmanuel Macron’’. Le Blog de l’Ours n’est pas sûr que les penchants de politique étrangère de cette dame et de ce monsieur traduisent fidèlement ceux – assez émotionnels – des électeurs français. Que ceux-ci trouvent le monde trop global, trop fracturé ou dangereusement complexe, on ne les a pas habitués, pour autant, à exprimer leurs convictions sous forme de programme, dans un domaine aussi ‘’régalien’’. D’ailleurs, à l’heure d’introduire leur bulletin dans l’urne, qui penserait à faire son régal du régalien (sinon l’Ours) ?

La candidate à la présidentielle prône la diplomatie du silence et de l’action confidentielle, proche de la définition, très régalienne, du putsch. C’est précisément le style de gouvernance autoritaire auquel les historiens imputent la première guerre mondiale. Mauvais présage, donc. Elle a présenté un programme de politique internationale que l’on pourrait décrire comme un brouillard autarcique, en rupture avec les principaux préceptes qui, depuis le Moyen-Age ont tenté d’apporte un peu d’ordre et quelques espoirs de paix et de démocratie. Une vraie Marine de guerre. Si on devait la voir barrer à la passerelle, cette ‘’diplomatie du silence’’ tonnerait comme un canon, à travers la planète.

Premier coup de gros calibre : l’amitié et même l’alliance qu’elle avait nouées avec Vladimir Poutine seraient confirmée ‘’dès un traité de paix signé entre la Russie et l’Ukraine ». Cette  »opération (de destruction) spéciale » sur le voisin et sa population ne serait donc qu’une innocente chamaillerie, une simple parenthèse vite refermée par une réconciliation scellée dans les bonnes formes diplomatiques. Croit-elle vraiment à l’imminence d’une si belle ‘’happy end’’ sur les rives du Dniepr ? A-t-elle juste oublié que la Russie de Poutine règle ses comptes non seulement avec l’Ukraine (pays qui, selon l’ami Vlad, n’existerait pas mais aussi avec 500 millions d’Européens ‘’ennemis’’ qu’il veut soumettre à son obsession impériale ? Nul doute que la dame adopterait bien vite la conception de la neutralité super-conciliante envers l’Est, que la Finlande récuse et que l’Ukraine voudrait encadrer de vraies et solides garanties. La France de Marine adopterait, seule, la posture de la ‘’bonne Ukraine de Ouest’’, telle qu’on la dicte au Kremlin. Au conseil de sécurité de l’ONU, elle s’alignerait amicalement sur Moscou, pour traiter de la guerre ou de la paix.

Il en serait ainsi, pour un autre motif : qu’elle serait sortie de sa propre initiative, du volet militaire de l’Alliance atlantique. Partant, elle aurait donc renoncé à la défense de l’Europe, telle que le Continent la conçoit, et à la sienne propre, devenue impossible. Aucune vision autonome de ce côté-là, l’alliance avec la Russie reprenant la main sur sa diplomatie, dès que le fût des canons aurait tant soi peu refroidi. D’ailleurs, bonne fille, la France s’attellerait à une troisième alliance, entre la Russie et l’OTAN, cette fois. Il n’y aurait plus qu’à renvoyer les Américains chez eux, comme l’ont fait les braves barbus afghans. Une fois l’Europe ‘’réarrimée à la Russie’’, une ère de paix s’ouvrirait, au soleil de laquelle l’Union Européenne – pas question de la quitter, rassure-t-elle – se disloquerait rapidement autour d’une France exécrée, coupable toutes les méfiances et désordres qu’on imagine.

Cette mutation de la France-puissance en une ‘’hyper-Hongrie’’(sensiblement plus  »illibérale » et xénophobe que celle de Budapest), ne briserait pas, selon la rhétorique RN, le duo franco-allemand. Simplement, il faudrait cesser tout ‘’aveuglement à l’égard de Berlin’’ (et de son chancelier rouge). On arrêterait aussitôt tout échange politico-militaire et toute coopération de défense avec les Rhénans maudits. Ajoutez à cela des expulsions à tour de bras de membres de familles étrangères séparées ou de couples mixtes, la fin des naturalisations et de la nationalité par droit du sol, enfin, la remise en cause du droit communautaire et du droit humanitaire, etc., Plutôt qu’un rayonnement de la France dans le monde, s’imposera sa forte imprégnation idéologique par la préférence nationale, rabougrie, allant de pair avec un mépris assumé des institutions (dont la Constitution et le Parlement) et, pour tout dire, un hubris de diplomatie provocatrice. Cela ne pourrait qu’isoler la France et l’abaisser à l’international. Tous les ingrédients de la politique intérieure de la dame sont là et transpirent de son plan d’action extérieure. Point de barrière entre l’ordre intérieur et l’action extérieure, répétons le !

Pour qui aime la fermer et aller mourir à la guerre (sans broncher), le bulletin doit aller à la ‘’diplomatie silencieuse (et l’action confidentielle)’’.

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