* 4 juillet – Le Parti ‘’normalise’’ son empire sous l’éteignoir

Le pire reste à venir. Il est arrivé au ‘’Port des parfums’’ en impériale majesté, ‘’inspecter’’ le petit peuple – 8 millions d’âmes – qu’il vient de soumettre à sa farouche volonté. Nul accueil populaire nécessaire, bien que la date symbolique soit celle du 1er juillet commémorant un anniversaire : le 25ème de la rétrocession de la colonie britannique à la souveraineté de la Chine populaire, en 1997. A l’origine, quand Margaret Thatcher et Deng Xiaoping s’étaient laborieusement entendus sur le processus, ce jour marquait presqu’une fête, la promesse d’un avenir libre et prospère pour 50 ans ; ‘’Un pays, deux systèmes’’, la promesse n’était-elle pas trop belle ? Elle conciliait l’état de droit occidental et le dynamisme économique unique d’une métropole internationale riche et high tech, branchée sur le marché immense du Goliath chinois.

La recette n’a pas tenu la moitié de la durée prescrite par les accords. Avant-hier, Xi Jinping a investi, visage gris et hautain, une ville traumatisée et aphone, privée de ses libertés. Plus de 120.000 cadres issus des classes moyennes s’en sont enfuis et plus de mille étudiants (dont le leader du ‘Mouvement des parapluies’, Joshua Wong), comme des journalistes et des citoyens attachés à leur liberté d’expression croupissent derrière les barreaux. Ils ont irrité, par leur existence, le régime de Pékin, lequel s’est vengé d’eux. Acceptés par Deng Xiaoping, la liberté et la règle de droit, l’expression de la jeunesse au sein du débat public du territoire, la promesse-même faite à la population d’un passage progressif du suffrage censitaire vers un mode de sélection universel et direct de ses dirigeants ont vécu. Tous ces éléments d’émancipation et de progrès, ont suscité la rage (muette) de son lointain successeur. Le fait central est là : Deng croyait qu’en en empruntant le meilleur à l’Occident et au marché, il mettrait l’Empire sur une orbite de prospérité. Comme lui, ses successeurs immédiats (Jiang Zemin et Hu Jintao) ont fait largement profiter leur entourage de la ‘’poule aux œufs d’or’’ hongkongaise. Xi, lui, n’a pas cette fibre : régner sur un vaste et sinistre Etat policier lui convient. Il est venu dans l’ex ‘’putain de l’Occident’’ installer à la tête de l’exécutif de cette Zone administrative spéciale, un ancien flic, à son image, sans imagination ni charisme, mais à lui tout dévoué. Tout le message est là.

L’histoire, du moins sa version retenue par les perdants, dira qu’en 2019 encore, un quart de la population hongkongaise était dans la rue pour protester contre une loi sécuritaire inique qui menaçait de déportation sur le continent tout judiciable déplaisant à Goliath. Qu’aux dernières élections au Legco (corps législatif local), les candidats non-présélectionnés par le Parti et donc d’opposition étaient majoritaires. Les manuels d’histoire sont en cours de révision pour imposer la version des ‘’vainqueurs’’. La vie politique pluraliste comme la bonne tenue d’une presse locale libre ont vécu. Il y eut un temps où l’hebdomadaire ‘’Far Eastern Economic Review’’ était réputé être la meilleure source d’analyse qui soit sur l’actualité en Asie.

La place financière grouillante d’activité et de vie est devenue une sorte de Biélorussie de Loukatchenko (en bien plus développée), et, en tirant la comparaison, une petite Tchécoslovaquie (ou Ukraine), investie non par l’armée rouge mais par la police et les commissaires politiques du Parti. Pour votre serviteur, qui a longtemps fréquenté cette cité mirifique, l’envie d’y retourner a passée. La fleur blanche de bauhinia, qui faisait son emblème, est submergée de rouge. Cela n’aura pas été Hong Kong et son libéralisme qui auront déteint sur la Chine, mais tristement l’inverse…

Le traité de rétrocession sino-britannique, aujourd’hui foulé aux pieds, était pourtant un instrument juridique international, validé par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le monde occidental – et le Royaume Uni, singulièrement – n’a pas su anticiper la rage de Xi Jinping ni même une parade, lorsqu’il est devenu évident qu’il voulait renier les engagements chinois. Une nouvelle doctrine du parti veut désormais que ‘’Hong Kong n’a jamais été britannique’’ (150 ans seulement, il est vrai …) mais a ‘’toujours été chinoise’’ (‘’chinoise’’, dans le sens, de souveraineté du Parti communiste).

Ce langage ne vous rappelle pas un peu les élucubrations de Poutine à propos de l’Ukraine, ‘’toujours russe’’, ‘’jamais libre de se lier à l’Occident’’ ? Moi, si. Les Taïwanais, vivant sur le bout de terre suivant que Pékin veut ’’normaliser’’ par la force, pensent probablement comme moi.

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