* 20 janvier – Poème russe

En introduction de son discours à Strasbourg, Emmanuel Macron a évoqué  »une Europe bâtie sur un modèle unique au monde d’équilibre entre liberté, solidarité, tradition et progrès. Il a rappelé que la construction européenne reposait sur trois promesses : la démocratie, le progrès partagé par tous et la paix. Mais aussi que ‘’l’ébranlement actuel du monde venait bouleverser ces trois promesses. Pour autant qu’il pourra y adapter le calendrier européen durant les six prochains mois, l’un de ses principaux objectifs de sa présidence européenne serait de sauver la paix, face à une probable offensive de la Russie en Ukraine. C’est noble. En prendra-t-il les moyens ?

Dialoguer avec Moscou parait un choix réaliste, si toutefois la France parvenait à se faire reconnaître du Kremlin comme un partenaire reconnu. Depuis son arrivée au pouvoir, Macron a notamment relancé à maintes reprises l’offre de partenariat, plaidant pour un dialogue ‘’franc et exigeant’’, qui, manifestement, n’intéresse pas Moscou. L’exercice ‘’n’est pas une option’’, certes, une nécessité dans l’absolu, mais cette France moyenne puissance aux intérêts globaux, capable d’intervenir militairement en Afrique et au Moyen-Orient est perçue par Poutine, sous deux angles : dangereuse et à marginaliser comme ‘’trop petite pour se mêler de tout’’.

En 2008, la diplomatie française avait, non sans ambigüité, œuvrer à un cessez le feu en Géorgie, aussitôt mis à profit par les forces russes d’invasion pour s’incruster / annexer ? les territoires qu’elles avaient occupés. En 2011, Paris a rendu la pièce à Poutine, en réinterprétant complètement le mandat que le Conseil de Sécurité lui avait confié sur la Libye. La manœuvre franco-anglaise, soutenue par les Etats-Unis, a provoqué la colère du Kremlin (comme d’ailleurs de Zhongnanhai). En 2014, Paris et Berlin ont mis au point un schéma ‘’Normandie’’ autour de la crise en Ukraine, schéma dont Poutine veut se débarrasser de la façon la plus humiliante possible pour les ‘’nains verbeux européens’’. Pas une option, alors, ce dialogue stratégique sans complaisance ? Mais pas une possibilité non plus. Au risque de choquer un tiers des Français, qui ont une appréciation positive du tyran moscovite, celui-ci voit la France et les Français comme une gêne et ressent à leur égard une profonde inimitié. Venir à lui avec un grand sourire le laisse carrément froid et sarcastique.

Alors que la tension s’accroît avec la Russie, notamment après l’envoi de troupes aux frontières avec l’Ukraine, Emmanuel Macron a raison de donner la priorité au renforcement de notre défense et à ‘’enfin construire un ordre de sécurité collective sur notre continent’’. Le construire d’abord entre Européens tient de la nécessité absolue et,  »en même temps », du pari impossible. On va progresser avec l’Allemagne, peut-être confirmer la vieille alliance militaire avec le Royaume Uni (surtout si les Britanniques arrivent à se débarrasser du bouffon du 10, Downing street), mais la culture dominante chez nos autres partenaires est plutôt celle d’Edouard Daladier : munichois. Quant à partager le résultat avec nos alliés dans le cadre de l’Otan, avant de le proposer le paquet à une négociation avec la Russie, c’est presque proposer un duel à mort entre Poutine et Biden dont les ‘’pages’’ européens seront les petits valais spectateurs. Le désaccord sur ce que devrait être l’Alliance atlantique est toujours là, même si la France, qui a réintégré les les forces communes, n’est plus le vilain petit canard provocateur de l’époque gaullienne. On la soupçonne quand même de tirer la couverture à elle, avec arrogance et de déstabiliser la Pax americana.

Bon courage donc au président français pour lancer, pendant les deux mois utiles de sa présidence tournante des 27, un réarmement stratégique de notre Europe comme puissance de paix et d’équilibre ! La paix et l’équilibre ne sont pas des obsessions russes. Seuls les citoyens de ce grand empire boiteux pourront, non sans peine, essayer de guérir paranoïa et mégalomanie d’une sphère dirigeante hors-du temps présent. Quant au bel agenda russe de la présidence européenne tournante, invoquons les icones des saints du Paradis pour qu’il se cristallise au-delà des belles paroles d’un maître de la Com…

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