Le Royaume Uni fait silence. Toutes sortes de tuiles lui tombent sur la tête mais aucun message n’en émane pour caractériser la crise, à fortiori pour s’en extraire. L’échéance du 15 octobre, fixée par B. Johnson comme butoir de la négociation du partenariat post-Brexit avec l’UE, est passée sans commentaire aucun. A elle seule, elle constituait pourtant la totalité du programme du nouveau premier ministre britannique. Plus pragmatiques, ses interlocuteurs à Bruxelles ont fixé le couperet en fonction des délais de ratification d’un futur traité par les Etats-membres. Il semble que ceci permettrait d’étirer l’échéancier sur une semaine supplémentaire ou deux, en novembre. Londres ne pipe pas, ne voulant pas assumer elle-même la fin de partie (il conviendra d’en accuser la partie européenne, le moment venu).
Mais elle souhaite surtout garder deux fers au feu. Si D. Trump est réélu, les Conservateurs rêvent qu’il leur lancera alors une bouée de sauvetage, leur ouvrant tout grand la voie d’un libre-échange renforcé et privilégié avec les Etats-Unis. Un pari teinté d’illusions, à en croire les conditions très impopulaires imposées par Washington en matières d’échanges agro-alimentaires et de services médicaux. Si c’est J Biden qui remporte le scrutin, il se montrera assez sévère à leur égard. Peut-être faudra-t-il alors, pour le gouvernement britannique, se ménager un accord substantiel avec les 27, en accordant donc une importance particulière à la question de la frontière intra-irlandaise. Bref, l’heure n‘est pas à dévoiler des intentions mais à gagner du temps pour décrypter celles des autres joueurs.
In peto, Johnson privilégiera toujours la bonne vieille ‘’relation spéciale avec Washington’’. Sa détestation de l’UE et son soutien indéfectible à l’Alliance atlantique en attestent. L’an dernier, D. Trump s’était ouvertement réjoui de l’arrivée au n° 10 d’un dirigeant anglais populiste, avec lequel il entretient des atomes crochus (ce qui n’était pas le cas avec Theresa May). Grand partisan du Brexit, il a un peu rapidement promis, dès la sortie de l’UE, la conclusion de l’accord commercial bilatéral dont la concrétisation ne paraît plus du tout évidente. J. Biden, lui, se montre foncièrement hostile au divorce britannique de l’UE. Lorsque Westminster a adopté la loi permettant de renier les engagements internationaux du Royaume concernant l’Irlande, le candidat démocrate a prévenu Johnson que le partenariat avec les Etats Unis s’en trouvait affecté. On redoute, outre-Manche, que lui-même et Kamala Harris – née en Martinique – soient plus proches de Paris que de Londres. Frightening !